Jean-Claude Izzo, par Michel Le Bris

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JM-Huron

Jean-Claude Izzo
Michel Le Bris

Il était l’élégance même, d’une rare délicatesse, follement généreux. Je l’avais rencontré bien des années avant que naisse le projet du festival, grâce à Alain Dugrand qui l’avait connu à Marseille, en un temps où l’un y travaillait pour Libération et l’autre pour La Marseillaise. Devenu un très éphémère rédacteur en chef de la revue Viva, il m’avait proposé, sur les conseils d’Alain, de lui écrire un récit de voyage sur la destination de mon choix – ce fut la Basse-Californie mexicaine. À mon retour, il avait déjà démissionné. Mais nous avions beaucoup parlé alors de littérature et découvert combien nous étions, sur ce terrain, de sensibilité proche. Je l’avais retrouvé, un peu plus tard, toujours grâce à Alain Dugrand, qui venait de lancer à Strasbourg un « Carrefour des littératures européennes » et l’avait engagé comme attaché de presse. De notre côté, nous préparions la première édition d’Étonnants Voyageurs, et je ne sais plus très bien, compte tenu de l’effervescence des soirées strasbourgeoises, comment cela s’était passé exactement, mais au retour il était engagé comme attaché de presse du festival…

Attaché de presse, directeur de la communication, qu’importe le titre : il était un ami, et nous avancions en pleine connivence. Parallèlement au festival, j’avais lancé, avec Alain Dugrand et Olivier Cohen à mes côtés, la revue Gulliver, dont il devenait également l’attaché de presse. J’ai dit qu’il était la délicatesse même, j’aurais dû ajouter : d’une trop grande discrétion. Un jour, alors que nous préparions un numéro de la revue sur la France, il m’avait tendu une nouvelle en murmurant que si elle n’était pas bonne, je pouvais sans problème la jeter à la poubelle. Elle était superbe. J’appelle aussitôt Patrick Raynal : « Lis ça ! Si tu ne lui fais pas signer un contrat tout de suite pour la Série noire, je ne parle plus ! »

La nouvelle devait devenir le premier chapitre de Total Khéops, avec le succès que l’on sait… Et il m’avait fait l’amitié de me demander de rester son éditeur, dans une collection que j’avais alors chez Flammarion, pour tous les livres qui ne relevaient pas de la Série noire.

Le développement très rapide du festival m’avait contraint à interrompre la publication de Gulliver. Avec Jean Claude, après quelques années, nous avions imaginé de la reprendre, sous une autre forme, en format « Librio ». À une condition, de ma part : que nous la fassions réellement ensemble. Quelques numéros parurent, puis il disparut, sans explications. Et c’est le retrouvant quelques semaines plus tard que j’avais appris la maladie qui allait l’emporter. Dans le texte qui suit, il dit tout ce qu’il doit à Étonnants Voyageurs. Je tenais à dire, ici, tout ce que le festival lui doit…