MANAI Yamen

Tunisie

12 avril 2022.

Ingénieur de formation, il confirme, roman après roman, une place incontestée dans la nouvelle génération d’auteurs tunisiens, bâtissant ses œuvres comme des contes modernes inspirés tant par l’actualité que les nouvelles technologies. J.-M. G. Le Clézio dit de lui qu’il "parle avec la réserve et l’exactitude de l’homme de science et en même temps avec le feu du poète et l’imagination du romancier. » Après L’Amas ardent, couronné de nombreux prix dont celui des Cinq continents de la francophonie, Yamen Manai publie cette année un nouveau roman d’une fougue rare, déroulé comme le monologue d’un adolescent révolté contre le monde. Brillant portrait d’une jeunesse meurtrie, qui décide de renverser les rôles et accuse la société de détruire tout ce qui est beau.

 

Considéré comme l’un des représentants les plus talentueux de la nouvelle génération d’auteurs tunisiens, Yamen Manai interroge les ressorts de la modernité et de la liberté politique. Si ses romans sont emprunts d’actualité, l’auteur veut créer une œuvre intemporelle et universelle qui ne se limite pas à un moment précis de l’Histoire. Ingénieur romancier, il construit ses œuvres comme des contes à l’aide de personnages forts et s’inspire des nouvelles technologies - un domaine qui le fascine. Jean-Marie Gustave Le Clézio dit de lui qu’il "parle avec la réserve et l’exactitude de l’homme de science et en même temps avec le feu du poète et l’imagination du romancier."

Il grandit en Tunisie avant de partir en France faire ses études. À Paris, il se passionne pour la littérature et découvre avec émerveillement les nombreuses librairies, les rencontres littéraires et les débats. C’est alors qu’il publie son premier roman, La Marche de l’incertitude, très belle histoire à l’humour joyeux, entre influences du conte traditionnel africain - destins croisés de personnages forts - et son goût pour la science et la technique. Publié en 2010 en poche aux éditions Elyzad, basées à Tunis, le récit est placé sous le signe du hasard. Immédiatement remarqué, Yamen Manai a reçu le prix Comar d’Or, prestigieux prix littéraire tunisien, et le prix des lycéens Coup de cœur de Coup de Soleil en France, dont l’ambition est de mieux faire connaître la littérature du Maghreb.

Dans son deuxième roman La Sérénade d’Ibrahim Santos, paru en 2011 et pour lequel il a reçu le prix Alain Fournier qui récompense de jeunes écrivains, Yamen Manai nous plonge dans l’univers du réalisme magique sud-américain en proposant une peinture de la réalité qu’il s’amuse à travestir. L’écrivain interroge la dictature et ses ressorts ainsi que les limites des prouesses technologiques en transportant le lecteur par la musique d’Ibrahim Santos, musicien météorologue. L’écrivain, qui a commencé l’écriture du roman trois ans avant la révolution tunisienne, a confié avoir senti les prémices des mouvements de contestation à venir.

En 2017, il signe L’Amas ardent, récompensé du Prix des cinq continents de la Francophonie. Dans cette fable moderne aux allures de conte philosophique, il trace un parallèle entre la lutte d’un apiculteur pour sauver ses abeilles des frelons asiatiques, et l’invasion du fondamentalisme religieux. C’est sa façon de donner un sens à l’actualité, à la crise écologique et au fanatisme, mais aussi de proposer une solution : la solidarité, le travail collectif pour un objectif commun, à l’image des abeilles. Si la réalité tunisienne l’a influencé, Yamen Manai a voulu faire un roman universel qui s’adresse à tous les hommes, résolument tourné vers l’espoir.

Yamen Manai revient en 2021 avec le court et intense Bel abîme, récit à la première personne où un adolescent raconte les raisons de sa vengeance sur le monde après la disparition de sa chienne Bella, qu’il aimait tant. Portrait critique d’une société où le pouvoir ne change jamais de main, le roman met brillamment en scène la colère après l’injustice, la jeunesse fougueuse contre l’ordre établi.


Bibliographie

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Bel abîme

Elyzad éditions - 2021

Je revenais du collège quand j’ai rencontré Bella. Une après-midi de novembre, morose. Un garçon triste, chétif, une tête à claques, la tête baissée, la peur qui habite ses tripes, et parfois, l’envie d’en finir. On n’imagine pas ce que ressent un enfant quand il faut qu’il se fasse encore plus petit qu’il n’est, quand il n’a pas droit à l’erreur, quand chaque faux pas prend un air de fin du monde. Mais en l’entendant, ce jour-là, j’ai redressé le menton.

Yamen Manai nous conte avec fougue le cruel éveil au monde d’un adolescent révolté par les injustices. Heureusement, il a Bella. Entre eux, un amour inconditionnel et l’expérience du mépris dans cette société qui honnit les faibles jusqu’aux chiens qu’on abat « pour que la rage ne se propage pas dans le peuple ».