L’édito de Michel Le Bris et Moussa Konaté

BAMAKO 2001

Etonnants Voyageurs pour la première fois en Afrique, en association avec le Centre Culturel Français de Bamako, pour un grand rassemblement d’écrivains francophones ou anglophones originaires de tout le continent.

Des rencontres et des débats pour affirmer que, malgré d’immenses difficultés, des voix nouvelles se lèvent un peu partout, de nouvelles générations d’écrivains prennent la parole avec une invention langagière, des modes de narration, qui peuvent contribuer à renouveler le roman français, à l’exemple de ce qui se passe depuis déjà plus d’une décennie dans l’espace anglophone.

Confrontation d’expériences nécessaire entre les cultures africaines, si diverses, du Maghreb à l’Afrique du Sud. Nécessaire également entre les écrivains francophones et les écrivains anglophones. Mais en Afrique même, cette fois-ci. Et non, comme toujours, en France.


Invité par Yves De La Croix, directeur du Centre Culturel Français de Bamako à une rencontre sur le thème du voyage, j’y ai découvert des gens exceptionnels, animés d’une rare énergie - et particulièrement un écrivain et éditeur malien, Moussa Konaté, qui se bat pour faire exister dans son pays une activité éditoriale. De la discussion est né ce projet d’un festival Etonnants Voyageurs à Bamako co-organisé par l’équipe d’Etonnants Voyageurs et une équipe malienne sous la direction de Moussa Konaté, avec l’appui du Centre Culturel Français de Bamako, qui a pour ambition de rassembler des écrivains de toute l’Afrique, francophones mais aussi anglophones pour affirmer l’extraordinaire effervescence créatrice du continent africain.

Pour des rencontres et des débats que tous ressentent aujourd’hui comme nécessaires. Nous le sentons tous, malgré d’immenses difficultés, des voix nouvelles se lèvent un peu partout, de nouvelles générations d’écrivains prennent la parole avec une invention langagière, des modes de narration, qui peuvent contribuer à renouveler le roman français, à l’exemple de ce qui se passe depuis déjà plus d’une décennie dans l’espace anglophone. Ces expériences, ces réflexions nouvelles sur la littérature, ces prises de parole nous interpellent sur la question même de la langue, de la culture française, de la francophonie, de l’identité et de l’universalité, revendiquée à travers des identités singulières : elles invitent à une réflexion approfondie sur la question même de la francophonie. Et tant mieux si nous nous trouvons ainsi bousculés !

Confrontation d’expériences nécessaires entre les cultures africaines, si diverses, du Maghreb à l’Afrique du Sud. Nécessaire également entre les écrivains francophones et les écrivains anglophones : pourquoi la vitalité littéraire de la zone anglophone s’est-elle manifestée plus tôt ? Hasard de situations locales, singulières, ou rapport différents à Paris et à Londres ? Et si cela est, que pouvons-nous en apprendre ? Et nécessaire enfin entre écrivains, éditeurs, critiques français et écrivains africains. Mais sur le terrain de ceux-ci, en Afrique même. Et non, comme toujours, en France.

Michel Le Bris


Parmi les causes qu’on évoque habituellement comme étant celles qui freinent le développement de l’Afrique, on n’insiste pas souvent sur les causes culturelles. or il est devenu évident que ce qui est vrai pour les autres peuples l’est pour les africains aussi : sans les idées, sans la réflexion, sans le débat d’idées, il n’y a pas de progrès pour une société. Cela suppose une rencontre avec autrui, une confrontation d’idées, enrichissante pour tous. Malheureusement, pour avoir longtemps pensé que la priorité est l’économie, l’Afrique a importé des modèles de développement sans tenir compte de ses réalités culturelles. Le résultat en est l’impasse dans laquelle elle se trouve.

Comment une société peut-elle progresser si elle ne se regarde pas en face ? Et comment peut-elle se regarder en face si elle n’ose pas se regarder dans les yeux des autres ? Il importe avant tout de rompre cet enclavement de l’Afrique pour qu’elle puisse trouver le chemin d’un développement harmonieux.

C’est pourquoi un festival autour du livre qui rassemblerait l’Afrique de toutes les langues, qui inviterait d’autres cultures à un dialogue fécond, est une nécessité. En effet, pour rompre les frontières internes qui empêchent les écrivains et les penseurs d’Afrique de dialoguer, toutes les autres frontières qui les coupent du reste du monde, le meilleur moyen est que ce soit l’Afrique qui invite chez elle.

Certes, le choix du Mali pour abriter ce festival se justifie amplement, parce que ce pays a été un centre de rayonnement culturel, le point de jonction entre le nord et le sud du continent, le pays de Tombouctou mais cet événement doit être considéré avant tout comme celui de l’Afrique entière.
Si ce festival permet d’apporter aux lecteurs potentiels d’Afrique des livres à des prix raisonnables, aux écrivains africains d’affirmer leur existence, s’il devient un grand banquet de l’esprit, alors il sera le départ d’une marche certes longue, mais tellement enthousiasmante.

A l’heure où s’ouvre ce festival, je souhaiterais remercier Monsieur Alpha Oumar Konaré, Président de la République du Mali, et Monsieur Pascal Baba Coulibaly, ministre de la Culture du Mali.

Moussa Konaté