Murong Xuecun

Chine

22 avril 2014.
 

« La réalité est que nous ne pouvons parler de la réalité ; le seul point de vue est que nous ne pouvons en avoir un… »

De son vrai nom Hao Qun, Murong Xuecun est un écrivain engagé, célèbre pour ses combats contre la corruption de l’État chinois et du parti unique. Censurés à de nombreuses reprises, ces romans, une dizaine parus à ce jour, explorent le monde impitoyable de la Chine contemporaine, formidable radiographie d’une société irradiée au plus profond de sa chair par la corruption, et dont les antihéros, enivrés d’argent et de cruauté ne recouvrent un peu d’humanité qu’au moment où ils se fracassent. « La corruption est la norme, c’est devenu une loi non écrite, un acte de foi. Elle est partout. Nul besoin de se livrer à de la corruption, c’est elle qui se livre à vous », a écrit l’auteur dans une tribune publiée dans le New York Times en mai 2011.

Au début des années 2000, Murong Xuecun commence à publier, comme d’autres auteurs engagés, des chroniques et nouvelles sur le web, critiquant les tares du régime. Rapidement, ses blogs sont fermés les uns apprès les autres. Petit à petit, il s’impose sur l’édition papier, malgré la censure, qui l’oblige à couper des pans entiers de roman, revoir des fins… et jouer sur les rééditions pour les réinjecter discrètement. Sa liberté de parole, il l’a aussi acquise durant ses voyages en dehors de Chine, ses essais, ses tribunes dans la presse étrangère ou ses messages sur Weibo (le Twitter chinois), défiant comme peu osent le faire, cette Chine post-totalitaire où le dogme du parti unique autorise tous les vices, où l’histoire est falsifiée, la presse obligée de relayer des mensonges, et la police a tous les droits dès qu’il s’agit de « maintenir la stabilité ». Murong Xuecun sait aussi que sa liberté de mouvement reste fragile.

Dans son dernier roman, Danse dans la poussière rouge, publié en 2008 en Chine et traduit en 2013 en France, l’auteur s’attache, à travers la descente aux enfers d’un avocat prêt à tout pour faire fortune, à nous montrer les vicissitudes de l’existence humaine, cette « poussière rouge » de la tradition littéraire de la Chine ancienne, dans la société autoritaire post-totalitaire actuelle qui corrompt les âmes.


Bibliographie :

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Danse dans la poussière rouge

Gallimard - 2013

Danse dans la poussière rouge relate la descente aux enfers d’un avocat prêt à tout pour faire fortune. Parue en 2008, cette fable sur la corruption des milieux judiciaires dépeint la vie de Wei Da, fils de paysan devenu juriste en soudoyant collègues et supérieurs. La poussière rouge, c’est notre monde ici-bas, un monde peu reluisant dans lequel le jeune héros, né pendant la Révolution culturelle, navigue avec habileté et sans état d’âme, mais avec une grande lucidité. Pour lui, les sentiments n’existent pas ; l’égoïsme et l’intérêt gouvernent le monde, et le mensonge est partout. Il s’honore d’être une parfaite crapule qui ne recule devant aucune magouille ni aucun coup fourré pour s’enrichir ou satisfaire ses vengeances. Trafic d’influence, détournement de fonds, blanchiment d’argent, prostitution font son quotidien. Il ira même jusqu’à tenter de faire tuer une petite amie devenue gênante ou de faire arrêter pour proxénétisme l’ancien amant de sa femme. Il porte sur toute chose un regard cynique : amitié, amour, tout n’est que commerce. Son épouse, sa maîtresse, sa secrétaire, pas une qui n’en veuille à son argent. Dans cette désespérance absolue, ni salut ni rédemption. Seule une lueur d’humanité semble éclairer la fin du roman. Incarcéré, condamné à mort, Wei Da découvre l’amour au moment d’être exécuté.


Revue de presse :