Pour saluer Chateaubriand
8 mai 2018.
Le plus grand écrivain français, et le plus grand écrivain breton. Nous célébrons cette année, à Saint-Malo, le 250e anniversaire de sa naissance. Mais le lit-on encore ? Les Mémoires d’outre-tombe, bien sûr, ce grand « orage poétique » (dixit Marc Fumaroli). Mais le reste ? Bien des pages d’Atala ou René ont vieilli, mais à côté de cela, quelles fulgurances, quelle splendeur d’écriture ! On le croit réactionnaire : il soutint la Révolution, lors même que sa famille fut décimée par la Terreur, mais resta lucide sur la dérive des pouvoirs. Son Essai sur les révolutions ? D’une étonnante modernité. Le Génie du christianisme ? Un essai sur la littérature comme affirmation d’une « dimension poétique » de l’être humain. Actuel, oui, et comment !
Un mystère aussi : il est un Chateaubriand homme du monde, quêtant les honneurs, et puis un Chateaubriand, homme des vents et des vagues, des forêts de Combourg et de ce voyage en Amérique qui le hanta toute sa vie – sa part « sauvage » qui fut, croyons-nous, le foyer de son inspiration. Le Chateaubriand que nous voudrions saluer.
Dim. 16h45, Sainte-Anne avec M. Le Bris, Y. Le Men
Lundi 11 h15, Maupertuis : « Hugo-Chateaubriand, ce que l’on doit aux romantiques »
DERNIER OUVRAGE
Essais
Pour l’amour des livres
Grasset - 2019
« Nous naissons, nous grandissons, le plus souvent sans même en prendre la mesure, dans le bruissement des milliers de récits, de romans, de poèmes, qui nous ont précédés. Sans eux, sans leur musique en nous pour nous guider, nous resterions tels des enfants perdus dans les forêts obscures. N’étaient-ils pas déjà là qui nous attendaient, jalons laissés par d’autres en chemin, dessinant peu à peu un visage à l’inconnu du monde, jusqu’à le rendre habitable ? Ils nous sont, si l’on y réfléchit, notre première et notre véritable demeure. Notre miroir, aussi. Car dans le foisonnement de ces histoires, il en est une, à nous seuls destinée, de cela, nous serions prêt à en jurer dans l’instant où nous nous y sommes reconnus – et c’était comme si, par privilège, s’ouvrait alors la porte des merveilles.
Pour moi, ce fut la Guerre du feu, « roman des âges farouches » aujourd’hui quelque peu oublié. En récompense de mon examen réussi d’entrée en sixième ma mère m’avait promis un livre. Que nous étions allés choisir solennellement à Morlaix. Pourquoi celui-là ? La couverture en était plutôt laide, qui montrait un homme aux traits simiesques fuyant, une torche à la main. Mais dès la première page tournée… Je fus comme foudroyé. Un monde s’ouvrait devant moi…
Mon enfance fut pauvre et solitaire entre deux hameaux du Finistère, même si ma mère sut faire de notre maison sans eau ni électricité un paradis, à force de tendresse et de travail. J’y ai découvert la puissance de libération des livres, par la grâce d’une rencontre miraculeuse avec un instituteur, engagé, sensible, qui m’ouvrit sans retenue sa bibliothèque.
J’ai voulu ce livre comme un acte de remerciement. Pour dire simplement ce que je dois au livre. Ce que, tous, nous devons au livre. Plus nécessaire que jamais, face au brouhaha du monde, au temps chaque jour un peu plus refusé, à l’oubli de soi, et des autres. Pour le plus précieux des messages, dans le temps silencieux de la lecture : qu’il est en chacun de nous un royaume, une dimension d’éternité, qui nous fait humains et libres. »
- “Du grenier breton où le gamin plonge tête la première dans La Guerre du feu, jusqu’à la découverte en bibliothèque du Dernier des Mohicans et de Moby Dick, flibustiers et explorateurs, pionniers et cannibales sont réunis ici pour rappeler la puissance de la lecture sur un enfant solitaire.” Télérama
- “Ce nouvel opus est à la fois une autobiographie et un essai. Une ode à l’écriture et aux écrivains. Michel Le Bris fait de la lecture une nécessité, une urgence pour se construire soi-même. La littérature est aussi un engagement et une bataille pour la culture, essentielle à la démocratie.” France Inter
- "Pour l’amour des livres participe de belle manière à cet hommage choral que les écrivains ont rendu au fil du temps afin de s’acquitter de leur dette envers une littérature qui leur a tant apporté." Zone Critique
DERNIER OUVRAGE
Poésie
Les continents sont des radeaux perdus : Tome 4, Un passeport pour la vie
Bruno Doucey - 2024
Quand Yvon Le Men parle de son enfance dans le Trégor, de son père trop tôt parti, de sa mère chevillée au réel, de la pauvreté, des galères et des guerres, la lumière dessine des rigoles sur son visage. Mon ami a alors le coeur à marée basse. Mais écoutez parler de poésie et de peinture, de Guillevic ou de Claude Vigée, de Millet, de Rembrandt ou d’Hokusai, accompagnez-le dans le récit de ses voyages, en Haïti, en Afrique ou en Chine, et vous verrez la marée battre les digues de la mélancolie. Quand la voile du poème se gonfle, Yvon n’est jamais seul à monter à bord. Il embarque les autres pour un voyage à travers mots, relie les pays et les langues, les terres et le ciel, les paysages immenses et les choses minuscules. Et s’il part, c’est pour revenir, le regard empli d’autres promesses.
« la main qui m’ouvre le chemin
dans ce pays où je me perds
m’est plus proche
que celle qui menace
dans mon pays où l’on se perd
dès que de l’autre côté de la route
qui relie nos villages
nos quartiers
dans notre ville
de notre pays
ils font de l’inconnu
un étranger. »