En quête de paix

Écrit par : APPAIRE Océane (2nde, Lycée Merleau-Ponty, Rochefort)

— Ils arrivent, a dit Jules. Ses yeux brillaient d’une joie féroce.

Quelque chose en nous s’animait au fur et à mesure que les pas de nos ennemis se rapprochaient, comme une rage que nous nourrissions avec de la violence. A cet instant j’ai pris le temps de me questionner, était-ce la fin de ce cauchemar pour ma famille et moi ? Avions-nous peur de mourir ? Ou serions-nous au contraire soulagés que cette guerre se termine enfin ? Devais-je attendre qu’ils parviennent au seuil de ma porte pour trouver les réponses à mes questions ? Je me demandais également si à l’âge de mon fils Jules, j’aurais eu le courage de porter à bout de bras, ce morceau de métal lourd et gelé, si j’aurais eu la force de me battre.

Mes enfants sont braves. Mes enfants ont courageux. Mes enfants sont jeunes et ils font face. Chloé a 7ans, elle est toute frêle et ses cheveux tombent devant ses yeux clairs, ils ont du se ternir avec la guerre. Plus le temps de se poser de questions. Ils sont en bas de chez nous, ils frappent fort, ils crient, ils sont là. Ils arrivent. La mort était à nos trousses et maintenant seulement une porte en bois et un escalier de pierre nous en séparent. Leur pas sont lourds. Combien sont-ils ? Une dizaine ? Plus ? Une dizaine d’hommes face à nous, moi, un père, sa femme et ses deux enfants. Peut-être allions nous mourir, nous y étions préparés.

Nous avons entendu la porte céder sous leurs coups, les marches et le plancher tremblaient, ils étaient les uns derrière les autres, en file interminable de tueurs, leur visages cachés par leurs casques de fer. Leur arrivée était comme le son des cloches qui annonçaient la fin de nos vies et le début de nos morts. Puis, j’ai pensé une fois encore. Peut-être n’était-ce pas le moment pour eux de mourir. J’ai pris Jules et Chloé par le bras d’une main ferme, je n’ai pas pu parler, je n’ai pas non plus su leur dire combien je les aimais, qu’ils avaient encore de nombreuses choses à voir et de longues années à conquérir. Je me suis contenté de les regarder dans les yeux, avec le regard d’un père, presque rassurant. C’était trop tard mais ce n’était rien. Et puis, étais-je capable de les laisser grandir dans ce monde ? Dans ce monde de peur, de violence, de solitude et de haine. Etait-ce mieux d’être avec mes amours jusqu’à la fin ? Non, je n’en étais pas capable, je mourrais avec eux. J’ai empoigné mon arme, je me suis préparé, j’ai gardé Jules et Chloé derrière moi, comme si cela pouvait les sauver, il n’en était rien. Je m’étais fait cette scène en boucle des centaines de fois, je m’étais fait une raison, je m’y étais conditionné. Mes enfants aussi.

Chloé lance la première grenade, Jules ouvre le feu, il tire le premier. Ma femme, ce dernier message, de nos rires, de nos joies et de nos peines. Nos derniers moments d’amour étaient de la haine. Juliette meurt. Jules meurt. Puis, Chloé meurt. J’aimerais mourir aussi et je meurs déjà de peine car tout se fissure en moi, mes amours, ma vie. Les ennemis repartent. Ils ne me tuent pas, ils m’épargnent et me laissent au milieu de mes cadavres, de mes corps sans vie.

J’ai le souffle court, les larmes au bord du cœur. Cette guerre nous traumatise, quand viendra-t-elle nous frapper ? Quand allait arriver notre heure ? L’impatience et la hantise de mourir. Elle nous suivait jusque dans nos rêves, en tout cas jusque dans les miens. Je me suis réveillé et j’ai atteint la porte de la chambre de Chloé et Jules. C’était si réel. La peur de découvrir cette chambre vide en y entrant. L’amour d’un père n’a aucune limite, pas moins face à la mort. J’ai vu les corps de mes enfants, ils respiraient toujours, ils étaient en vie. Je les ai embrassés, j’ai embrassé Juliette. J’ai remercié Dieu de ses grâces. Et je n’ai pas refermé l’œil de la nuit. Tant pis, ou peut-être tant mieux. Je devenais le gardien de nos nuits. Et s’ils arrivaient ?