HERROU Cédric

France

22 avril 2021.

Lanceur d’alerte ? Hors-la-loi ? Humanitaire ? Militant ? Cédric Herrou est agriculteur... Habitant la vallée de la Roya près de la frontière franco-italienne, il a décidé d’aider les migrants à traverser la frontière et leur apporter son soutien. Selon l’Etat il agit en dehors des lois, et il a dû faire face à de nombreuses gardes à vue et procès. Pour lui, « c’est le rôle d’un citoyen d’agir lorsqu’il y a défaillance de l’Etat. » Cédric Herrou est aujourd’hui devenu un symbole, en France comme à l’étranger. De cette expérience qui a bouleversé sa vie, il tire aujourd’hui un témoignage fort, essentiel, qui invite son lecteur à changer de perspective et, toujours, placer l’humain au coeur de ses efforts.

 

Cédric Herrou est né 22 juin 1979 à Nice. Agriculteur, il produit des olives dans la vallée de la Roya dans les Alpes-Maritimes, près de la frontière franco-italienne.

À partir de 2015, Cédric Herrou commence régulièrement à traverser la frontière près de sa ferme pour offrir de l’aide aux réfugiés souhaitant entrer en France. Il est arrêté à plusieurs reprises pour ce que les médias nomment alors un « délit de solidarité ». En août 2016, il est arrêté tandis qu’il transporte huit migrants dans son van à travers la frontière. Après avoir conclu que ses intentions sont humanitaires, le procureur de Nice refuse de porter des accusations.

Mais le 20 octobre 2016, il est de nouveau arrêté après que lui et trois autres militants ont occupé l’ancienne gare SNCF de Saint-Dalmas-de-Tende : il aidait une cinquantaine de migrants, principalement originaires d’Érythrée et du Soudan, pour les loger dans la gare désaffectée.

Se définissant comme « un lanceur d’alerte » se substituant à l’Etat dans l’accueil des demandeurs d’asile, Cédric Herrou est à nouveau interpellé le 24 juillet de la même année à la gare de Cannes. C’est sa sixième garde à vue en moins d’un an. Le parquet de Grasse ouvre alors une enquête et lui impose un contrôle judiciaire qui lui interdit de quitter le territoire national et de se trouver dans une gare ou sur le parvis d’une gare. Il doit également pointer tous les quinze jours à la gendarmerie. D’après son avocat, Cédric Herrou a accueilli chez lui jusqu’à 400 personnes par semaine.

En appel, il est condamné à quatre mois de prison avec sursis. Cédric Herrou déclare alors à la sortie du tribunal : "J’invite le parquet à venir dans la vallée de la Roya entendre les familles des quinze personnes mortes en tentant de franchir la frontière. J’attends avec impatience les trente prochaines décennies et on verra qui se retrouvera devant les tribunaux. Je continuerai à me battre. Ils n’ont qu’à me mettre directement en prison, ce sera plus simple. » Un nouveau procès l’attend au tribunal de Nice en octobre, pour injure publique : il est accusé d’avoir fait un parallèle entre le traitement des migrants demandant l’asile et celui des juifs sous l’Occupation.

Aujourd’hui, Cédric Herrou est devenu un symbole de la crise migratoire et de l’incapacité de la France et de l’Europe à apporter une réponse proportionnée à une crise devenue avant tout humanitaire.
En octobre 2016, le New York Times lui consacre un premier article qui fait connaître son action à l’international, puis tout un éditorial le mois suivant qui traite des questions soulevées par ses actions. The Guardian vient de lui consacrer un mini-documentaire réalisé par Spencer Wolff, Les rebelles de la vallée, présenté au festival cette année. Michel Toesca lui a également consacré un documentaire, Libre, qu’il présente au Festival de Cannes cette année.

« J’étais perché sur ma montagne, avec mes poules et mes oliviers, quand le monde est subitement venu à moi », écrit l’agriculteur dans son livre Change ton monde, dans lequel il raconte son histoire ; un récit captivant et émouvant, préfacé par J.-M.-G Le Clézio.

 

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Change ton monde

Les liens qui libèrent - 2020

Un simple citoyen peut changer le cours de l’histoire et du droit. Cet ouvrage est le témoignage exceptionnel et bouleversant d’un homme qui s’est révolté contre le cynisme des autorités et d’un État qui bafoue quotidiennement le droit. Il aurait pu, comme beaucoup, garder « porte close », mais a choisi d’aider, au nom de la dignité humaine, ces migrants expulsés et maltraités. Aujourd’hui, Cédric Herrou est devenu une icône dont le nom a largement dépassé nos frontières.

« J’étais perché sur ma montagne, avec mes poules et mes oliviers, quand le monde est subitement venu à moi. Des ombres remontaient à pied ma vallée de la Roya, entre l’Italie et la France, risquant leur vie. Au début, je détournais le regard. Puis, un jour, j’ai recueilli une famille, et ces ombres sont peu à peu devenues ma lumière. Elles fuyaient la guerre, la misère, la dictature, avaient croisé la mort dans le désert en Libye, échappé à la noyade en Méditerranée. De leur pas si déterminé, elles me questionnaient : faut-il rejeter l’autre parce qu’il est différent ?

À partir de 2016, j’ai accueilli des milliers d’exilés. J’ai aidé ces voyageurs de l’ombre à poursuivre leur chemin et à obtenir des droits, mais je n’avais pas anticipé la violence d’État qui me frapperait en représailles. Notre action ne faisait pourtant que pallier ses renoncements.

J’ai subi des gardes à vue, des procès, des perquisitions, des saisies. Le plus souvent, l’État était en tort et fut condamné. Des centaines de fois. Jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel consacre le principe de fraternité, un progrès capital. Ces années ont changé ma vie. Citoyen lambda éloigné du militantisme, je ne suis pas un héros, juste un Herrou têtu et décidé, sans leçons à donner, à part celle-ci : avant de changer le monde, chaque citoyen a le pouvoir de changer le sien. »