BRINK André

Afrique du Sud

14 novembre 2012.
 

Grand nom des lettres sud-africaines, André Brink est devenu dans les années 1970 l’une des figures de la contestation de l’apartheid au sein de l’élite blanche de langue afrikaans. En 1973, son roman Au plus noir de la nuit, tente, en mettant en scène un héros noir épris d’une femme blanche, de faire de la langue de l’apartheid une langue de résistance : il est interdit dès sa parution par la censure pour pornographie, blasphème et atteinte à la sécurité de l’État. En 1979 Une saison blanche et sèche, également censuré en Afrique du Sud, consacre sa renommée internationale : traduit dans une dizaine de langues, ce roman d’une grande force est couronné par le Médicis Étranger et le Martin Luther King Memorial Prize.

Adapté en 1989 au cinéma par Euzhan Palcy, ce livre-symbole retrace la prise de conscience d’un Afrikaner bien-pensant, jusque là indifférent à l’horreur de l’apartheid, face à la mort du fils de son jardinier noir, tué par la police lors d’une manifestation. "Je me demande souvent comment on a pu, comment j’ai pu ne pas voir ce qui se déroulait sous mes yeux dans mon pays." écrit André Brink dans Mes bifurcations, ses Mémoires parus chez Actes Sud en 2010. Descendant de colons boer, élevé dans une famille afrikaner conservatrice, l’écrivain, né en 1935, a grandi dans un univers de violence feutrée et de racisme pernicieux, intériorisant dès l’enfance l’angoisse de la minorité dominante blanche : "Certains matins, au réveil, j’étais persuadé qu’un homme noir dormait sous mon lit."

Venu en 1959 poursuivre ses études littéraires à Paris, André Brink côtoie pour la première fois à la Sorbonne des étudiants noirs sur un pied d’égalité. En 1960 les échos qui lui parviennent de la tuerie de Sharpeville, où la police sud-africaine a abattu une soixantaine de manifestants désarmés, achèvent de l’ébranler. De retour en Afrique du Sud, il rejoint la nouvelle génération d’auteurs de langue afrikaans, les "Sestiger", de laquelle fait également partie le grand Breyten Breytenbach. C’est à une plongée dans ce milieu littéraire et intellectuel sud-africain des années soixante, bataillant contre l’apartheid et la censure, qu’invite Mes bifurcations.

Sur un ton très personnel, André Brink fait le récit de ces décennies d’engagement, de rencontres et de création, concluant sur son inquiétude face à l’évolution actuelle d’une Afrique du Sud laminée par la corruption et la violence. Inquiétude qui ne l’empêche pas de garder confiance en l’avenir de la "nation arc-en-ciel" : « Beaucoup de choses ne vont pas, mais sur le plan de l’éducation il y a la possibilité, pour la première fois, que différentes races se rencontrent à l’école, au travail. C’est le commencement d’une toute nouvelle vie, d’une nouvelle génération. »


Bibliographie :


Présentation de Mes bifurcations : Mémoires :

couverture C’est en romancier qu’André Brink choisit de composer ce livre de Mémoires, en alternant narration et réflexions. Le lecteur découvre ainsi la trajectoire, les convictions et les doutes, les "bifurcations" d’un intellectuel issu d’une famille qui ne remet pas en question l’apartheid, le parcours d’un enfant qui va grandir entre ruptures et attachements, violence silencieuse des conflits familiaux, terreur de la rue et sérénité d’un milieu privilégié. Promenant le fil de sa vie sur des chemins de traverse et livrant son amour des arts, de la musique et de la peinture, André Brink fait défiler sous nos yeux avec virtuosité mille autres sujets, majeurs ou anecdotiques, qui dessinent peu à peu l’histoire d’un Sud-Africain né en 1935, qui, depuis l’enfance jusqu’à la toute dernière élection présidentielle, condamne les horreurs de l’apartheid comme les dérives du gouvernement actuel, sans jamais s’affranchir de l’amour qu’il porte à cette terre qu’il n’a jamais quittée.


Revue de presse :