C’est un piège !

Ecrit par Anouck Gilles (2nde, Lycée Camille Jullian de Bordeaux), sujet 2. Publié en l’état.

Ce que comprenait surtout Rémi, c’est qu’il allait devoir enfiler l’un de ces maudits casques. Et aucun stage de police ne l’avait entraîné à enquêter dans un monde virtuel…

"- Pouvez-vous m’apporter des précisions sur votre jeu, et sur le monde qui le constitue ? dit Rémi d’un ton inquiet.

"- Bien sûr, il y a une base en commun pour tous ces casques, un monde commun mais des milliards de chemins différents avec tout un tas de branches, j’ai conçu New Graal pour que les utilisateurs puissent y jouer pendant des années sans avoir deux fois la même aventure, sans passer par le même chemin le tout dans une galaxie totalement inventée.

"- Quelle est cette base commune ? Ça veut dire que je n’ai presque aucune chance de retrouver Lucie dans votre monde virtuel ?

"- Quand on met le casque, une analyse de notre corps se met en marche, notre morphologie et notre masse musculaire sont analysées, pour que les sensations et les mouvements dans le jeu soient le plus réaliste proche possible. Vous rentrez ensuite directement dans le jeu, le chemin est d’abord unique puis devient plus complexe, j’espère seulement qu’elle n’a pas été prise d’une envie de jouer et qu’elle n’a pas trop avancé.

"- Ou qu’une autre personne n’y est pas déjà rentrée…

Après toutes ces bonnes paroles, Rémi se dirigea vers les personnes présentes dans la salle lors de cette étrange disparition, les joueurs ainsi que les observateurs prirent place dans le planétarium et enfilèrent les casques, aucun d’eux n’avait envie d’y retourner, mais c’était le seul moyen pour Rémi de retrouver Lucie. Il se mit à la place qu’occupait cette dernière quelques heures auparavant, dans la même position. Tout à coup, c’était le vide, il n’était plus maître de son corps, il ne sentait qu’un fort vent dans le creux de son cou, entre ses vêtements et le casque de jeu, il l’avait encore sur sa tête. Il avait pour sensation d’aller plus vite que la musique, puis il se souvint du planétarium et de la vitesse de la lumière, il était presque sûr de voyager jusqu’à une planète du système solaire, lui-même, sans vaisseau ni pilote. Il essayait de bouger ses mains, ses bras et ses pieds sans aucun succès, la vitesse du vent faisait que les mouvements étaient presque impossibles à faire. Il ne pouvait pas savoir ce qui l’entourait, même à quelques centimètres. Au loin, il vit une lumière rose pâle, sans savoir comment il se retrouva debout, flottant à quelques centimètres du sol, qui semblait différent de celui de sa terre natale, il semblait moins rigide et changeait de couleur selon les mouvements de Rémi.

« Individu de type caucasien, mesurant 1 mètre 78 et pesant 73 kg, il fait une taille M, il lui faudra donc la combinaison numéro 2, et une arme de type 3. C’est un sportif de type 2 faisant 3 à 5 heures de sport par semaine, il lui faudra donc l’équipement C avec un couteau, des cordes, et un harnais de sécurité basique. »

Toutes ces nouvelles informations ne rassuraient pas Rémi, elles l’inquiétaient davantage. Le créateur ne lui avait jamais dit qu’il s’agissait d’un jeu où il y avait des armes, et des risques de mort évident sinon il se serait plus sérieusement préparé à ce voyage virtuel. Il regarda au loin, aucun signe de Lucie, ni d’empreintes de pas, ni de vêtements déchirés, rien. Tout à coup, un gros paquet apparut devant lui, il n’était pas tombé du ciel, personne ne l’avait apporté et il n’avait pu sortir de nulle part, aucun objet n’était au-dessus lui, ni même à plusieurs mètres. Une enveloppe était à coté du mystérieux paquet. Rémi l’ouvrit, il n’y avait qu’une seule phrase marquée en rouge sur un fond blanc. « Si vous utilisez ce matériel sans réel danger de mort, vous le regretterez. »

Une pensée de soulagement traversa l’esprit de Rémi, le papier précisait qu’il n’allait pas utiliser à tort et à travers le matériel, qu’on lui avait fourni, ce monde virtuel n’était en fait pas si différent de celui dans lequel il vivait. Les armes existaient, et même si c’était illégal, leur procuration était simple. Il se serait cru dans une vraie enquête de police, une disparue, des armes, mais aucune piste, et aucun moyen informatique de la retrouver. C’est vrai que grâce aux avancées technologiques, les enquêtes de disparition devenaient de plus en plus simples. Un grand nombre d’adolescents faisaient le mur, ou fuguait pour une simple altercation avec un parent, ou juste par caprice mais grâce aux réseaux sociaux, il était possible pour lui de retrouver des photos, des statuts ou même des messages envoyés ou postés et leur localisation. Une idée apparut dans l’esprit de Rémi, dans ce monde parallèle, y avait-il du réseau ? S’il y en avait, il pourrait demander de l’aide à sa brigade, et localiser la fille qui devait elle-même chercher à joindre des secours. Il empoigna son téléphone et vit qu’il n’avait plus de batterie. Il ne saurait jamais si son téléphone aurait pu l’aider ou non. Le moment était venu pour Rémi de se lancer, il devait retrouver la pauvre disparue, elle devait être terrifiée coincée dans un jeu qu’elle ne faisait que regarder. Il ne pouvait pas avancer sans réfléchir, il devait d’abord trouver un moyen de la localiser ou de repérer ses traces. Là, caché sous l’ombre d’une grosse colonne qui ressemblait à un portail, il y avait un panneau d’aide.

« Que puis-je faire pour vous ? demanda une voix féminine.

"-J’aimerais savoir si quelqu’un a consulté ce tableau dernièrement.
"-Oui, une femme, il y a un peu moins de deux heures, elle est partie vers le prochain panneau d’aide qui est plus sophistiqué, il faut prendre à droite, puis à gauche et encore à droite »

La voix de la machine lui parut étrangement familière mais il n’avait pas le temps de s’attarder à ce genre de détail, sa seule préoccupation était de retrouver Lucie pour pouvoir sortir de ce jeu au plus vite. Il partit à droite comme lui avait indiqué le panneau. Le paysage était désertique, il n’y avait aucune végétation, ni personne d’autre d’ailleurs, une seule petite route guidait son chemin. Cela faisait bien dix minutes qu’il marchait et il s’étonnait de ne pas avoir été attaqué une seule fois. Pourtant, on lui avait donné un équipement lors de son arrivée dans le jeu. Il ne comprenait donc rien. Au loin, il vit une forteresse abandonnée qui ressemblait à un château mais qui avait une forme de phare. Il se dit qu’elle devait s’être réfugiée à l’intérieur par peur. Il ne savait pas quoi faire, continuer sa route ou rentrer dans le bâtiment. Ça serait dommage de passer si près d’elle. Un doute submergea Rémi, une fois qu’il aurait trouvé Lucie, comment allaient-ils sortir d’ici ? Et si par malheur il ne la trouvait pas, jusqu’à quand devait-il chercher ? Il décida d’entrer dans la forteresse et comptait sur la chance pour qu’elle y soit. Il entra et vit une pièce sombre avec un grand escalier en pierre qui menait sûrement à un étage. Un seul rayon éclairait la demeure, il venait du toit et quand Rémi leva la tête, il l’éblouit. Il s’inquiétait pour la disparue, elle devait avoir peur et être encore plus paniquée que lui ne l’était déjà. Il aurait préféré des monstres qui l’attaquent, des cris, du sang, n’importe quel signe de vie venant de n’importe qui. Mais le néant et le silence étaient encore plus terrifiants. Il monta à l’étage et ne vit rien, juste une vieille chaise en bois. Une ombre plus foncée était sur le dossier. Il désespérait, il ne sortirait jamais d’ici, il était trop jeune pour mourir dans un stupide jeu vidéo. Qu’il y aurait-il d’écrit sur sa tombe ? Rien. Il n’était rien, il était juste assez bête pour se lancer dans une recherche à travers un monde virtuel. Il n’y avait plus d’espoir, ni pour lui ni pour Lucie. Soudain, un dernier espoir apparut dans son esprit. Et si l’ombre sur ce fameux dossier de chaise n’était pas un reflet ? Et si c’était une lettre, une gravure ou qu’importe qui permettait de la retrouver ? Il avança vers la chaise plein d’espoir, le sol grinçait, cette demeure allait bientôt s’écrouler, il devait donc faire vite. Il arriva jusqu’au meuble, et là, gravé dans le vieux bois, était écrit en majuscules « VENEZ ME CHERCHER À L’ENDROIT QUE VOUS APERCEVEZ DU TOIT, ILS VONT ME TUER. (L) ». Cela ne faisait aucun doute, c’était Lucie qui avait écrit ce message. Plusieurs questions vinrent à l’esprit de Rémi : de qui parlait-elle, pourquoi lui n’avait vu personne et enfin de quel endroit parlait-elle ? Une chose à la fois, Rémi allait d’abord monter sur le toit pour voir où elle se trouvait, observer les lieux, tester son arme et se lancer à son secours. Les explications à cette histoire qui ne lui semblait pas rationnelle pouvaient attendre encore un peu. A l’aide d’une échelle qui ne lui parut pas bien solide, il monta sur le toit en passant par un petit velux, et la vue qu’il avait de là lui semblait à peine croyable, de son côté, il y avait du désert, le néant et de l’autre c’était sombre, noir et gris comme dans les jeux vidéos auxquels ses cousins jouaient si souvent. À la limite des deux mondes si distincts, était bâtie une petite cabane en pierre. Rémi voyait enfin la fin de cette histoire, il descendit du toit, sortit de la forteresse en sautant les marches de l’escalier quatre à quatre, et partit en courant. À la moitié du chemin, il chargea son arme tira loin mais toujours en visant le sol, bien qu’il ne voyait personne il ne pouvait se permettre de blesser quelqu’un. Il se remit à courir et arriva devant la cabane.Il fit le tour et ne vit personne. Il ouvrit la porte délicatement, par précaution. Un grand sourire envahit son visage, Lucie était devant lui, son cauchemar était fini.

« Lucie ! Enfin ! J’ai eu si peur pour vous, et pour moi, nous sommes deux à présent, tout va bien se passer. 

" -Taisez-vous. »

Lucie pointa son arme en direction de Rémi, il était perdu, il ne comprenait pas, y avait-il quelqu’un derrière lui ?

« Tout ne va pas bien se passer pour vous, mon plan a marché à merveille, vos collègues vont venir à votre secours, le créateur de New Graal vient de me le confirmer.

" - Je ne comprends pas, pourquoi faites-vous ça ?

" - Vous le comprendrez bien assez tôt. »

En un éclair Rémi comprenait tout, le concepteur du jeu ne lui avait pas dit qu’il y aurait des armes parce qu’il était dans la combine lui aussi, il avait du stopper son jeu à distance pour qu’il soit désert et si la voix du panneau d’affichage lui était si familière, c’était parce qu’il l’avait entendu en regardant les caméras de surveillance de la salle de jeu, c’était celle de Lucie.

« Vous n’avez jamais était en danger de mort, cette disparition était programmée depuis le début, vous m’avez attiré ici pour me piéger !
Perspicace le détective !

Mais pourquoi ? Pourquoi moi ?

Il n’y aura pas que vous, il y aura toutes les personnes qui ont fait condamner mon frère. »