New-York : le marathon littéraire du World Voices Festival (30 avril-6 mai)

Ambassadeur d’Étonnants Voyageurs auprès de la Word Alliance, Emmanuel Delloye était à New-York pour assister au festival World Voices, organisé par le Pen Club depuis 2004. Il nous livre ses impressions sur cet événement littéraire trépidant, niché au coeur de la Grosse Pomme...

"Si vous aimez ajouter à l’exercice intellectuel le plaisir de la marche sportive, alors le Pen World Voices Festival of International Literature de New York City est fait pour vous. De Harlem jusqu’à Brooklyn, de l’East Side jusqu’à l’Hudson, il vous invite dans les espaces les plus divers, musées, théâtres, résidences d’artistes, club de poésie, universités, bibliothèques, cafés, librairies…D’un événement à l’autre, vous marchez, trois, quatre ou cinq blocs jusqu’à la station de métro la plus proche puis, arrivé à destination (sans confondre lignes express et locale), de nouveau plusieurs blocs à franchir au pas de course, pour arriver haletant et ravi. Ravi de marcher dans les rues la tête en l’air, ravi d’être assis dans ce vieux métro un peu déglingué où toutes les nations du monde semblent s’être donné rendez-vous.

Le Pen Festival connaît en 2012 sa huitième édition. Il affirme comme chaque année son principe fondateur : offrir à son audience le meilleur de la littérature nationale et internationale et lui témoigner son soutien sans faille à la liberté d’expression partout dans le monde : « plus nous lisons et plus nous apprenons d’autres cultures, mieux nous sommes armés pour comprendre, défendre et promouvoir l’importance de la liberté d’expression ». Tel est le credo du Pen. On ne peut s’empêcher de penser qu’il y a de l’ouvrage quand on sait que seulement 3% des livres publiés aux Etats-Unis sont traduits de langues étrangères, mais au Pen Festival le public est acquis à la cause et les écrivains étrangers font recette.

Cette année vingt six pays sont représentés parmi les cent huit auteurs invités. Point de thèmes fédérateurs, mais une variété de débats et d’entretiens sur des thèmes d’actualité, des conversations littéraires, des lectures de textes par leurs auteurs… On commence par suivre une parade de marionnettes géantes qui évoquent la présence de la littérature depuis les tablettes de terre cuite jusqu’à l’âge électronique. On goûtera ensuite un dialogue raffiné entre deux auteurs francophones sur leurs influences proustienne et nabokovienne respectives dans le décor intime de la Maison Française de l’Université de New York (NYU). Puis c’est au Metropolitan Museum que trois auteurs, un juif, un arabe et une iranienne, et le Kronos Quartet questionnent les frontières entre littérature et musique. Le lendemain on écoute à NYU une Prix Nobel qui raconte son difficile apprentissage de l’écriture sous un régime oppressif qui condamnait au silence avant de rencontrer dans la 12ème rue une pionnière de l’écriture sur internet. Changement de cap : John Cage vous invite Upper Broadway à revivre sa fameuse expérience « How to get started », avant qu’une une dizaine d’employées de maison réunies dans un atelier d’écriture par un écrivain vous lisent leurs poèmes avec enthousiasme dans la 11ème rue. On arrive enfin à la nuit à l’Invisible Dog, un centre d’art contemporain de Brooklyn, bienheureux de s’asseoir par terre et de déguster un verre de vin en écoutant une finlandaise, un norvégien, un belge et même un américain lire des extraits de leurs derniers livres..

Le festival se referme sur une conversation désopilante autour de la censure entre Salman Rushdie et Gary Shteyngart qui, pendant plus d’une heure, font se tordre de rire plus de cinq cents personnes. A quoi tient le charme de ce festival ? A la qualité des auteurs invités ? Sans aucun doute. A la variété des espaces ouverts au public ? Peut-être aussi. Mais assurément à cette ville dans laquelle le festival s’est admirablement intégré et où il vous invite à des découvertes sans cesse renouvelées, où l’on ne sent pas la fatigue, tant cette ville extraordinaire à l’énergie intarissable vous communique son énergie."

Emmanuel Delloye


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