D’une rive à l’autre (incipit 2)

écrit par Valentin DELESTRE, en 5ème au Collège de Puisaye à St Sauveur en Puisaye (89)

Ils crient dans leur langue et Kasim comprend qu’ils ont besoin d’aide.

Il s’approche d’eux et ils lui font comprendre qu’ils ont fait tomber une petite chaîne avec un pendentif. Kasim cherche avec eux. Mais bientôt, le passeur apporte une petite embarcation.

Les deux hommes vont vers lui, payent le canot de fortune et entreprennent de le gonfler, tandis que Kasim cherche encore dans le fleuve le précieux médaillon auquel les deux hommes semblent tant tenir.

Soudain, il sent quelque chose sous ses doigts, il l’attrape, le sort de l’eau et … il pousse un soupir de déception, ce n’est qu’un morceau de verre. Kasim reprend ses recherches et trouve : un clou, un morceau de plastique et un vieux seau.

Découragé, il décide de retourner vers les deux hommes lorsqu’ il marche sur un petit objet : une chaînette dorée. Sur le médaillon, sont gravés : d’un côté, une spirale, et de l’autre, un signe étrange.

Il court vers les deux hommes qui achèvent de gonfler le canot pneumatique et leur montre l’objet.

Le plus grand prend le bijou et le tend à son compagnon, tous deux retrouvent le sourire et remercient chaleureusement Kasim dans leur langue.

Le plus grand des deux dit s’appeler Astrinos, il a une trentaine d’années, le teint clair et le corps musclé ; les traits de son visage sont très fins et ses cheveux, noirs et bouclés ; ses yeux d’un bleu profond expriment douceur et gentillesse.

Son compagnon, se nomme Démosthénès. Plus petit et plus jeune mais tout aussi musclé qu’ Astrinos, il a, en revanche, des cheveux blonds qui descendent jusqu’à ses épaules, et des yeux noirs.

Quant à Kasim, il est de taille moyenne, sa peau est plutôt bronzée, ses cheveux noirs et frisés encadrent son visage presque toujours triste.

Dans le pays d’où il vient, il souffrait de la faim et de la guerre. Son père est parti à la guerre, sa mère est morte deux ans après et sa sœur a disparu durant des bombardements aériens.

Aujourd’hui, il a 17 ans et il fuit son pays pour venir en Europe.

Maintenant, il embarque avec Astrinos et Démosthénès. Le jeune couple qui attendait avec eux a préféré attendre le matin pour traverser le fleuve plutôt que de risquer sa vie et celle de leurs fillettes sur ce petit bateau en pleine nuit sous la neige. Il rame avec ses deux compagnons, lorsqu’ Astrinos jette dans le fleuve le précieux médaillon que Kasim a retrouvé.

Soudain, à l’endroit où le médaillon a coulé, un tourbillon se forme. Le bateau se met à tourner sur lui-même, il se rapproche du tourbillon, il chavire, se retourne ; les trois occupants se retrouvent à l’eau. Kasim crie, il lutte contre le courant. Il voit Astrinos et Démosthénès nager d’eux mêmes vers le tourbillon.

Astrinos est englouti le premier. Démosthénès fait signe à Kasim de le suivre avant d’être englouti à son tour. Kasim est entrainé dans le tourbillon, il tente d’en sortir, il coule, se débat… en vain : il perd connaissance.

Combien de temps reste- il inconscient ? Il l’ignore, mais lorsqu’il se réveille, il est dans l’herbe, il fait beau, le soleil est déjà haut dans le ciel. Il est vêtu d’une tunique blanche et bleue. Kasim regarde autour de lui ; à quelques mètres, un fleuve descend jusqu’à la mer toute proche, le reste du paysage est très montagneux. Il se demande où il est, et où sont Astrinos et son compagnon Démosthénès.

Il gravit la pente qui se dresse devant lui et ses yeux émerveillés découvrent une ville. Une ville avec des maisons en pierres, des toits recouverts de tuiles, des rues pavées, sur lesquelles circulent des véhicules à deux roues tirés par des chevaux. Au centre de cette ville, une grande colline sur laquelle se dresse un édifice rectangulaire gigantesque : des dizaines de colonnes blanches soutiennent un fronton triangulaire très coloré qui supporte lui-même un toit de tuiles rouges. Ce monument est entouré de plusieurs autres plus petits. La ville est immense, bruyante et très animée. Kasim rejoint la route dallée qui y mène.
Il entre dans la citée avec un groupe de marchands qui vont vendre leurs produits au marché : volailles, bétail, vin, miel…

Tout ce qui l’entoure le surprend, l’émerveille…mais également l’angoisse :
Que fait-il ici ? Pourquoi tout est-il si bizarre, inattendu ? Tout est si différent de ce qu’il avait pu imaginer ! Il a peur.

Depuis un long moment déjà il entend les marchands parler et réalise soudain qu’il comprend leur langue alors qu’il ne l’a jamais entendue. Peut-être peut-il lui aussi la parler…

Il demande alors aux marchands dans quelle ville ils arrivent et à sa grande stupéfaction, les mots qu’il veut prononcer ne sortent pas dans sa langue maternelle, mais dans la même langue que celle des marchands ! Ceux-ci le regardent d’abord étonnés, puis déclarent :

« Comment ! Vous ne savez pas dans quelle ville vous êtes mon pauvre ami ? Mais enfin ! Nous sommes à Athènes !! La plus belle, la plus grande, la plus riche, la plus puissante cité de toute la Grèce ! Vous devez venir de bien loin. »

Les marchands s’éloignent et le laissent seul. Kasim reste bouche bée : Athènes ?! Comment est-il arrivé jusqu’ici ? Quelle drôle d’allure a cette ville qui semble tout droit surgie du passé !

Alors qu’il est assis dans une rue en pleine réflexion, des badauds le prenant pour un mendiant, lui donnent quelques pièces de monnaies avec lesquelles il achète un morceau de pain et du lait de chèvre à un marchand.

Après quelques temps, un homme s’approche ; Kasim le reconnait : c’est Démosthénès !

Ce dernier passe devant lui, lui lance un morceau de tissu puis poursuit son chemin.

Kasim ramasse le morceau de tissu ; il contient deux pièces marquées d’une chouette, d’un rameau d’olivier et des trois premières lettres d’Athènes. Sur le tissu, il est écrit ceci :

« Demain matin à l’aube, sois à la cinquième maison de la rue n°19. N’aie crainte. »

Kasim intrigué décide qu’il y sera ; de toute façon, il n’a rien à perdre.
Le lendemain à l’aube, il entreprend de se rendre à la cinquième maison de la dix neuvième rue.

Après avoir marché une demi-heure, il la trouve enfin. La porte est ouverte, il entre. Il arrive dans une petite pièce carrée, au centre de laquelle se trouve une petite table. Autour de cette table il reconnait Astrinos et Démosthénès. Ils invitent Kasim à se joindre à eux.

A peine assis, il commence à les mitrailler de questions :

« Maintenant, pouvez-vous me dire ce que je fais ici ? Pourquoi tout est si étrange ? Et pourquoi n…

– Calme toi intervient Astrinos, les réponses à toutes ces questions te seront données en temps voulu. En ce qui nous concerne, nous devons juste te servir de guide pour te conduire à un endroit précis. Tu ne peux pas refuser, tu dois nous suivre, c’est ton destin. A présent partons ! »

Ils quittent la maison et sortent dans les rues qui s’animent, la ville se réveille. Les boutiques ouvrent et les trois voyageurs s’arrêtent acheter de quoi se restaurer.
Ils traversent la ville et croisent un homme en toge blanche. Il se rend sur le forum où ont lieu les débats politiques concernant la cité et les villes voisines.

« Cet homme est Périclès, déclare Démosthénès, nous sommes en l’an – 431 en Grèce et Périclès dirige cette citée : c’est lui qui a fait construire les temples de l’acropole. L’acropole, c’est cette colline et le plus grand temple est le Parthénon. Il est dédié à la déesse Athéna, déesse de la guerre et de la sagesse. »

Ils passèrent devant un grand bâtiment en forme de demi-cercle. Kasim demanda :

« Quel est cet édifice ? »

« C’est un théâtre. En ce moment on y joue une tragédie d’un grand auteur nommé Sophocle ».

Ils sortirent de la ville. Ils marchèrent longtemps lorsqu’ils croisèrent un jeune homme tenant une sacoche en cuir et, dans sa main, une faucille ensanglantée. Sur sa tête, un casque ; à ses pieds, des sandales ailées.

« C’est Persée, fit remarquer Astrinos, il est le fils de Zeus, le roi des Dieux et d’une mortelle ; il a tué la Gorgone méduse : une femme monstrueuse avec des serpents à la place des cheveux qui changeait en pierre tous ceux qui la regardaient. »

Plus loin, un colosse rapportait une peau de lion, il tenait une énorme massue à la main.

« C’est le plus fort de tous les héros grecs reprit Astrinos, il vient de tuer le lion de Némé : c’est un des douze travaux qu’il doit accomplir ».

Ils marchèrent encore longtemps et arrivèrent à une grotte sombre.

« Où allons nous demanda Kasim peu rassuré ?

– N’aie pas peur et suis nous »

Ils entrèrent et suivirent le tunnel longtemps avant d’arriver face à un fleuve.
On ne voyait pas le plafond de la grotte mais il n’y avait pas de ciel, c’était comme un gouffre sans fond, il n’y avait aucune paroi, seulement le sol et ce fleuve. Un frisson glacé parcouru le dos de Kasim.

« le Styx, le fleuve des enfers » murmura Astrinos l’air grave.

Sur la rive, une barque et un vieil homme : Charron, le passeur qui fait traverser les morts de l’autre côté du fleuve pour entrer aux enfers.

« Il va nous faire traverser, chuchota Astrinos. »

– Mais… bredouilla Kasim, nous ne sommes pas morts !

– Il nous fera tout de même traverser car il sait qui nous sommes »

Kasim remarqua que le passeur ressemblait très étrangement à celui qui leur avait vendu la barque cette nuit là alors qu’ils voulaient passer la frontière.

Parvenus à mi-chemin de la traversée, on aperçut un combat sur la rive des enfers : Cerbère, le chien à trois têtes qui garde la porte des enfers tentait de se dégager…d’Héraclès !

Kasim et ses compagnons débarquèrent lorsque Héraclès se rua sur le chien monstrueux.

Mais ce dernier lança son énorme patte aux griffes acérées sur le colosse qui ne put esquiver.

Il s’apprêtait à recevoir le coup de plein fouet, lorsqu’ il entendit un cri terrible…Kasim gisait à terre, le côté déchiré par les griffes de Cerbère. Héraclès furieux, se jeta sur Cerbère et d’un coup formidable, frappa les trois têtes du chien qui s’écroula assommé. Puis Héraclès couru vers Kasim qui vivait ses derniers instants.

« Pourquoi as-tu fait ça ? cria-t-il, tu t’es jeté devant moi et tu t’es sacrifié pour que je réussisse le dernier de mes douze travaux ! »

Kasim hocha la tête : « Je voulais que tu réussisses… moi, je n’avais plus grand-chose à perdre.

– Kasim, je dois te révéler quelque chose, lui répondit Héraclès, ton vrai nom est « Komecliès », tu es fils de Zeus, tu es mon frère et celui de Persée. Tu es un demi-Dieu : notre père Zeus t’a confié à des mortels sur la Terre. Ils t’ont élevé comme leur propre fils, ton destin voulait que tu ne le saches qu’à ta mort. Par ce geste héroïque, tu vas rejoindre les dieux sur l’Olympe pour les servir et ils te respecteront. Bientôt, j’irai les rejoindre aussi.

Dans plusieurs siècles, tu pourras rendre visite à tes parents adoptifs dans le royaume des morts.

Pour le moment va mon frère, les dieux t’attendent… »