Photographie

Marie Dorigny : Main basse sur la terre

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Palais du Grand large, salle Vauban

Toutes les photographies de Marie Dorigny nous révèlent une femme éprise d’égalité, une authentique « Passionara » de l’image engagée. En décembre 1989, la révolution roumaine l’a fait naître au métier. Depuis, ses images, récompensées par de nombreux prix (Prix Photo AFD POLKA 2013 ) et récemment exposées à la Maison Européenne de la Photographie de Paris, dénonçant l’insupportable violence sans frontières de nos sociétés, sont devenues incontournables.

Avocate sans concession pour dénoncer le travail des enfants, payés six cents de l’heure au Pakistan pour coudre les ballons de foot Nike, Marie Dorigny n’a eu de cesse de faire de son engagement le miroir fidèle de toutes les atteintes à la dignité humaine. Que ce soit sur les routes verglacées qui relient la Pologne à l’Allemagne, auprès des prostituées venues de l’Est ou au fin fond des vallées encaissées du Népal, ce pays « qui n’aimait pas les femmes », elle se tient aux côtés des victimes dont les droits ont été bafoués.
Sans jamais verser dans l’émotionnel, conjuguant une maîtrise parfaite d’un cadrage à l’opposé de toute dramatisation esthétique, avec un sens inné d’une lumière naturelle baignée de pudeur, Marie ne donne surtout pas en spectacle la souffrance humaine.

©Marie Dorigny

Tout n’est que dignité et quête de respect dans le regard de celles et ceux qui ne possèdent plus que leurs yeux pour pleurer. À l’entrée de l’exposition, il imprègne votre mémoire, ce regard frontal et accusateur de la jeune mère et de ses deux enfants, encore prostrés, au milieu du champ de maïs, dont ils ont été dépossédés dans une province au cœur du Mozambique.

©Marie Dorigny

Digne héritière de Dorothea Lange, car grande parmi les grandes, qui vivent aussi de l’intérieur la grave crise que traverse une profession sinistrée, Marie Dorigny, nous donne dans chacune de ses images une leçon de solidarité, au plus près des conditions de vie, de survie, devrait–on dire, des nouveaux damnés de la terre, victimes d’une gigantesque opération main basse sur le sol mozambicain.

Alain Mingam, Président du Jury du Prix Photo AFD.