Aventures dans l’Entre-mondes

Ecrit par Garance Cutillas (3ème, Collège Damira Asperti), sujet 2. Publié en l’état.

"- Lucie a-t-elle enlevé son casque de réalité virtuelle après le début de votre partie ?
"- Je ne crois pas, lieutenant Rémi... à quoi pensez-vous ?
"- Fred, il n’y avait que cinq personnes autour de la Table ronde ?
"- Sûr ! Mais je ne pense pas que la disparition de Lucie ait un rapport avec nous, si je puis me permettre...
"- Nous ne devons écarter aucune piste Fred. Avez-vous regardé les caméras qui surveillent l’issue ?
"- Oui, il n’y a absolument rien.
"- Y’a-t-il une caméra qui surveille la salle ?
"- Oui, je crois.
"- Montrez-moi la vidéo s’il vous plaît.
Fred se connecta sur sa tablette et ouvrit le fichier contenant les images de la caméra de surveillance. On y voyait les participants s’installer, prendre et mettre leur casque. Lucie était bien présente. Quelques minutes après le début de la séance on vit soudain l’image devenir floue, grésillante, puis l’écran devint noir. Rémi retint son souffle, quelques secondes plus tard, l’image s’affichait à nouveau. Les participants étaient assis concentrés dans leur jeu, mais à côté de Fred le casque de Lucie se balançait de gauche à droite, sans que personne ne se soit aperçu du drame.
"- Oh non… Comment est-ce possible Lieutenant ? Je veux dire, l’image s’est brouillée à peine pendant dix secondes ! Elle n’a pas pu sortir, c’est impossible ! Où est-elle passée ?
"- Je n’en sais rien, répondit Rémi.
Lui qui avait horreur des nouvelles technologies, il savait qu’il allait être obligé de mettre ce fichu casque. Et si Lucie était restée coincée dans ce jeu ? Et s’il restait bloqué à son tour ? Des tas de questions se bousculaient dans sa tête, mais après tout, n’était-ce pas son devoir ?
Rémi se tourna alors vers Fred.
"- Bon, il va falloir me dire comment tout fonctionne et m’accompagner Fred.
"- Vous êtes fou ? C’est trop dangereux, on ne sait même pas ce qui s’est passé ! _ Il est hors de question que je remette le casque tant que nous n’aurons pas découvert ce qui est arrivé, non, non, vraiment ça n’est pas une bonne idée ! dit l’homme paniqué.
"- Mais justement ! On doit le découvrir, c’est votre invention, non ? Vous devez m’aider ! Manqueriez-vous de courage ? dit Rémi agacé.
Un silence pesant s’installa avant que Fred, dans un mélange de colère et d’angoisse ne réponde :
"- Et vous ?
Les filles se regardèrent et restèrent muettes.
"- Vous pouvez créer un jeu mais vous n’assumez plus après ! Bien... j’irai donc seul. Dites-moi comment me connecter.
Le cœur battant il prit un casque et le brancha à l’ordinateur. Des diodes rouges et bleues s’allumèrent, et non sans frémir il le posa sur sa tête.
Bip… Bip… Bip…
Il ferma les yeux un instant. Soudain, après quelques secondes de flou total, il se retrouva dans une vieille demeure, seul, ses habits déchiquetés. Il retint sa respiration, il avait du mal à y voir. Il attendit que ses yeux s’habituent à la pénombre. Il leva la tête et aperçut une lanterne posée près d’un mur. Après avoir écarté d’épaisses toiles d’araignées, il la saisit et tenta d’éclairer la pièce. Sur sa gauche, une énorme porte en bois grinça, Rémi se retourna brusquement et aperçu une vieille femme visiblement couverte de sang. Effrayé par cette vision il mit un moment à recouvrer ses esprits. Il lui demanda doucement si elle avait besoin d’aide.
"- Madame ? Madame ? Vous...Vous êtes blessée ? Je peux faire quelque chose ?
"- Je n’ai pas besoin d’aide ! dit-elle sèchement, Mais toi, oui !
Surpris par sa réponse Rémi répondit :
"- Pardon ? Non c’est juste que je... Je cherche une jeune femme…
"- Tu ne devrais pas être ici ! dit la vieille d’une voie tremblante.
"- Mais je ne sais pas où je suis, c’est un juste jeu qui...
"- Un jeu ? Interrompit la vieille dame, dans un éclat de rire effrayant.
"- Oui…
"- Es-tu sûr ? Dans un jeu on a plusieurs vies, non ? Alors testons si c’est vraiment un jeu !
Brusquement la vieille femme se jeta sur le policier, tenant ce qui semblait être un chandelier et tenta de le frapper au visage. Dans un sursaut Rémi lâcha la lanterne et se retrouva dans la pénombre. C’en était assez ! Rémi retira brusquement son casque.
Bip… Bip… Bip…
Essoufflé, la sueur perlant à son front, il fut soulagé par ce retour à la réalité, puis resta quelques minutes assis dans son fauteuil, le temps de se remettre de ses émotions.
Soudainement, son regard fut attiré par l’écran de l’ordinateur. Deux mots clignotaient : “aidez-moi”... Il chercha Fred du regard mais plus personne n’était dans la pièce.
Il posa alors son casque et écrivit “Qui êtes-vous ?”. Il attendit, doutant de plus en plus d’obtenir une réponse. Un prénom s’afficha alors, celui de Lucie. Les mains tremblantes, il lui demanda où elle se trouvait. Mais tout à coup, l’ordinateur s’éteignit. Noir total... Rémi tenta de le rallumer, rien à faire. Il soupira, et repris dans ses mains ce maudit casque. Il le fixa, hésitant quelques secondes et le reposa sur sa tête, tout en maudissant l’inventeur.
Bip… Bip… Bip…
Rémi se trouvait maintenant dans un paysage exotique, une jungle. Il entendait les sifflements des oiseaux, le cri des singes et aperçut les plumes flamboyantes d’un couple de perroquets. Il marcha, longtemps, contempla les arbres, les lianes, la nature sauvage. Une branche craqua. Il se retourna brusquement, et vit une silhouette s’enfuir. Alors il se mit à courir en criant “Lucie, Lucie !” mais personne ne lui répondit. En quelques secondes, Rémi avait déjà perdu la trace de la jeune femme. Il reprit alors son chemin, lentement, tentant de reprendre quelques forces. Mais derrière l’arbre suivant, une surprise l’attendait. Et pas une si bonne que ça... Un tigre ! Un énorme, puissant tigre du Bengale qui se dirigeait vers lui à grands pas. Le jeune homme reculait, mais vit que le félin commençait à grogner, prêt à bondir. “Non mais c’est pas vrai !” dit-il paniqué. Sans hésiter Rémi arracha à nouveau son casque de virtualité réelle.
De retour sous le dôme il regarda à nouveau l’ordinateur. Rien ne s’affichait... Le jeune homme savait que les endroits où le jeu l’emmenait étaient choisis de façon aléatoire, mais cette fois la coupe était pleine, il devait y rester jusqu’à trouver la clé du mystère et enfin trouver Lucie, que tout s’arrête enfin ! Il replongea dans un nouvel univers.
Bip… Bip… Bip…
Du bruit... Un moteur ? Après les quelques secondes nécessaires à ses yeux pour s’habituer à ce nouvel environnement il comprit qu’il se trouvait à bord d’une voiture, un énorme bolide lancé à toute allure. Par réflexe il attrapa en vitesse sa ceinture, s’attacha, puis tourna la tête. Une jeune femme conduisait, elle était concentrée, et étrangement peu étonnée par l’apparition de Rémi.
“Qui êtes-vous ?! dit Rémi.
"- Je vous retourne la question ! lui lança la jeune femme.
"- Je suis Rémi, Inspecteur de police ! Où sommes-nous ?
"- Sur un circuit, ça ne se voit donc pas ?
"- Mais...?”
Rémi stoppa net son interrogatoire. Il venait de voir scintiller un bracelet en diamant à son poignet gauche, celui là même qui apparaissait au poignet de Lucie dans la vidéo de surveillance.
Il resta muet quelques secondes puis la fixa dans les yeux. Enfin il l’avait trouvée !
"- Lucie...? Vous êtes Lucie !
"- Chut ! Taisez-vous, je suis concentrée ! Dit la jeune femme le regard fixé sur la route qui défilait à une vitesse vertigineuse.
"- Mais qu’est-ce qu’on est censé faire ? Dit Rémi
Des sirènes de voitures de police résonnaient au loin, et se rapprochaient de plus en plus.
"- Fuir, tout simplement. dit Lucie froidement.
Un petit voyant près du volant se mis à clignoter.
Bip… Bip… Bip…
"- Bon sang, le moteur risque de nous lâcher d’un moment à l’autre !
"- Mais arrêtez-vous ! dit Rémi,
"- Vous n’avez donc rien compris dit Lucie, On ne peut pas s’arrêter !
Blam !
Un coup de feu retentit ! Ils baissèrent tous deux la tête. Lucie se retourna et vit qu’un policier, pistolet en main, les prenaient pour cibles. Elle donna alors un violent coup de volant vers la gauche. Le circuit formait une boucle, sur le côté se trouvaient des buissons, quelques barrières défoncées et des panneaux de limitation de vitesse, visiblement non respectés...
"- Qu’est-ce que c’est ?! Hurla Rémi en apercevant devant eux un portique vert, qui se rapprochait à toute vitesse.
"- Pas de panique ! C’est le check point, on va récupérer de l’énergie !
"- Quoi, mais combien de temps ça va durer cette histoire ! Lucie arrêtez-vous quelque part, je suis là pour vous ramener !
La jeune femme n’entendait plus les cris de son copilote, les sirènes policières sonnaient à tue tête. Les balles rebondissaient sur la carrosserie, les vitres explosaient ! Un policier doubla par la gauche, pointa son arme vers les pneus de leur voiture, Rémi sentit un choc violent, puis sa vue se brouilla jusqu’au néant.
Bip…Bip… Bip…

A son réveil, il n’était plus dans la voiture. Mais il n’était pas non plus autour de la table ronde... Il n’avait pourtant pas retiré son casque !
Encore sous le choc de l’aventure précédente, il ne comprit pas immédiatement où il était. Il entendait beaucoup de bruits, des détonations, des cris. Il réalisa qu’il se trouvait en plein combat, armé des pieds à la tête. Il se trouvait grand... Un peu trop même ! Alors il baissa la tête et se rendit compte qu’il était à cheval.
Instinctivement, il saisit les rennes fermement, s’agrippa à la crinière et tenta d’avancer, la boule au ventre, ne réalisant toujours pas qu’il se trouvait en pleine Première Guerre Mondiale. Il se fraya un chemin, évita les tranchées, les cadavres, par chance le combat semblait se terminer, le champ de bataille était désormais déserté. Seuls quelques hommes, pris de folie, continuaient de se battre à mains nues.
Une odeur désagréable saisit Rémi, effaré devant l’horreur des corps étendus, certains quasiment ensevelis sous cette boue faite de terre et de sang. Au loin, il aperçut ce qui ressemblait à une base militaire, un drapeau français déchiqueté flottant timidement.
Arrivé sur place, il laissa son cheval à l’extérieur et dans une petite tente faite d’une simple toile, aperçut quelques soldats assis à même le sol, certains, le regard éteint étaient occupés à recharger leurs armes, écrire une lettre ou soigner quelques blessures légères.
Quelques visages lui semblaient familiers, mais c’était sûrement le fruit de son imagination.
Les hommes le regardèrent d’un œil méfiant :
« - D’où tu sors toi ?
"- Je... je viens du champ d’à côté, je ne sais pas trop...
"- Le combat est rude à la frontière sud, nous devons partir en renfort » hurla soudainement un militaire.
L’homme, que Rémi pensait être un Général, fit donner une gourde d’eau à chaque soldat ainsi qu’un fusil à baïonnette puis ils se mirent en route. Rémi ne savait pas trop quoi faire, il ne comprenait pas tellement mais par réflexe, suivit le mouvement. Les cavaliers passaient dans des endroits sombres et boueux. Rémi, ayant perdu toute notion du temps, tentait de deviner l’heure en fonction de la position du soleil. Mais soudain, son cheval trébucha et notre Lieutenant fût propulsé en avant. Il se rattrapa à la dernière seconde, se remit en selle et promit au Général, qui avait assisté à la scène, de ne plus se laisser distraire. Après quelques heures la guerre rattrapa les soldats. Les grenades explosaient de tous côtés, le front se rapprochait, on apercevait des éclats d’obus un peu partout. L’armée française était décimée, les Allemands avançaient de plus en plus en repoussant les hommes dans des tranchées qui ne servaient plus à grand chose si ce n’était de tombes.
Le Général, l’épée à la main hurla :
“A l’attaaaaaaaaaaaaaaque !!”
Rémi ne bougea pas, ne sachant pas ce qu’il fallait faire, il ne voulait pas se prêter au combat. Il paniquait de plus en plus, se demandant ce qu’il allait devenir, et lorsqu’il vit d’autres chevaux arriver en face de lui, son sang ne fit qu’un tour. Les yeux écarquillés, il tenta d’apercevoir des visages sous son lourd casque. L’ennemi se rapprochait de plus en plus, le Général donna l’ordre de battre en retraite. Sans mot dire, Rémi s’exécuta et partit au galop pour se réfugier dans un petit bois qui semblait hanté par la mort, plus loin des bombardements. Un homme l’avait suivit. Rémi laissa échapper un cri.
“- Fred ! Quel soulagement ! Alors finalement vous êtes venu m’aider ?
"- De quoi tu me parles ? On se connaît ?
"- Mais enfin, pour retrouver Lucie ! Le casque ! Je n’arrive plus à l’enlever !
"- Mais moi aussi j’ai un casque, regarde.
Le sosie de Fred montra du doigt son casque de militaire.
- Mais je ne parle pas de...
Rémi eut à peine le temps de terminer sa phrase qu’une explosion retentit dans le ciel, les chevaux tombèrent à terre et Rémi se dit que tout était terminé. Il toucha son front... Ses doigts étaient couverts de sang, sa tête tournait, était-ce donc la fin ?
Bip… Bip… Bip…
Rémi se réveilla sur un brancard couvert d’un drap blanc, taché de sang. Il n’arrivait plus à bouger, il savait juste que quelqu’un avait dû l’emmener à l’infirmerie. Il avait du mal à ouvrir les yeux.
Bip… Bip… Bip…
Une jeune femme se pencha au dessus de son visage.
« Ca va mieux ? Dit-elle.
"- Que s’est-il passé ? J’ai reçu des éclats d’obus ? Demanda-t-il d’une voix faible.
"- Mais non, voyons, Rémi ! »
Rémi, Rémi, Rémi... La voix de l’infirmière résonnait en écho dans sa tête, il ferma les yeux, tout devint sourd. Seuls quelques bips stridents se faisaient entendre, il avait du mal à respirer, mais il sentait une présence, une présence bienfaisante qui l’appelait.
« Rémi ! Rémi ! On se réveille ! »
Dans une grande inspiration, le jeune homme se réveilla, haletant et transpirant. Il se trouvait dans une salle blanche, éblouissante, il était dans un lit, un hôpital, à côté de lui cette machine et ses bips incessants. Puis il aperçut une infirmière qui tentait de le calmer en parlant doucement.
« Fred.. Les filles... Où sont-ils ? Demanda Rémi.
"- De qui parlez-vous ?
"- Le jeu est terminé ?
"- Mais quel jeu ?
"- Je ne comprends plus rien…
"- Chut, calmez-vous tout va bien, dit l’infirmière.
"- Qu’est-ce qui m’est arrivé ?
"- Vous êtes tombé dans un coma profond il y a plus de 6 mois, à la suite d’un accident de voiture.
La jeune infirmière posa la main sur le front de Rémi pour le calmer. Un bracelet en diamant scintillait.
"- Lucie, je vous ai enfin trouvée !
La jeune femme lui sourit tendrement.