Etonnants Voyageurs à Ségou : étonnante étape

La main vissée sur le micro, Ousmane Diarra, élève de terminales sciences, « bombarde » de questions les auteurs en face de lui sans tenir compte de ses camarades visiblement impatients face à ce temps de parole ainsi monopolisé.

« Comprenez moi, on n’a pas tous les jours à Ségou ces grands écrivains, alors autant en profiter pleinement pour éclairer nos lanternes » lance timidement à l’assistance l’orateur impénitent en guise d’excuse. Cet intérêt marqué des élèves du lycée Michel Allaire de Ségou donne raison aux organisateurs du festival Etonnants voyageurs d’avoir décentralisé cette manifestation littéraire. C’est dans ce contexte favorable que les auteurs ont sillonné la région de Ségou du 22 au 25 novembre dernier pour échanger, partager leurs expériences d’écrivains avec des hommes de culture, des enseignants et scolaires à travers des conférences débats, des ateliers d’écriture. Etaient du voyage, l’auteur malien Fodé Moussa Sidibé, la Française Valérie Marin La Meslée et Aziz Koné de l’Association des slameurs du Mali (ASLMA). Les sociétaires des lycées Michel Allaire, Mandiouma Keïta et Cabral de Ségou ont pleinement profité de cette rencontre avec les auteurs pour apprendre sur les genres littéraires, les techniques d’écriture et aussi sur la vie et les productions des auteurs présents à Ségou. Le roman de Fodé Moussa Sidibé intitulé « La Révolte de Zangue » paru aux éditions « La Sahélienne » a été largement expliqué et commenté par l’auteur qui s’est félicité de l’intérêt porté par le public à son ouvrage. Dans un style simple, Fodé Moussa Sidibé, qui est à son deuxième roman, fait montre d’une grande maîtrise en racontant l’histoire d’une révolte d’anciens combattants du village de Diabougou contre le commandant pour le non reversement de leur pension de guerre. Il aborde avec de beaucoup de finesse un sujet aussi poignant découlant de l’injustice dont ont été longtemps victimes les anciens combattants africains. L’ancien combattant et chasseur, Zangue, le personnage principal du roman et ses compagnons, aidés par les maîtres chasseurs montent avec beaucoup d’assurance à l’assaut d’une injustice qui les prive de leurs droits. La romancière française Valérie Marin La Meslée, elle, se souviendra certainement de ce voyage dans la Cité des balanzans où elle a fait l’objet d’une grande sollicitation des scolaires. Son ouvrage « Novembre à Bamako » est un essai littéraire que l’auteur considère comme un carnet de voyage personnel, sensible et réfléchi sur l’Afrique d’aujourd’hui observée à travers le portrait d’artistes majeurs. « En novembre, constate-t-elle, Bamako prend des allures de capitale culturelle internationale : la biennale de la photographie africaine, la biennale de la danse et le festival Etonnants voyageurs mettent en lumière la vie artistique de la capitale du Mali ». Toutefois, le livre n’en pose pas moins une interrogation sur le quotidien des artistes maliens sur les 365 jours de l’année. L’autre temps de fort de l’étape ségovienne a résonné des prestations et les séries d’initiations des scolaires au slam, un genre poétique, dynamique et rythmé né aux Etats Unis dans les années 80, dont l’association des slameurs du Mali se fait le chantre auprès des jeunes. Les prestations du jeune slameur Aziz Koné ont séduit le public scolaire. Espace d’échanges et de promotion littéraire, le voyage de Ségou l’a été à plusieurs titres car les hôtes n’ont pas moins étonné les visiteurs. Au lycée Michel Allaire tout comme au lycée Mandiouna Keïta, les auteurs ont admirés les sketches présentés par les élèves sur l’importance de la lecture dans la formation scolaire. Ce qui augure un bel avenir car le festival « Etonnants voyageurs » a apporté un appui substantiel aux bibliothèques scolaires du Mali à travers la donation de 25000 livres. La conférence-débat au centre culturel Malick Coulibaly sur le thème « La littérature au Mali de 1960 à nos jours » animée par Amadou Kassoum Touré, professeur de lettres et conseiller pédagogique, a mis fin à l’étape de Ségou.