Berlin cosmopolite : l’Internationales Literaturfestival 2012

Emmanuel Delloye, ambassadeur d’Étonnants Voyageurs auprès des membres de la Word Alliance, nous livre ses impressions de l’Internationales literaturfestival de Berlin, l’événement littéraire le plus en vue de la capitale allemande, où il s’est rendu en septembre dernier.

Berlin est-il encore « un lieu merveilleux », comme l’écrivait Brecht à un ami en 1920, en ajoutant : « Tu ne peux pas voler 500 marks quelque part et venir ? »
En tous cas le voyage à Berlin est toujours un moment chargé d’émotion. On y croise volontiers le fantôme du Franz Biberkopf de Döblin ou ceux de Trudel et Anna de Seul dans Berlin ou encore celui de Marlène Dietrich chantant Black Market dans les ruines du Berlin de 1945, et bien d’autres. Les pérégrinations le long des reliefs du Mur vous replongent dans cette folle nuit du 9 au 10 novembre 1989, pleine d’espérance, quand, sur le même chemin, l’exposition Topographie des Terrors vous ramène au cœur de la barbarie nazie. Mais Berlin aux 150 musées et aux innombrables galeries d’art contemporain, c’est aussi une ville jeune, ouverte, cosmopolite, conviviale que reflète la 12ème édition du Festival international de littérature.

Il se déroule principalement dans le Berliner Festspiele, la grande scène culturelle berlinoise qui accueille toute l’année des événements et des festivals de musique, de théâtre, de danse et de littérature. Très ouvert sur le monde, il accueille en 2012 plus d’une centaine d’écrivains, romanciers, poètes, essayistes, journalistes, venus de 40 pays, qui offrent à un public nombreux (25000 personnes en 2011) et attentif la richesse et la diversité des littératures en temps de mondialisation. On y croise des Prix Nobel, des poètes chenus, de jeunes auteurs inconnus ou presque, débordant d’imagination et d’énergie. Une large part est faite à la littérature pour la jeunesse et dans la semaine des flots d’écoliers et de lycéens envahissent les espaces du Festspiele. Cette année un accent particulier est mis sur l’Europe d’aujourd’hui : y a-t-il une identité européenne reflétée dans la littérature ? Comment les idées s’échangent-elles dans l’espace européen ? Comment l’Europe est-elle perçue par les auteurs d’autres continents ? Ce dernier aspect a certes suscité des déclarations d’amour, mais parfois donné lieu à des réflexions sans aménité d’écrivains brésilien, palestinien et indien sur une Europe vue comme fragmentée, égoïste, fermée, qui a certes beaucoup apporté aux autres pays du monde, mais qui a bien peu appris d’eux en retour.

Le festival a noué depuis longtemps des liens étroits avec des artistes et des galeries d’art contemporain qui se traduisent par de nombreux vernissages, des projections de films et des tables rondes où dialoguent artistes, poètes, philosophes, et critiques. A l’instar du Pen Festival, Berlin affirme également sa volonté de soutenir les écrivains et artistes en danger partout dans le monde. Il invite à cette fin des festivals partenaires, des intellectuels et artistes ainsi que toutes institutions et organismes de bonne volonté à programmer le même jour des lectures de textes d’auteurs ou de soutien aux auteurs et artistes opprimés ou menacés. Le 12 décembre prochain, c’est le groupe russe Pussy Riot qui bénéficiera de cet engagement international. Le 12. ilb est un festival inventif et généreux.
Emmanuel Delloye