Déception et mort

Écrit par : OVIEDO Micaela (4ème, Collège Séminaire Collège Sainte Marie, Fort de France)

J’avais tellement prié, tellement espéré que la guerre le garde pour elle, mais c’était trop tard, il était déjà là et je ne pouvais rien faire. Enfaite je ne comprenais pas. J’avais six ans lorsqu’il est parti, pour moi il allait revenir comme un héros. Pour moi, mon père c’était un héros. Mais il est revenu tout simplement. Avec son manteau et ses chaussures de pluie. J’en étais sûr que je ne voulais pas de lui.

— Alors mon fils, t’en pense quoi ? Ça te va si on va se balader et je te raconte mes aventures ?

Je ne voulais pas lui répondre, mais ma mère me regardait avec ses beaux yeux. Ma mère était tout pour moi. Elle avait toujours été là pour m’aider, pour dormir avec moi tous les soirs, pour me faire à manger, pour m’amener à l’école. Je ne voulais pas décevoir ma maman.

— Si tu veux, pourquoi pas, ai-je murmuré.

Nous sommes donc allé. Je pouvais aller dans tous les endroits de la ville, sauf à la cafétéria où ma maman m’amenait tout le temps. Cette cafétéria c’était un lieu spécial pour nous deux. Je ne voulais pas partager cet endroit avec lui. Et je ne sais pas pourquoi il a justement voulu aller là bas.

— Tu veux t’asseoir où, mon cher fils ?, a-t-il demandé.

— Je ne veux pas être là avec toi, pas dans cet endroit, non, ai-je exclamé.

— Mais non, viens, allons s’asseoir ici, à côté de cette fenêtre, c’est ma table préférée.

— Tu étais déjà venu ici ?, ai-je balbutié.

— Mais oui mon fils, c’est ici que j’ai connu ta maman, j’étais assis juste ici et c’était elle la serveuse. Elle te l’a pas raconté ?

Je ne savais pas quoi répondre. Je venais juste de remarquer que tous les moments que ma maman et moi avons passé ici c’était basé sur mon père. Je me demandais même si à chaque fois qu’elle parlait avec moi elle pensait à lui. J’étais déçu, vraiment déçu.

— Bon, tu veux quoi ? Un dessert ?, tu veux dîner ici ?, a-t-il suggéré.

— Je veux juste partir, retourner à la maison, être avec ma maman, ai-je crié.

Il a baissé la tête, il s’est levé et il m’a pris par le bras.

— Allons-y alors.

Je crois que je l’avais vexé. Je crois qu’il voulait juste passer un peu de temps avec moi. Mais il n’avait qu’à pas partir lorsque j’avais six ans. Il a raté quatre ans de ma vie et il pensait qu’en revenant comme ça tout allait être pareil.

— Alors mon fils, t’as aimé le moment avec ton père ?, ma mère m’a interrogé.

Je lui ai pas répondu même si ça me brisait le cœur. Elle aurait pu me dire que le seul endroit qui était vraiment à nous c’était l’endroit où elle a connu mon père. Mais j’ai fait comme si rien n’était et je suis allé me coucher.
Deux minutes après ma mère est rentré dans la chambre avec mon père.

— Tu fais quoi, mon amour ? Maintenant c’est papa qui dort ici, mon cher, vas dormir dans ta chambre, a-t-elle dit avec une voix douce.

Je l’ai regardé. Elle m’a regardé avec un sourire au visage. Je me suis levé et je suis parti dans ma chambre. J’avais enfin compris. Mon père allait prendre ma place maintenant. Ma place dans le lit de ma maman, notre lit à deux, ma place dans la table, peut-être même ma place dans son cœur. J’avais enfin compris ça et je n’étais pas content. J’en étais sûr que ça n’allait pas revenir comme avant. Ma mère allait changer et elle allait m’oublier.

— Bonne nuit, mon fils, a-t-elle répliqué en fermant la porte de ma chambre.

Au lendemain matin, je me suis levé pour aller à l’école. Je suis rentré dans la salle de bain de ma maman et je vois qu’il avait déjà mit tous ses affaires, et qu’il avait mit les miens dans ma salle de bain. Le jour avait déjà mal commencé. Je suis allé à table et là je vois qu’il est assis à ma place. En vrai, ça m’aurait étonné s’il l’aurait pas fait. Il avait déjà volé ma place dans le lit de ma maman, dans sa salle de bain, il avait déjà volé notre endroit préféré, pourquoi pas voler ma place dans la table. J’avais dix ans, mais je comprenais ce qui se passait. Je comptais plus pour ma maman.

— Tu veux que je t’amène à l’école ? Ça me ferait vraiment plaisir, a-t-il proposé.

— C’est une grande idée, t’en pense quoi, mon cher ?, ma mère a rajouté.

J’ai réfléchis. Je me suis dit "va à pied", mais après j’ai vu le regard de ma mère sur moi, elle était si contente, et j’ai dû accepter.

— Mon fils, ça me fait vraiment plaisir de pouvoir t’amener a l’école. Tu vas me présenter tous tes amis ?, a-t-il demandé en rentrant dans la voiture.

— Non. Pas vraiment, ai-je déclaré.

— Mais pourquoi ? T’as pas d’amis ?

— Mais bien sûr que j’ai des amis, mais je ne vais pas te les présenter, ai-je crié.

— Je comprends pas, mais pourquoi ?

— Je vais leurs dire quoi ? Hein c’est mon père qui revient de la guerre. T’es même pas revenu comme un héros, t’es juste revenu.

Je suis descendu de la voiture. Il est resté dedans. Il était impressionné, je pense. Mais j’ai continué mon chemin et je suis rentré à l’école.
Et puis, c’était comme ça pendant autres six ans. La seule différence c’était que ma mère m’avait déjà oublié et que j’allais à l’école à pied. Mon père et moi on a prit un peu la distance, même s’il me parlait presque tout le temps. Je pense qu’il ne savait pas quoi faire. Mais j’avais déjà seize ans, j’étais plus mature et j’étais au courant de ce qu’il m’avait fait. Il avait vraiment changé toute ma vie. À cause de lui ma mère ne pensait plus à moi. Elle pensait qu’à lui. C’était comme ça que je le voyais.

— Tu vas pas à l’école aujourd’hui, mon cher ?, ma mère m’a insinué.

— Oui, et je pense que je vais revenir plus tard que d’habitude, ai-je répondu.

— T’inquiète pas, mon cher, tu reviendras pour dîner, j’ai quelque chose à vous dire.

Parfois je me demande si c’est bien ce que je fais. Franchement, je crois qu’à cause de mon père beaucoup des choses en moi ont changé. Je suis plus le petit enfant gâté par sa maman. Je suis devenu un homme très tôt.
Ce jour là je suis pas allé à l’école. J’avais planifié quelque chose avec mes amis. Quelque chose qui allait peut-être changer mon avis de mon père.

— On va toujours suivre le plan ?, mes amis m’ont demandé.

— Oui, et je suis prêt, ai-je dit avec une voix grave.

Avec mes amis du quartier, j’avais créé un plan. Je me demandais toujours pourquoi mon père était arrivé comme ça, avec son manteau et ses chaussures de pluie. Personne m’avait expliqué cela. Je me demandais même s’il était vraiment allé à la guerre. S’il serait vraiment allé à la guerre, il serait revenu comme un héros, non ?. Je voulais voir s’il était vraiment un héros, s’il était courageux. Donc j’ai créé le plan de le braquer. Avec cela, je pourrais enfin voir s’il saurait se défendre ou s’il saurait faire quelque chose.

— Allons-y alors, ont-ils hurlé.

Il était 18h, il sortait de la maison pour faire je ne sais pas quoi, et quand il était là où on voulait, là dans une ruelle sombre, on a commencé à dérouler le plan.

— Arrête toi !, un pote a crié à mon père.

Mon père était inquiet. Il savait pas quoi faire. Il n’y avait personne pour l’aider. Mais on avait déjà commencé et ce n’était pas moi qui allait tout gâcher. Je les ai donc suivi.

— Donne moi tout ce que tu as, je veux ton portable, ton port-monna...

Mes amis n’ont même pas pu finir leur phrase, il avait déjà sorti un poignard. Tous mes amis ont couru, et moi je suis resté là, sans savoir quoi faire. Et c’est moi qui s’est prit le poignard dans le ventre. Il voulait juste se défendre, mais quand il a enlevé mon masque, il a vu ce qu’il avait fait. Mon père a commencé à pleurer. J’avais jamais vu mon père pleurer. Il m’a porté et il a commencé à courir avec toutes ses forces pour demander de l’aide. Il n’arrêtais pas de crier "aidez moi, aidez moi". La dernière chose qu’il m’a dit c’était :

— Je vais t’amener à l’hôpital et après j’irais chercher ta maman.

J’ai même pas pu lui répondre, je m’étais déjà évanoui.

— Marta ! Marta ! Marta, t’es où ?, a-t-il crié avec inquiétude en rentrant à la maison après m’avoir laissé à l’hôpital.

— Chéri, je suis là, je dois te dire quelque chose, a-t-elle murmuré.

— Non, Marta, regarde, il s’est passé...

— Louis, écoute, j’ai le cancer.

J’avais seize ans lorsque ma mère est partie. J’avais tellement prié, tellement espéré que la mort me prenne à sa place.