Je suis Congo, Souvenirs de Frantz Zéphirin à Brazzaville

Je revis mon enfance quand l’esprit d’Ogou chevaucha ma grand-mère qui récita des dialectes venant d’Afrique. Entre colère et transe avec sa machette de guerrier en main, un mouchoir rouge au cou et ses yeux enflammés, des mots sortirent de ses lèvres allongées, je frémissais même si je ne savais rien de ce qu’elle disait. Sala Masala Gimbo, M’Bayaka, M’Gu, M’Kossou, M’Ppinmba, M’tchetche, M’ayou-M’Assa-Vaudou, Boda-gimin-minfor, Sao-limin, Gu-O-Massai. Pour ne citer que cela, auquel je n’avais rien compris.
Arrivé à Brazzaville, on est allé un soir au Lampadaire, un restaurant où j’ai rencontré des cousins africains qui m’ont expliqué ces dialectes et patois, et la tribu d’où venaient les ancêtres de ma grand-mère. J’étais très heureux ce soir-là car certains d’entre eux venaient de la même tribu et ils m’appelaient « notre cousin », et tout le monde était très content.

Instinctivement, j’ai revu mon enfance comme dans un miroir, ainsi que le visage de ma grand-mère. Je me suis senti chez moi au Congo et mon cœur battait très fort. Sans complexe, ma grand-mère disait toujours qu’elle était bantoue, ce que je ne comprenais pas, mais ce soir-là je fus très fier de trouver mes racines africaines. Je suis Bantou et j’en suis fier.

C’était la fête, on buvait de la Ngok, de la Primus et d’autres bières. Les participants du festival Étonnants Voyageurs remplissaient les tables en buvant et en mangeant de la bonne cuisine africaine. On termina la soirée entre frères et cousins.

Le bus ramena chacun à son hôtel, car le lendemain j’avais à me lever très tôt pour continuer le travail avec les jeunes peintres des ateliers de Sahm sous la direction de Bill Kouélany, fondatrice de ce centre culturel unique, au service des jeunes talents congolais.

Nous sommes là, devant la grande fresque qui deviendra un chef-d’œuvre, où ces petits génies mettent toute leur énergie et leur imagination, afin de montrer au monde leur vision de « l’Afrique qui vient ». Ils y travaillent matin et soir pour harmoniser la toile suivant mes instructions et les bons conseils de Bill. Cette grande fresque brillera un jour à la face du monde comme une étoile dans la nuit.

Grande est ma satisfaction d’avoir pu participer à cette inoubliable expérience qui me donne grande envie de retourner chez mes cousins et mes cousines. Je garde dans mon cœur et mon esprit le souvenir de cette Afrique chargée de sourires et de pleurs par les souvenirs du passé, du présent, et l’espérance d’un avenir meilleur.