C’est un dur métier que l’exil

Avec Velibor Čolić, Yvon Le Men, Hala Mohammad, Dušan Šarotar et Benjamin Vanderlick

6 juin 2018.
 

Rencontre à la salle Sainte-Anne avec Velibor Čolić, Hala Mohammad, Dušan Šarotar et Benjamin Vanderlick. Animée par Yvon Le Men.

 

DERNIER OUVRAGE

 
Poésie

Les continents sont des radeaux perdus : Tome 4, Un passeport pour la vie

Bruno Doucey - 2024

Quand Yvon Le Men parle de son enfance dans le Trégor, de son père trop tôt parti, de sa mère chevillée au réel, de la pauvreté, des galères et des guerres, la lumière dessine des rigoles sur son visage. Mon ami a alors le coeur à marée basse. Mais écoutez parler de poésie et de peinture, de Guillevic ou de Claude Vigée, de Millet, de Rembrandt ou d’Hokusai, accompagnez-le dans le récit de ses voyages, en Haïti, en Afrique ou en Chine, et vous verrez la marée battre les digues de la mélancolie. Quand la voile du poème se gonfle, Yvon n’est jamais seul à monter à bord. Il embarque les autres pour un voyage à travers mots, relie les pays et les langues, les terres et le ciel, les paysages immenses et les choses minuscules. Et s’il part, c’est pour revenir, le regard empli d’autres promesses.

« la main qui m’ouvre le chemin
dans ce pays où je me perds

m’est plus proche
que celle qui menace
dans mon pays où l’on se perd

dès que de l’autre côté de la route
qui relie nos villages
nos quartiers
dans notre ville
de notre pays

ils font de l’inconnu
un étranger. »

 

DERNIER OUVRAGE

 
Récit

Guerre et pluie

Gallimard - 2024

Velibor Colic a en n écrit le récit de sa guerre, celle qu’il a vécue en 1992, depuis son enrôlement dans l’armée croato-bosniaque lors de l’invasion de la Bosnie par l’armée fédérale ex-yougoslave tenue par les Serbes, jusqu’à sa désertion, qui a marqué le début de sa vie en exil. Il l’avait évoqué dans son tout premier livre, Les Bosniaques, série de brefs récits de guerre, écrit en serbo-croate. C’est ici un projet d’une toute autre ampleur. La première partie raconte l’apparition, vers 2020, alors que l’auteur vit à Bruxelles, d’une maladie rare, provoquant l’éclosion de cloques douloureuses sur le corps et dans la bouche, qui fait revenir à sa mémoire les images des corps en déchéance. Il comprend aussi que si sa langue est attaquée par des aphtes purulents, c’est qu’il a dû s’arracher à sa langue maternelle pour venir habiter le français : le corps dit toutes ces déchirures. La deuxième partie évoque de façon saisissante la vie du jeune soldat de 28 ans jeté dans un univers d’épouvante : la guerre détruit les hommes, mais aussi les animaux, les arbres, tout ce monde de beauté paisible qui avait été le sien. La troisième partie raconte comment, ayant décidé de déserter, l’auteur a réussi à échapper à la guerre, au prix du deuil de tout ce qui avait fait sa vie jusqu’alors.« La mémoire parle une langue étrangère dont nous ne maîtrisons pas tous les signes », écrit Colic. C’est ce qui donne à ce récit son caractère à la fois halluciné et drolatique. L’horreur des tranchées, la déréliction des soldats, les souffrances, tout cet univers d’e4roi où aucune loi n’existe, est contrebalancé par la douceur merveilleuse des souvenirs d’avant – en particulier des souvenirs amoureux, évoqués avec une délicatesse et une poésie qui subjuguent. L’auteur se décrit avec une autodérision parfois enfiévrée de colère, comme un colosse branlant. C’est un livre de révolte mais aussi, paradoxalement, un livre plein de tendresse et de drôlerie, car l’auteur ne se départit jamais de son penchant pour les aphorismes sarcastiques ou absurdes. Ce grand livre est d’autant plus puissant qu’il résonne terriblement avec ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine.


 

DERNIER OUVRAGE

 
Récit

En partance

Hoëbeke - 2018

Un homme se tient face à la mer, à l’extrême fin de l’Europe, en Irlande, comme s’il s’absorbait lentement dans le paysage ou y cherchait les voies d’une découverte de soi.
Et à sa voix répondent d’autres voix, comme en écho, croisées ailleurs, à Bruxelles, à Gand, qu’importe l’endroit... La catastrophe a déjà eu lieu, « comme si quelqu’un brûlait des ordures ce jour-là devant une Flamme éternelle depuis longtemps en allée ». Et nous comprenons que nous sommes en Bosnie, à Sarajevo, à Mostar, tout autant qu’en exil, errants séparés du monde et de soi, sans retour – à moins que l’exil ne soit pas une parenthèse, mais le seul espace habitable d’une reconstruction...
Roman, récit de voyage ? Combinant texte et photographie, brouillant les frontières entre narration fictionnelle, témoignage et « reportage », Dušan Šarotar signe là une œuvre magistrale, envoûtante, qui n’est pas sans rappeler W.G. Sebald.

Version française traduite de l’anglais par Frédéric Le Berre.


Revue de presse

 

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Autres

Mes voisins. Récits et anecdotes de la migration

La Passe du Vent - 2017

Le livre Mes voisins de Benjamin Vanderlick, ethnologue et photographe, rassemble les récits et anecdotes de migrations, recueillis par des habitants de quartiers populaires des agglomérations d’Annemasse, de Bron, de Lyon, de Saint-Étienne et de Vaulx-en-Velin, auprès d’un de leur voisin.

Des poèmes autobiographiques, des fragments de vie livrés, des anecdotes personnelles qui donnent à écouter la France d’aujourd’hui.

Quatre chapitres structurent le livre : « Choisir de partir, choisir la France », « Arriver, être accueilli, s’installer », « Être accueilli, être accepté, s’intégrer, avancer, transmettre » et « Être déraciné : Puisque c’est comme ça, il faut tenir ».

La démarche a été portée par le collectif documentaire lyonnais Service Compris.

mes-voisins.fr

Avant-dire de YVON LE MEN — Postface de VELIBOR ČOLIĆ.
Illustrations de RENAUD MOREL d’après des photographies prises par des voisins et par Benjamin Vanderlick.

 

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Poésie

Prête-moi une fenêtre

Bruno Doucey - 2018

« La maison a beaucoup changé après ton départ… » Les mots par lesquels s’ouvre le recueil d’Hala Mohammad laissent entendre qu’il y a un avant et un après, un ici et un ailleurs. Plus encore, un billet aller qui ne donne à l’exilée que peu d’espoir de retrouver indemne le pays qu’elle a laissé derrière elle. De poème en poème, l’auteure cartographie l’absence et son cortège de chagrins. Une révolution orpheline. La guerre. Les routes de l’exil. Les dures conditions de vie des gens qui ont parfois tout perdu mais qui continuent à vivre et à aimer. Car ce sont eux qui intéressent la poète-documentariste qui progresse caméra au poing. Avec un sens inné du court-métrage, elle défie la peur et nous livre un texte d’une force rare « contre la géographie de la tyrannie ». Sois la bienvenue, Hala : cette maison d’édition aux fenêtres ouvertes sur le monde est la tienne !

Édition bilingue arabe/français. Traduit de l’arabe (Syrie) par Antoine Jockey.