L'auteur James Noël, lors de l'édition 2016 du festival Etonnants Voyageurs, en Haïti.

L'auteur James Noël, lors de l'édition 2016 du festival Etonnants Voyageurs, en Haïti.

Omrita Nandi / Etonnants Voyageurs

Un festival comme Etonnants voyageurs a tout pour continuer à étonner, avec cette flopée d'auteurs, de festivaliers parachutés pour la troisième saison en Haïti.

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Il y a trois ans, le festival a eu lieu après un séisme dévastateur. Les poètes, les auteurs ont pris plumes. Ils ont marché comme une foule. Ils se sont défoulés sur la faille. Une nouvelle carte littéraire s'est (re) dessinée. Du tremblement des pages, le mot est passé à la tectonique de la joie. Le ventre creux, le rire en coin, les jeunes poètes ici se donnent le temps de s'inquiéter de Trump, d'avoir une peur bleue pour le monde arabe et l'occident. Les jeunes poètes ici sont excités par le Brexit et perdent leur grammaire et leurs latins devant la jeune femme qui se fait sauter dans un attentat.

Cette année, le bal des auteurs est ouvert après un festival de vents mauvais qui a soufflé et ravagé le Sud du pays, sans compter la région de la Grande-Anse, celle qui a donné naissance au grand poète René Philoctète..."Je laboure des coeurs pour un épi d'amour".

Maintenant que l'ouragan est passé, on est en droit de se poser la question. Que vaut un grenier sans épis? Dans le grand chaos des sociétés qui se shootent aux vents contraires et aux déchaînements des éléments, il y a-t-il moyen de démêler le bon grain de l'ivraie?

Que nous chuchotent à l'oreille ces bruits de vents ? Que nous racontent ces bruits du monde ? Peut-être sont-ils en train de nous dire que nous sommes arrivés au bout de nous-mêmes ?

Haïti comme le monde, a besoin d'un nouveau souffle. Un grand souffle, un ouragan de tendresse. Les poumons sont là, les coeurs sont là, les mains sont là. Ne croisons pas les bras dans l'attitude stérile du spectateur. Commençons par souffler. Avant que nos bougies ne soient éteintes par la forte haleine des petits maîtres de la prédation.

Puisqu'on souffle, alors, ouvrons, ouvrons nos poumons...rions et crions... ouvrons les, aussi vaste qu'un bol, ouvrons les, aussi large qu'un appel d'air.

Le Festival peut aussi participer, à partir d'Haïti, à faire prendre la contagion d'un vaste mouvement de beauté et d'ouragan de tendresse sur le monde tout entier.

L'événement des voyageurs est mûr pour être mué, être converti enfin en un festival de grand DÉCLOISONNEMENT, en lieu incontournable pour l'émergence d'une foule inédite de pépites, de jeunes pousses pour un imaginaire qui escalade tous les murs qui peuplent les territoires d'ici, d'ailleurs.

Sans marcher sur la tête, les jeunes poètes (y compris Frankétienne) peuvent aider à planter, car la poésie est terre fertile de tous nos grains de folie.

*James Noël, maître d'oeuvre de la revue IntranQu'îllités (rendez-vous 16 décembre à la maison de la poésie, Paris).

Dernier livre : La migration des murs (un pamphlet contre les murs) éditions Galaade, nov. 2016.

Il a coordonné une anthologie de poésie haïtienne contemporaine qui réunit 73 poètes vivants, chez Point, Seuil.

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