BOUCHERON Patrick

France

7 mars 2024.

On ne présente plus Patrick Boucheron, universitaire, éditeur et écrivain qui a fait une entrée remarquée et remarquable au Collège de France en 2015, avec son discours inaugural intitulé « Ce que peut l’histoire » (Fayard, 2016), marquant son engagement réflexif sur l’épistémologie de l’histoire et ses usages publics. En 2022, paraissait Nous sommes ici, nous rêvons d’ailleurs (Verdier, 2022), la retranscription de son ultime conversation sur l’histoire et l’utopie avec l’écrivain Mathieu Riboulet, prononcée en public au Banquet du livre à Lagrasse. L’historien revient cette année avec Le temps qui reste (Seuil, 2023), un court essai dans lequel il exprime son inquiétude face à la crise climatique et à la montée de l’extrême droite en Europe. Ses mots sont autant d’aiguillons pour sortir de l’immobilisme et se saisir du temps qui passe pour éviter la catastrophe.

 

Parisien d’origine, il fait ses études secondaires au lycée Marcelin Berthelot (Saint-Maur-des-Fossés) puis au lycée Henri IV (Paris). Il entre à l’École normale supérieure de Saint-Cloud en 1985 et obtient l’agrégation d’histoire en 1988. C’est sous la direction de Pierre Toubert qu’il soutient en 1994 à l’université de Paris 1 sa thèse de doctorat d’histoire médiévale, publiée quatre ans plus tard sous le titre Le pouvoir de bâtir. Urbanisme et politique édilitaire à Milan (XIVe-XVe siècles), Rome, École française de Rome, 1998 (Collection de l’EFR, 239).

Maître de conférences en histoire médiévale à l’École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud de 1994 à 1999, puis à l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne à partir de 1999, il fut membre junior de l’Institut universitaire de France de 2004 à 2009. En 2009, il soutient à l’université de Paris 1 une habilitation à diriger des recherches intitulée La trace et l’aura et est élu professeur d’histoire du Moyen Âge dans cette même université en 2012. Il est, depuis 2015, président du conseil scientifique de l’École française de Rome. Il a été élu la même année professeur au Collège de France sur la chaire « Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle ».

Ses travaux ont d’abord porté sur l’histoire urbaine de l’Italie médiévale et sur l’expression monumentale du pouvoir princier, cette histoire sociale étant envisagée dans toutes ses dimensions, des plus matérielles et concrètes (économie de l’édilité, techniques de construction) aux plus abstraites (pensée politique et styles architecturaux). Ces travaux l’ont mené vers deux directions principales : d’une part, la saisie synthétique du fait urbain dans une démarche d’histoire comparée à l’échelle européenne, d’autre part l’analyse de la sociologie historique de la création artistique à partir de plusieurs enquêtes menées sur la peinture politique, les enluminures ou la sculpture funéraire.

Parallèlement, Patrick Boucheron engageait une réflexion sur l’écriture et l’épistémologie de l’histoire aujourd’hui, tentant de réarticuler littérature et sciences sociales à partir de quelques chantiers collectifs (sur la notion d’espace public ou de violences intellectuelles notamment) mais aussi d’expérimentations personnelles. Dans Faire profession d’historien (Paris, Publications de la Sorbonne, 2010), il a fait le récit de la manière dont ces deux activités, qui cheminaient jusque là parallèlement, trouvent à se réconcilier dans Léonard et Machiavel (Verdier, 2008), mais aussi dans L’histoire du monde au XVe siècle (Fayard, 2009). Car à travers le décloisonnement des regards et la désorientation des certitudes que propose une certaine manière d’écrire l’histoire du monde, c’est bien la pratique d’une histoire inquiète qui est cherchée ici, comme tente de l’expliciter L’entretemps. Conversations sur l’histoire (Verdier, 2012) mais aussi, d’une autre manière, Conjurer la peur. Sienne 1338. Essai sur la force politique des images (Seuil, 2013, rééd. 2015).

Membre du comité de rédaction de la revue L’Histoire depuis 1999, du conseil scientifique des Rendez-vous de l’Histoire de Blois et du conseil scientifique du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem, Marseille) depuis 2013, participant régulier du Banquet du Livre de Lagrasse depuis 2008, ainsi que de différentes manifestations publiques, festivals littéraires et initiatives médiatiques, Patrick Boucheron tente de défendre la voix d’un discours engagé et savant au cœur des usages publics de l’histoire. De là son investissement dans le monde éditorial – il fut notamment directeur des Publications de la Sorbonne de 2010 à 2015 et est depuis 2012 membre du comité de lecture des éditions du Seuil et directeur de la collection « L’univers historique ».

En 2017, il dirige un ouvrage intitulé Histoire mondiale de la France dans lequel 122 chercheurs reviennent sur l’histoire de la France en quelques 140 dates-clé. Organisé de façon chronologique, l’ouvrage déconstruit l’image collective de la France comme nation exceptionnelle et la replace dans l’échiquier du monde, comme un pays parmi d’autres, qui influence ses voisins et est influencé par eux. Rédigé en petits récits condensés — de quelques pages pas plus — le livre met à mal certains canons de l’histoire de France et inflige de petites blessures narcissiques à notre mémoire collective. Un ouvrage qui fait grand bruit à la rentrée littéraire de l’hiver 2017. Histoire mondiale de la France est en lice pour le prix France Télévision 2017 dans la catégorie essais.


Bibliographie

 

DERNIER OUVRAGE

 
Essais

Le temps qui reste

Seuil - 2023

On nous l’annonce comme imminente et inéluctable : une catastrophe lente à venir. On nous l’annonce depuis si longtemps. Mais est-ce pour nous alerter ou pour nous habituer ? Il est grand temps d’en décider. Car on peut craindre, ou espérer, un événement qui, lorsqu’il advient n’est pas le surgissement de l’inconnu mais la poursuite de ce que l’on connaissait très bien et qu’on n’a pas su éviter. On se rend compte alors, mais trop tard, qu’à force de l’attendre, on n’a pas compris qu’il était déjà advenu.