L’édito de Michel Le Bris

Images du monde qui vient

23 mai 2012.
 

Plus de thèmes donc, comme les années précédentes, ou plutôt un seul : le monde qui vient, dans la diversité de ses facettes. Parce que celles-ci se répondent les unes les autres : Mers du Sud, Asie-Pacifique, Europe, printemps arabe, révoltes urbaines, France plurielle. Et que ce sont les écrivains, les artistes, les cinéastes qui nous les donnent le mieux à voir, à entendre, à lire. Le monde, donc, au rendez-vous du prochain festival de Saint-Malo, du 26 au 28 mai prochain. Dans un programme plus foisonnant que jamais.

« Le XXIe siècle naît sous nos yeux » écrivions-nous, en ouverture du dernier festival, tandis qu’un printemps arabe bouleversait des pays que l’on croyait pour longtemps figés. Il naît, avec une puissance, une rapidité qui mettent à mal tous nos repères, ébranlent nos certitudes. Et ce sont les artistes, les écrivains, les cinéastes, qui nous le donnent à voir, à entendre, à lire — comme toujours.
Nous en annoncions l’inéluctable surgissement, dès notre création, en 1990 : et nous nous sommes attachés, en variant les approches, par des thèmes différents chaque année, en créant aussi des éditions du festival à l’étranger, à en explorer patiemment les multiples aspects. Le festival 2011, par bien des aspects enthousiasmant, aura agi comme un déclic, tandis que de partout affluaient les propositions et les idées pour l’édition suivante : ce monde dont nous annoncions la venue était là, devant nous, qui déferlait de toutes parts, et il n’était plus possible d’en isoler un seul aspect.
Très vite s’est imposée à toute l’équipe cette évidence, que la mise en relation de toutes ces effervescences devenait nécessaire. Plus de thème unique, donc, au festival, mais les images multiples du nouveau monde. Et une nouvelle époque, qui commence pour Etonnants Voyageurs. Elle sera marquée par plusieurs nouveautés, sur lesquelles nous aurons à revenir. L’aventure continue – et se développe !

 

Images du monde qui vient

Il déferle, et met l’Europe en crise. En crise ? Temps de crise, temps aussi de renouvellement : peut-être aussi la première fois où les peuples concernés s’emparent de la question européenne, s’interrogent sur leur désir d’être ensemble — sur l’existence, ou non, d’une culture commune.

Asie-Pacifique : un nouveau centre du monde ? Dans ces mers du Sud où l’Occident longtemps ne sut voir qu’une image inversée de lui- même, entre Australie, Nouvelle-Zélande, Océanie et leurs voisins asiatiques émerge quelque chose d’inédit.

Printemps arabe : telles sont les forces libérées que nul ne peut prédire l’issue de ces soulèvements, mais nous savons que plus rien désormais ne sera pareil. Tunisie, Egypte, Syrie, Yémen, Libye, Iran : un séisme, aux multiples aspects. Et avec lui, le surgissement de nouvelles générations, des paroles et des stratégies nouvelles, portées par Internet, les blogs, les portables, là où les dictatures voudraient le silence. Un vent de liberté, et l’entrée aussi dans une zone de toutes les tempêtes.

Cultures urbaines  : des émeutes éclatent, en Europe, qui pour la première fois se réclament de Tunis et du Caire, des dissidents, en Chine, bravent la censure, ce que certains décrivaient comme l’avènement de Big Brother se révèle aussi une arme pour les plus faibles — et il est frappant de voir comme cette circulation est mondiale, passe les frontières, fait naître des codes communs : une culture-monde en mouvement.

Littérature-monde : dans le droit fil du manifeste pour une « littérature monde en français », Saint-Malo, plus que jamais, le lieu où dialoguent toutes les littératures d’expression française. Sur un pied d’égalité. Avec un grand coup de projecteur, cette année, sur une Belgique largement à découvrir – et passionnante.

Une Belgique à découvrir : Elle nous est si proche, si familière, que le plus souvent nous tenons pour Français leurs écrivains, leurs peintres, leurs cinéastes, leurs chanteurs. Mais que l’on regarde d’un peu près et elle apparaît singulière, profondément différente, de par son histoire et sa position dans le nord de l’Europe (mais aussi son éloignement du milieu parisien, de ses chapelles et de ses modes) Différente, et étonnamment créative. Différente par son rapport au fantastique (Thomas Owen, Ghelderode, Jean Ray) aux littératures populaires (l’aventure des éditions Marabout) à la B.D., au surréalisme et auparavant au symbolisme : un monde à découvrir.

France plurielle : Aujourd’hui, elle s’impose diverse, multiculturelle, pluriethnique, dans le déferlement d’une nouvelle génération de créateurs bousculant bien des clichés, et des a priori. Ce « dehors » que tant redoutent, les nostalgiques d’une France « pure », est à l’intérieur depuis plus longtemps qu’ils n’imaginent – et c’est très bien ainsi. Ne porte-t-il pas la promesse d’une France ouverte sur le monde ?

… Sans même parler des rendez-vous qui attirent chaque année tant de fidèles : voyages, aventures maritimes et polaires, poésie, saveurs du monde, littératures de l’imaginaire. Sans parler du festival de cinéma, toujours plus ambitieux. Ni des expositions et des spectacles. Patience : nous y reviendrons en détail !
Tout un monde en mouvement, qui vous donne rendez-vous à Saint-Malo au prochain mois de mai.

 

Michel Le Bris