Je sais

Il est en train de faire la vaisselle et moi, j’observe son dos, je me dis, c’est fou quand même, on passe une vie entière sans jamais se voir de dos, je me dis aussi qu’il a un peu plus de cheveux gris sur la nuque, c’est drôle les cheveux gris, comment ça apparaît ? Un à un, la nuit ? Est-ce que je verrais la différence si je regardais sa tête chaque matin ? Bon je sais que c’est toujours comme ça, je me fais plein de réflexions et me pose plein de questions en général, mais quand il faut parler et aller droit au but je m’en pose au moins cent fois plus, c’est un peu comme les balais dans l’apprenti sorcier : multiplication sur multiplication au carré et tutti quanti ? Ça c’est une expression de ma grand-mère qui me fait beaucoup rire et qui , je ne sais pas pourquoi me fait penser à des fruits confits. Voilà, ça repart, je pense à tout sauf à ce que je dois dire, je m’égare.
Il doit avoir des antennes parce qu’il se tourne vers moi soudain, les mains pleines de mousse, arrêtant quelques secondes de frotter la marmite.

  • Toi tu as quelque chose à me dire .
  • J’ai eu 13 en japonais.
  • C’est bien !
  • Oui, si on veut.
  • Mais ce n’est pas ça que tu voulais me dire.
  • Si enfin, non.
    J’ai regardé mes chaussures, puis un carreau de carrelage sur lequel il y avait une petite tache de sauce tomate, puis les chaussures de mon père, puis la chemise de mon père, sans aller jusqu’aux yeux, c’était plus simple de ne pas regarder ses yeux et j’ai dit :
  • Je sais.
    J’avais bien réfléchi et m’étais dit que deux mots suffiraient et que ça ne valait pas la peine de dire un roman.
    C’était plus fort que tout, et même si je m’étais promise de ne pas pleurer, une larme à tout de même réussi à s’exfiltrer, et à rouler le long de ma joue... Je me dis qu’une larme ce n’était pas beaucoup, que ç’aurait pu être pire, que je ne m’étais pas écroulée devant le canapé, et qu’il ne fallait pas l’oublier.
    Papa est resté comme bloqué, puis il a dit :
  • comment ?
    alors qu’il avait très bien compris de quoi je parlais, alors qu’en fait aucune question ne trottinait dans sa tête, il avait compris et faisait comme si il n’avait pas bien entendu, mais il savait. Il ne se retourne pas, il a peut-être comme moi peur d’affronter mon visage chagriné, et moi-même je me dis qu’il faudrait appuyer sur la touche pause, parce que j’ai peur de la fin, et que je préférerais peut être terminer sur quelque chose non fini parce que j’ai peur de le voir lui et de ne plus le voir comme avant. C’est comme si après des jours de réflexion je comprenais vraiment ce qu’il m’arrivait.
    Mon père ne broncha pas, ses mains ne lavaient plus rien, il était muet et moi je le regardais et je me dis que tout ça, tout moi, tout nous, c’était comme un dessin au crayon de bois, que tout peut être gommé en un mouvement, effaçant des heures de travail acharné. Je me suis dis que tout le petit monde de notre vie n’était pas grand-chose.
    Je me suis levée, puis je suis partie, laissant papa dans le vague.
    Comme à mon habitude, je marche, d’un pas rapide et régulier, j’avance et prends le chemin que je prends tout le temps, le chemin que je pourrais faire les yeux fermés. J’avance, me dis que tout ça c’est sûrement un mauvais rêve, que je vais me réveiller dans des draps blancs qui sentent la lessive, et l’odeur du pain grillé montant dans les escaliers me chatouillant les narines. Je me dis que tout ça ce n’est pas possible et que ça n’arrive que dans les livres. Je regarde devant moi, il n’y a personne, le contraire m’aurait inquiétée. J’accélère, mon menton commence à trembler, je cours je dévale les marches de la plage, m’arrête pour enlever mes chaussures, je me déshabille, me retrouvant en petite culotte brassière devant la mer, et avant que mes larmes commencent à couler le long de mes joues, je cours, cours pour sauter dans l’eau bleue d’une belle fin d’été, je nage, je nage, je nage jusqu’à ce que mes muscles me fassent mal, je nage jusqu’à ne plus voir très bien les rochers de la plage et je fais la planche, sur le dos, mes cheveux seront mouillés tant pis . Je fais ça tout le temps, à peu près 730 fois par an, mais aujourd’hui tout est différent, peut-être est-ce parce que je viens de me rendre compte de quelque chose de gros, de très gros, de quelque chose d’énorme. De ce quelque chose ou plutôt de ce quelqu’un qui avait toujours été là derrière moi, mais moi je ne l’avais jamais regardé. Une larme coula humidifiant ma tête déjà mouillée. Et j’ai mal, je souffre intérieurement d’un manque que je n’avais jamais senti jusqu’alors.
    Mon menton tremble, il tremble trop fort pour pouvoir les retenir, c’est plus fort que tout, mais aujourd’hui je n’ai plus envie de les empêcher de couler. Et je pleure, pleure au milieu de mon océan, je laisse mes larmes couler le long de mes joues, je les laisse couler, et elle deviennent vite un long torrent inépuisable. Les poissons doivent me regarder d’un drôle d’air, mais les poissons je m’en fiche, je pleure, pleure encore, parce que ça me fait du bien, parce que quand on pleure, on essaye de dire au monde qu’on est triste, on le dit haut et fort car même si on est tout seule, on pleure pour quelqu’un, pour que quelqu’un vienne, un pleure c’est comme un appel à l’aide. Et moi je pleurais et j’appelais cette personne que je ne connaissais que depuis avant hier, cette personne qui était tout de même beaucoup moi.
    Les sanglots rebondissaient sur ma poitrine, et me faisaient mal aux cordes vocales, j’essayais de me calmer, d’arrêter ces torrents de larmes. Mais comme une force inconnue me disait que ça ne pouvait faire que du bien, qu’il ne fallait pas arrêter quelque chose qu’on avait eu du mal à commencer.
    Le vent commence à souffler un peu plus fort, les vague montent et je me dis que je devrais faire attention, mais c’est déjà trop tard. Une vague déferle sur moi, grande et bleue, en fin de compte les vagues sont comme le ciel, on peut plonger dedans, passer des heures à le regarder avec lassitude, mais on ne le connaîtra jamais par cœur. Et ça y est je recommence à penser à tout sauf à ce qui est en train de se dérouler à mes cotés.
    Je tourbillonne dans l’eau trop salé pour mes papilles, et je me rend compte que je vais me noyer, que je vais couler, et que cette vague est infini. Je me rend compte que ce n’est pas possible, que je ne peux pas laisser papa et maman tout seule même si ce n’est pas vraiment ma maman, même si depuis peu j’ai lu dans une lettre posé sur le buffet, sur une lettre égarer que cette dame que j’appelais « maman », n’était en faite que quelqu’un qui avait décidé de m’adopter mon père et moi après la mort de ma vrai mère, a s’attacher a des mots on finit par y croire, on ce trouve des ressemblance. Aujourd’hui, là maintenant tout de suite je comprend qu’on ne connais en faite personnes, qu’on peux trouver les gens différent car ils on changé de couleurs de cheveux, mais ils seront toujours les même, qu’ en faites on ne connais pas grand monde. Mais à la fois, cette dame que je surnomme maman, cette dame qui ma tout donné alors qu’elle ne me devait rien, cette dame, c’est ma maman et même si nos vaisseaux sanguins sont différents, me^me si notre nez n’a pas la même forme et même si elle ne ma pas porter dans son ventre, c’est tout de même ma mère et quoi qu’on y face on ne pourras pas le changer.
    Et les sentiments, les mots, les souvenirs déferlent dans ma tête. Je panique, car en ce 3 novembre je viens de me rendre compte de l’importance de la vie, des parents même si on n’a pas vraiment des liens de sang. Je ne peux pas les abandonner, non je ne peux pas les laisser seule. Et je brasse, brasse vers le ciel que je ne voit a peine, nage vers l’oxygène. Je prend mon élan pour réussir à respirer, pour réussir à pardonner. Mes doigts sentent l’aire froid du début de la soiré, et puis mes coude et un millième de seconde après mon visage, qui s’emplit d’air et d’amour. Je venais de me sauver, et j’avais faillit laisser ma vie au fond de cette océan geler. Je tousse pour cracher les litres d’eau que j’ai avalé, et puis, je souris. La mer c’est calmer, et le soleil se couche. L’eau est comme le ciel, plate et infini, je regarde le ciel, et un larme coule sur ma joue, enfin peut être était ce simplement une goutte, en tout cas je crois, car elle était salé.
    Je décide de rentrer, je nage doucement pour profiter de l’océan, je crois que je suis un peu folle, parce qu j’ai failli me noyer, mais que je reste dans l’eau alors que je devrais sûrement partir en courant pour pleurer dans ma serviette. Mais je n’ai pas envie de faire ça, pas le moins du monde. Car aujourd’hui j’ai appris beaucoup de chose, et qu’aujourd’hui l’océan vient de me sauver la vie.
    Pourquoi devrais je le quitter si vite alors que au finale, il n’y a que moi qui m’est mise en danger.
    Le soleil dissimule sa lumière rouge derrière l’océan foncé. L’air est frais, et d’un coup je me sens bête. Là à moitié à poils seule devant l’océan. Je me sens à la fois extrêmement idiote mais aussi très bien. Comme j’avais eu en moi depuis toujours des braises, chaude et brûlante, comme si découvrir ma vérité les avaient fait grandir et s’enflammer, et que maintenant après ce looping dans l’océan elles avaient disparues. Et il faut savoir que je me sentait comme toute légère, je me sens comme entière.
    Le soleil se couche, enfin je pense que c’est plutôt la terre qui se couche, car après tout, comme nous a dit le prof de S.V.T hier, c’est la Terre qui tourne autour de lui et pas l’inverse. Et je commence a pensée au étoile, et a ce mots qu’on emploie tout les jours mais qui sont en faite complètement faux.
    La Terre se cache donc du soleil et une brise legere et froide me fait frissonner, il est temps de rentrer.
    Je brasse un peu plus fort, pour mettre fin à cette sortie, pour ressortir de cette grande masse bleue comme s’il ne s’était rien passé.
    Mais aujourd’hui, je me rends compte que la vie n’est pas comme dans les livres, pas comme dans les films. Aujourd’hui je me rends compte que tout n’est pas noir ou blanc, tout n’est pas bon ou mauvais... dans certaines histoires, le personnage principal ayant découvert l’identité réelle de sa mère, aurait peut être voulu ne plus la voir, aurait peut être voulu fuguer. Mais moi je n’étais pas dans un livre, et je n’allais pas faire la tête à quelqu’un qui avait décidé de ne pas me laisser seule...
    Mes pieds peuvent maintenant toucher le sol, je nage plus vite, il ne me reste que quelques mètres.
    Dès lors que mes épaule sortent de l’eau, un frisson me parcourt. Il fait nuit et ne reste qu’une faible lueur rouge derrière l’océan foncé. Je sors de l’eau, ne prends pas la peine de me sécher, et enfile mon sweat par dessus mes sous-vêtements trempés. Et je marche pieds nus sur le chemin du retour, plus vite que d’habitude, car désormais, plus rien ne sera jamais comme avant.
    Et je prends mon élan, pour arriver, pour oublier, pour pardonner,
    Pour enfin réussir à voler