Edinburgh World Writers’ Conference - Brazzaville

Alain Mabanckou : "Littérature nationale et démagogie politique"

En février dernier, l’Édinburgh World Writers’ Conference faisait étape à Brazzaville dans le cadre d’Étonnants Voyageurs. L’occasion de véritables États-Généraux des littératures africaines, au cours desquels l’écrivain Alain Mabanckou était invité à ouvrir le débat autour de la question : « Y a t’il une "littérature nationale" ? ».

« Dans le terme « littérature nationale », il existe presque comme une contradiction : la littérature, qui est censée dépasser le cadre géographique, l’étroitesse du regroupement, et la nation qui, elle suppose, selon le sens étymologique de la naissance, désigne un groupe humain d’une même origine et ayant en commun une langue, une histoire, une religion, une culture, une histoire, et même une origine ethnique qui le différencient d’une autre nation. Et lorsqu’on étend cette notion de nation sur le plan sociologique, la définition de la nation recommande l’existence d’un désir de « vivre ensemble », selon l’acception d’Ernest Renan, et cette dernière définition nous ayant entraîné ces temps-ci dans des débats sur la question de « l’identité nationale », avec les conséquences et les extrémismes que nous connaissons.

Dans ces conditions, la question de la « littérature nationale » est, disons-le, très politique, voire démagogique, surtout lorsqu’il s’agit des auteurs venus de l’Afrique subsaharienne. En effet, parler des littératures nationales reviendrait alors à reprocher à ces écrivains, par une voie détournée, le mépris ou la non utilisation de leurs propres langues au profit de celles des anciens colonisateurs érigés comme langues officielles. Une littérature congolaise d’expression française ne saurait alors être qualifiée de « littérature nationale », puisque charriée dans une langue étrangère, une langue qui ne pourrait comprendre certains « codes » des réalités locales. Dans ce cas, de littérature nationale, on parlerait même d’un rêve d’une littérature plutôt nationaliste, recroquevillée sur elle-même, valorisant ce qui semble-t-il fonderait une nation. Il y a dans cette conception les traces d’une nostalgie des temps passés matinées d’un africanisme grégaire ne laissant pas aux auteurs la possibilité d’entendre le bruit du monde, le chaos des mutations nées de ce que le grand poète congolais Tchicaya Utam’si qualifiait alors de « civilisation de bronze ». On utilise d’idée d’une littérature nationale pour enfermer, cloisonner l’esprit à des fins démagogiques et politiciennes.

certains écrivains contestent l’utilisation de la langue française comme langue d’écriture et taxent les amoureux de cette langue d’auteurs français quand ils ne sont pas traités d’hypocrites, de vendus « qui écrivent pour les Blancs »

Ce courant que je qualifierais de nationaliste, très afro-centré, est désormais très répandu dans le sérail des lettres d’Afrique noire francophone. Une littérature nationale serait ainsi une reconquête de son identité, un retour aux sources, un refus de la domination de l’Occident, bref un appel à une véritable conscience africaine, puisque c’est la somme des littératures nationales du continent qui constitueraient du coup ce qu’on appellerait « littérature africaine », la vraie, celle écrite par les Africains pour les Africains. Pour parvenir à cette opération de reconquête, certains écrivains contestent l’utilisation de la langue française comme langue d’écriture et taxent les amoureux de cette langue d’auteurs français quand ils ne sont pas traités d’hypocrites, de vendus « qui écrivent pour les Blancs ».
L’écrivain camerounais Patrice Nganang recommanda il y a quelques années « d’écrire sans la France », pour reprendre sa propre formule. D’après cet auteur, ceux qui ne se plieraient pas à cette exigence seraient taxés de cautionner l’idéologie coloniale. Il écrivit en effet :

C’est que, écrire sans la France, c’est avant tout écrire par-delà la francophonie : c’est donc retrouver la mobilité latérale de nos aïeuls et de nos aînés qui de pays en pays, de terre en terre, et surtout de langue en langue se déplaçaient, sans profession de foi préliminaire, au gré de l’interlocuteur, au gré de la terre sur laquelle se posaient leurs pieds, et avec la même dextérité s’exprimaient en medumba et en bassa autant qu’en douala : bref, ne vivaient pas la multitude de leurs langues comme une damnation, tel que le veut un Gaston-Paul Effa, dans la lignée des argumentations purement coloniales, mais certainement comme une évidence.

Et lorsque mon confrère Patrice Nganang se demande quelques lignes plus loin dans ce même article « Verrons-nous bientôt venir ce jour où des écrivains africains cesseront vraiment d’être francophones ?” il est évident qu’il réclame une certaine couleur aux lettres de son continent, donc l’émergence ou la reconnaissance des littératures dites nationales. Et en Afrique, ces littératures ne pourraient exister qu’en barrant la route aux lettres Occidentales perçues comme le tombeau de la conscience noire, le lieu de l’effacement de l’identité africaine.

Derrière toute revendication d’une littérature en langues africaines se cache toujours une cause militante nuisible à une littérature libre et indépendante, débarrassée d’une mission fondamentaliste et presque revancharde. Ecrire en français empêcherait-t-il d’être un écrivain africain, congolais, sénégalais ou camerounais à dire le monde ? L’argument principal de ceux qui demandent l’avènement des littératures nationales, c’est-à-dire celles écrites en langues locales, est que le français serait entaché d’un vice rédhibitoire, insurmontable, j’allais dire inexcusable : c’est la langue du colonisateur. C’est une langue qui ne nous permettrait guère de nous exprimer avec authenticité. Or c’est au nom de l’authenticité que certaines nations du continent noir ont vu le destin de leur population sombrer dans la déliquescence. Selon les promoteurs de cette littérature de l’authenticité, la langue française véhiculerait des “codes” d’asservissement, des tournures impropres au phrasé africain dont nous aurions tort de sous-estimer ! L’écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop, par exemple, après plusieurs publications en français (chez Stock notamment), affirmait se tourner désormais vers l’écriture en ouolof pour être en phase avec lui-même. Et il expliquait sa démarche de la façon suivante :

Le français - ou l’anglais - est une langue de cérémonie, et ses codes, à la fois grammaticaux et culturels, ont quelque chose d’intimidant… Ce sont là autant de raisons qui amènent l’écrivain africain à douter du sens et de la finalité de sa pratique littéraire.

Boris Diop publiera donc en 2003 un roman en ouolof, Doomi Golo (Le fils du singe) mais reviendra deux ans plus tard avec L’impossible innocence, un roman écrit dans ce qui peut se faire de plus classique et de plus maîtrisé dans la langue française.

La situation s’avère encore plus compliquée lorsque c’est un éditeur français qui déploie ses propres finances pour rééditer le livre d’un auteur africain en Afrique. Ce fut le cas pour Le Cavalier et son ombre publié à Paris, réédité en poche en Afrique, en français. Ce qui permettait ainsi de vendre le livre à un coût moins élevé pour le lectorat du continent. Ce fut aussi le cas pour Les Gardiens du Temple .
De même, puisque l’opération n’est pas si simple que cela, l’éditeur anglophone de Ngugi Wa Thiongo va jusqu’à assurer lui-même la publication de certains livres de cet auteur dans son pays, et dans sa langue natale ! Voici donc que la langue du colonisateur vole au secours de la langue du colonisé ! La littérature du colon vient à la rescousse d’une littérature qui se veut nationale. Naipaul, Rushdie, Zadie Smith, Walcott, Danticat sont-ils considérés comme étant « dans la lignée de l’idéologie coloniale » lorsqu’ils révèlent l’étendue de leur talent d’écrivains en langue anglaise ? A moins que les partisans de l’authenticité considèrent – par une opération relevant du sophisme – que la langue anglaise n’ait pas été une langue venant d’une puissance coloniale !

En réalité, l’idée d’une littérature nationale implique cette opposition dangereuse entre les écrivains africains du « dedans » et ceux « du dehors ».

En réalité, l’idée d’une littérature nationale implique cette opposition dangereuse entre les écrivains africains du « dedans » et ceux « du dehors ». Quelle est la nation littéraire de Salman Rushdie, de Vladimir Nabokov ou de David Diop, né à Bordeaux, ayant vécu hors du continent mais considéré comme une voix puissante de la négritude ?
L’auteur africain « du dehors », résidant en Europe, est généralement perçu comme un déconnecté de la réalité. On préjuge que, coupé des racines du continent, sa vision du monde est en quelque sorte faussée. Englué dans le système éditorial parisien, cet écrivain corrompu ne s’adresserait plus à ses « frères et sœurs », mais à son « public de raison » qui lui dicterait ce qu’il aurait à écrire : « des ouvrages formatés pour un public occidental », selon l’expression de la journaliste sénégalaise Nabo Sene .

A l’opposé, l’auteur africain du « dedans », résidant en Afrique, serait celui qui incarnerait l’authenticité, la pérennité des valeurs et des traditions. Son combat serait de refuser les chaînes d’une francophonie qui est la cause de tous ses maux. Il devrait regarder son passé, valoriser ses propres langues, « écrire sans la France », retrouver « la mobilité latérale de nos aïeux et de nos aînés », mobilité latérale si chère a Patrice Nganang au moment où nous espérons la situer sur le plan des échanges plus vastes, chaque langue ayant toujours un grain à picorer dans une autre. Et même dans une prose aussi achevée que celle du Camerounais Gaston-Paul Effa ou du Tchadien Nimrod – qui résident tous les deux en France – vibre un bruissement de langues que seuls les sourds (ou ceux qui font semblant de l’être) ne peuvent entendre…

Faut-il une littérature nationale, je veux dire une littérature écrite en langues africaines ? Bien sûr que oui lorsque ces langues africaines sont enseignées afin de permettre au public d’accéder à une autre littérature. Or la plupart des écrivains francophones d’Afrique noire, s’ils parlent leur langue maternelle, sont loin de la maîtriser à l’écrit.

Faut-il une littérature nationale, je veux dire une littérature écrite en langues africaines ? Bien sûr que oui lorsque ces langues africaines sont enseignées afin de permettre au public d’accéder à une autre littérature. Or la plupart des écrivains francophones d’Afrique noire, s’ils parlent leur langue maternelle, sont loin de la maîtriser à l’écrit. Plusieurs de ces langues sont demeurées à l’état de l’oralité. Les politiques de ces pays doivent au préalable installer une réflexion autour de leurs langues. Or il faut déjà songer à “bâtir” une grammaire, la repenser, si elle existe, l’harmoniser, installer des académies, développer des dictionnaires, créer des journaux dans ces langues, bref préparer les esprits à passer du stade de l’oralité – à laquelle on réduit d’ordinaire l’Afrique – au stade de l’exigence de l’écriture et cesser de s’enorgueillir du rôle que joue le vieillard dans la transmission de la culture. Et il n’est pas interdit de traduire le livre d’un auteur africain francophone dans une langue africaine ! Les Gardiens du temple de Cheikh Hamidou Kane a été écrit en français, puis traduit plus tard en ouolof ! Il ne s’agit pas seulement d’écrire dans une langue africaine, encore faut-il préparer l’Africain à lire cette langue comme on prépare le Français, le Chinois ou le Russe à lire leur langue.

Etiqueter une littérature comme étant nationale reviendrait à consolider certains préjugés dans les thématiques que sont censés embrasser les auteurs africain. Il y aurait donc des « éléments inévitables » dans cette littérature-là. Un vocabulaire formaté, une truculence très attendue, de sorte que tout Africain devrait exhiber la couleur locale, j’allais dire la couleur d’origine. La même situation toucherait en fait tous les domaines de la culture : au cinéma il y aurait une couleur spécifique, nationale, voire africaine ; de même que dans la peinture, dans la sculpture etc. L’écrivain national serait le greffier de sa nation, le gardien des us et des coutumes de celle-ci, et c’est indirectement une mission qui lui serait confiée, celle de dire son espace, rien que celui-là, et lorsqu’il s’écartera de cette mission, il sera le plus souvent taxé de noir portant un masque blanc.

Nous donnons au monde ce qui nous entoure, ce que nous avons reçu. Nous sommes le produit de nos échanges, de nos déplacements. Créer c’est recomposer l’univers, lui donner (ou redonner) une géographie, une histoire, des langues. A l’heure où l’artiste est aussi mobile que l’œuvre qu’il crée, il n’est plus surprenant de constater un peu de terre de Cuba mélangée avec celle de l’Afrique du Sud ou d’une contrée de l’Amazonie. De même qu’un livre nous « dépayse », l’art porte en lui un pouvoir d’enchantement intemporel. Une photographie, un livre, une peinture, une sculpture reflètent ce que nous sommes, ce que nous devons savoir de l’Autre. L’art gomme les frontières et laisse à celui qui contemple une œuvre le soin d’y ajouter des légendes, la langue dans laquelle nous pensons devenant du coup une question subsidiaire. Ce qui importe c’est notre aptitude à entrer dans un univers, à nous l’approprier, à lire derrière chaque signe, derrière chaque couleur la transe du créateur, et cette transe est universelle. Avec les migrations, notre époque a ouvert une ère de la redéfinition de l’espace, du désenclavement des esprits. C’est dans la « folie de la création » que se joue désormais notre destin. Le Monde – j’allais dire avec Glissant, le Tout-monde – est à nos portes, avec le bruit, avec la fureur, avec des océans, des forêts denses, des espèces de faune qu’il nous faut apprivoiser. Aller vers ces terres lointaines c’est entreprendre la démarche salutaire, celle qui nous permettrait de reconstituer notre humanité...

Au fond, si nous avons longtemps cherché ce qui symboliserait le mieux le rapprochement des peuples, nous savons dès à présent que c’est par l’art que nous atteindrons toutes les « latitudes » et que nous arriverons enfin à rendre au genre humain le sens de la tolérance. La peur de l’autre naît dès l’instant où nous n’appréhendons pas ce qui fonde son imaginaire – l’art venu d’ailleurs est vu comme une curiosité. Alors, pour aller vite en besogne, on conclura que ceci relève de l’art, pas cela, parce qu’il vient de loin, de terres inconnues. Raisonner de la sorte c’est dénier la sensibilité à certains peuples et ériger en modèle parfait l’art venu de son propre espace. Ce qui nous paraissait loin hier nous semble très proche aujourd’hui, et encore plus proche lorsqu’on constate qu’il y a un peu de nous dans ce qui se fait ailleurs. Il nous suffit d’ouvrir les yeux pour voir à l’horizon la variété du firmament, et surtout cet arc-en-ciel en perpétuelle métamorphose. Il s’agit de l’art. De l’art, dis-je ? Oui, celui qui nous saisit, nous emporte, nous questionne et que les artistes invités à ce Festival de Brazzaville nous proposent non seulement pour éclairer notre futur mais aussi pour revisiter notre passé. Cela dépasse le cadre de la nationalité... »

Alain Mabanckou

Discours introductif prononcé au festival Étonnants Voyageurs de Brazzaville (13-17 février 2013)


National literature and political demagoguery

« In the expression “national literature”, there is almost a contradiction in terms : on the one hand there is the notion of literature, which is supposed to go beyond geographical lines, beyond the narrow limits of a group, and on the other hand there is the notion of nation, which, in the etymological sense of “that which has been born”, refers to a human group of similar origins, languages, pasts, religions, cultures, histories and even ethnic origins, all of which makes that nation different from another. And when this notion of nation is extended to the sociological sphere, the definition of nation suggests the existence of a wish to “live together” as Ernest Renan would put it. This latter definition has recently led to debates on the meaning of “national identity”, with the consequences and extremisms we know.
In this context, the question of a “national literature” is very political, perhaps even demagogical, especially when discussing writers from sub-Saharan Africa. Indeed, the question of national literatures obliquely implies that we reproach those writers with scorning or not using their own language, and with preferring what became official languages, those of colonisation. We imply that Francophone Congolese literature can’t be called “national literature”, given that it is expressed in a foreign language, a language incapable of understanding some of the “codes” of specific local realities. And in that case, national literature corresponds to the dream of a rather nationalistic literature exclusively drawn inward, bringing to the fore what is supposed to be the essence of a nation. There is, in this definition, something of a nostalgia for times past mingled with a gregarious africanism which doesn’t give writers the possibility of hearing the din of the world, the chaos of mutations borne out of what the great Congolese writer Tchicaya Utam’si referred to at the time as the “bronze civilization”. The notion of a national literature is used to imprison, to confine spirits to demagogical and political ends.
This movement, which I’d define as nationalistic and very afro-centered, is now widespread among French black African elite writers. A national literature is the reconquering of an identity, a return to the source, a rejection of Western domination, in a word, a call for a real African conscience, since, in that case, what makes up what we’d call “African literature” – the real one, the one written by Africans for Africans is the sum of the continent’s national literatures. In order to achieve this reconquering, some writers challenge the use of the French language and criticize those who defend the language of French writers, going so far as to call them hypocrites and corrupt because they “write for White people”.
Cameroon writer Patrice Nganang suggested a few years ago “to write without France”. According to him, those who don’t comply with this rule support colonialist ideology. He wrote :
“The fact is that writing without France means first and foremost writing beyond French-speaking countries : we can recover the lateral mobility of our ancestors and our elders, who from country to country, from land to land, and above all from language to language, travelled, without any statements, according to their listeners and to the lands they set foot on, and they could express themselves as fluently in Medumba and in Bassa as in Douala. In a word, they didn’t see the multitude of their languages as a curse, contrary to Gaston-Paul Effa, who followed a typically colonial line of argumentation, but they took it in their stride.”
A few lines down in that same article, my colleague Patrice Nganang asks : “shall we soon see the day when African writers truly stop being francophone ?” he is clearly demanding that the writings of his continent be given a colour, in other words he is calling for the emergence or the recognition of so-called national literatures. And in Africa, these literatures can only exist if they stand clearly in the way of Western writing which is seen as the grave of Black conscience, as the place where African identity is erased.
Behind any call for a literature written in African languages, there is always a hidden activist cause which is detrimental to free and independent literature, a literature that has got rid of its fundamentalist and almost revanchist mission. In what way could writing in French stop you from being an African writer, a Congolese, a Senegalese or a Cameroon writer who tells of the world ? The main argument of those defending the advent of national literatures, i.e. literatures written in local languages, is that the French language is tainted with the stain of a crippling, insurmountable, and should I say an inexcusable vice : it is the language of the coloniser. To them, it is a language which cannot allow us to express ourselves with authenticity. Yet it is in the name of authenticity that nations of the black continent have seen the fate of their population deteriorate miserably. According to the proponents of this literature of authenticity, French carries “enslavement” codes, turns of phrases inappropriate for African phrasing, which we would be wrong to under-estimate ! For instance, after publishing several books in French (including with Stock Publishing House) Senegalese writer Boubacar Boris Diop declared he would turn to writing in Wolof, to be in tune with himself. He explained himself as follows :
“French – or English – are ceremonial languages, and their codes, both grammatical and cultural, have something intimidating about them... They make the African writer doubt the very meaning and purpose of his literary craft”.
Boris Diop therefore published a novel in Wolof in 2003 called Doomi Golo (the monkey children), but two years later, published L’impossible innocence (the impossible innocence), a novel written in the most classical and mastered French language.
The situation is even more complex when a French publisher uses his own funds to republish a book by an African writer in Africa. That is what happened with The Rider and his Shadow , which was published in hardback in Paris, then in paperback in French in Africa. The book was therefore made available at a lower price for readers of the African continent. That is also what happened with The Guardians of the Temple by Cheikh Hamidou Kane.
And given that publishing isn’t that easy, the English-speaking publisher of Ngugi Wa Tiong’o goes so far as to publish himself some of the books of that writer in the writer’s own country and in his native language ! In this case, the language of the colonizer rushes out to help the language of the colonized ! The literature of the colonizer goes to the rescue of a literature that claims to be national. Are writers such as Naipaul, Rushdie, Zadie Smith, Walcott and Danticat considered as “in line with colonial ideology”, when they expose the extent of their talent as writers of the English language ? Unless the supporters of authenticity consider – in which case their argument is specious – that English doesn’t come from a colonial power !
In fact, the idea of a national literature implies a dangerous opposition between African writers “from within” and African writers “from without”. What is the literary nation of Salman Rushdie, of Vladimir Nabokov or of David Diop, who was born in Bordeaux in France, who lived outside of the African continent but who is considered as a powerful voice of Negritude ?
The African writer “from without”, who lives in Europe, is generally perceived as someone who is disconnected from reality. The prejudice is that because he is uprooted from his continent, his vision of the world is, in a sense, skewed. And a corrupt writer, caught in the quicksands of the Parisian editorial system, no longer speaks to his “brothers and sisters”, but to his “audience of convenience”, who tells him what to write, i.e. “books formatted for a Western public” as Senegalese journalist Nabo Sene puts it .
At the opposite end, you have the African writer “from within”, who lives in Africa, who embodies authenticity, and the perennial nature of values and traditions. His fight is to refuse the shackles of French-speaking countries that are at the core of all his sorrows. He must look to his past, he must value his own language and “write without France”, he must find the “lateral mobility of our ancestors and our elders”, a lateral mobility that is so dear to Patrice Nganang at a time when we hope to raise it to a larger level playing field, with each language finding sustenance in one another. Even in the accomplished writing of Cameroon’s Gaston-Paul Effa or Tchad’s Nimrod, who both live in France, there is a rustling of languages that only the deaf (or those who pretend to be) fail to hear…
Do we need a national literature ; I mean a literature written in African languages ? Of course we do when these African languages are taught in order to enable the public to have access to another sort of literature. Yet if most French-speaking writers of black Africa do speak their native language, they are far from mastering it in writing. Many of those languages have remained oral languages. The policy-makers of those countries should first of all hold a debate around their languages. It essential to work on “building” a grammar, to rethink it if it already exists, to reorganize it, to set up regional education authorities, to draft dictionaries, to design newspapers in those languages, in a word, people need to be prepared to go from an oral stage (which is what Africa is often reduced to), to a much more demanding written stage, and we need to stop boasting about the role of elders in transmitting culture. And nothing stops us from translating the French book of an African author into an African language ! The Guardians of the Temple, by Cheikh Hamidou Kane, was written in French and later translated into Wolof ! The issue isn’t just writing in an African language, but also preparing Africans to read that language the way the French, the Chinese or Russians are prepared to read their respective languages.
Branding a literature as a national literature would only strengthen prejudices on the very themes that African writers should be involved in. This means there are inevitable elements within that literature : a formatted vocabulary, a much awaited colourfulness, so that every African can hoist up his local colours, his original colour.
Every cultural field would be affected by this : in films, there would be a specific national, perhaps even African colour, and the same would go for paintings, sculptures and so on. The national writer would be the clerk of his nation, the guardian of the nation’s wants and customs, and indirectly, his mission would be to tell of his space, and only that, and if he deviated from that mission, he would be branded as a Blackman wearing a white mask.
We give back to the world what we’re surrounded with and what we have received. We are the product of our exchanges and of our movements. Creating means reorganizing the universe, giving it (or giving it back) a geography, a history, languages. At a time when the artist is as mobile as the work he creates, it isn’t surprising that some of Cuba’s soil should be mixed with that of South Africa or of some Amazonian land. Books take us to unknown lands, and art holds a timeless spell. Photos, books, paintings, sculptures reflect what we are, and what we need to know about others. Art erases borders and allows the person who contemplates a work to add his own meaning to it, so that the language we think in becomes secondary. What matters is our ability to enter a universe, to make it ours, to read the creative trance of the writer, this universal creative trance, between each sign, between each colour. With migrations, this era is set to redefine space, to open up minds. From now on, “creative madness” is wherein lies our destiny. The World, the All-World according to Glissant, is at our door with its noises, its fury, its oceans, its thick forests, its animal species we must tame. If we go to these far-away lands, we will initiate the salubrious process that will enable us to rebuild our humanity…
Indeed, we have long looked for what would best symbolize the gathering of peoples and we now know that art is the means through which we will reach these “latitudes” and through which we will finally manage to give a sense of tolerance back to humanity. The fear of others emerges when their imagination is unintelligible to us, and art from elsewhere is perceived as an oddity. So, to rush things along, we tend to say that this is art while that isn’t, because it comes from far away, from unknown lands. But with that kind of reasoning, some peoples are denied their sensitivity while familiar art only is raised as a perfect model. What seemed far away yesterday seems very near today, nearer still when you realize that a little of ourselves can be found in what is done elsewhere. We just need to open our eyes and look to the horizon to see how varied the firmament is, especially that ever changing rainbow. This is art. Art ? Yes, the art that strikes us, that carries us away, that makes us question ourselves. This is what the artists who have been invited to this Brazzaville Festival will offer us, not only to brighten our future but also to revisit our past. And this goes well beyond nationality… »

Alain Mabanckou

Keynote speech pronounced in Brazzaville (February 2013)