L’arbre de Brahma

Nouvelle écrite par Kirsty GOLDSACK, en 5ème au collège Victor Hugo, Sourdeval (50)

L’arbre de Brahma

Pourtant, ce matin-là, pour une raison inconnue, elle ne trouva pas sa tortue. Elle chercha en bas, en haut, entre les livres, dans les livres et sous les étagères, mais rien ! Quand soudain, elle s’arrêta et se dirigea tranquillement vers le dernier rayon de la bibliothèque. Elle s’arrêta brusquement, la bouche grande ouverte. Les livres étaient écartés, cela ne pouvait signifier qu’une chose ! Sa tortue était en Inde, sur la petite place du marché de Shalingappa ! Mais, comme l’on sait, Anna était très attachée à Gabrielle, elle ne pouvait pas la laisser là toute seule en Inde sans jamais la revoir. Alors, sans dire un mot, elle quitta la bibliothèque et alla dans toutes les pièces de l’appartement de sa grand-mère, elle prit tout ce dont elle croyait avoir besoin pour voyager en Inde : un parapluie, un insecticide, de l’argent, une montre et un dictionnaire. Avec tout cela elle repartit à la bibliothèque et alla vers le dernier rayonnage. Avec appréhension, elle écarta les livres quand une brusque lumière surgit qui l’aveugla pendant quelques secondes.

Quand elle ouvrit les yeux, elle se retrouva en Inde. Elle se sentait très seule, sans sa tortue elle était perdue. Un étranger s’approcha d’Anna et commença à lui parler :

- Namaste ! Do you want some fruit ? It’s only 0,25 euros.

- Euh... Me, no speak english ! Je suis française.

Anna ajouta qu’elle n’avait pas le temps de lui parler, qu’il fallait qu’elle retrouve sa tortue. Elle ne pensa même pas à utiliser le dictionnaire qu’elle avait trouvé chez sa grand-mère, cela aurait été trop fastidieux de chercher les mots pour se débarrasser de l’Indien !
L’homme vexé s’en alla.
Anna fit quelques pas et immédiatement se fit accostée par un autre jeune homme qui à son tour la salua d’un "Namaste !". Elle soupira :

- Oh super ! Vous ne comprenez donc pas ou quoi ? Je ne suis pas indienne, je parle très mal anglais et encore moins hindou ! Je suis perdue en Inde sans ma tortue et en plus JE N’AIME PAS L’AVENTURE ! J’en ai marre, j’ai envie de retourner à Paris !

Le garçon reprit la parole et lui fit comprendre qu’il parlait un peu français :

- Tu as l’air perdue, je voulais juste t’aider, j’ai bien vu que tu étais française, lui expliqua-t-il dans un français plein de fautes et dont Anna ne reconnaissait qu’un mot sur deux. Mais elle avait au moins compris qu’il ne lui voulait aucun mal et cherchait plutôt à l’avertir ! En effet, Anna depuis son arrivée en Inde était restée en plein soleil et commençait déjà à transpirer, c’était la mousson et l’air était lourd, chaud et humide en même temps. Elle n’avait même pas pris de chapeau !

- Tu veux m’aider ? Ah bon ! s’exclama Anna.

- Well, yes, I just want to help ! reprit le jeune homme, en anglais cette fois car il maîtrisait mieux cette langue.

Anna s’excusa de l’avoir mal reçu et de s’être montrée impolie, elle avait cru qu’il voulait absolument lui vendre des choses ou simplement lui demander de l’argent ou encore l’emmener visiter tel monument avec son rickshaw alors qu’elle n’était pas là pour faire du tourisme ! En fait, il voulait simplement lui faire comprendre qu’elle devait boire ! C’était élémentaire mais dans la précipitation elle n’avait pas pris de bouteille d’eau chez sa grand-mère. Gentiment le jeune homme lui offrit une bouteille d’eau minérale en vérifiant bien devant la jeune fille que le bouchon était scellé. Cela ne surprit pas Anna qui savait qu’il ne fallait pas boire l’eau du robinet car l’on risquait de tomber malade et elle avait lu dans un vieux Guide du Routard que possédait sa grand-mère que certains marchands ou restaurateurs n’hésitaient pas à donner aux étrangers de l’eau du robinet en la faisant passer pour de l’eau minérale.

Après avoir discuté un peu les deux jeunes gens s’aventurèrent dans le marché à la recherche de Gabrielle. Des heures passèrent mais toujours rien, ils n’avaient pas encore retrouvé la tortue d’Anna. Elle était désespérée, elle pensait qu’elle ne retrouverait jamais sa tortue quand soudain Alajar, le jeune homme, attira son attention sur un stand où il avait remarqué une petite tortue. Elle était à vendre !

- Monsieur ! Monsieur ! s’écria Anna, c’est ma tortue et elle n’est pas à vendre, elle n’a pas de prix !

Le marchand n’avait pas l’air de comprendre alors Alajar lui traduisit. Il lui expliqua qu’Anna avait perdu sa tortue depuis quelques heures et que celle qu’il avait sur son stand appartenait à Anna. Mais le marchand était un peu réticent, comment Anna pouvait-elle être sûre que c’était bien sa tortue ?! Alajar se retourna vers Anna, un peu gêné et lui expliqua la situation. Mais Anna ne se laissa pas démonter et sortit un petit bout d’endive, le plat préféré de Gabrielle, la feuille était un peu flétrie avec la chaleur mais elle savait que Gabrielle n’y résisterait pas. La tortue se tenait là, immobile sur le stand, comme prostrée, totalement désorientée par les odeurs trop fortes d’épices mais dès qu’elle entendit la voix d’Anna tout près de sa carapace, elle osa sortir sa tête prudemment. Elle restait sur le qui vive, prête à rentrer à nouveau sa tête mais quand elle vit Anna qui aussitôt lui caressa la tête et qu’elle renifla la feuille d’endive, c’était gagné ! Le marchand ne put que reconnaître qu’Anna avait réussi là où lui avait échoué ! Il avait bien tenté de la faire sortir de sa carapace mais n’avait visiblement pas su convaincre Gabrielle, il la céda donc de bon cœur à la jeune fille !

Anna fut bien heureuse de retrouver son amie. Maintenant le seul problème était de trouver une solution pour rentrer chez elle.

Le jeune garçon lui raconta alors une légende qui existait depuis très longtemps, les gens parlaient d’un arbre sacré dont Brahma était le protecteur. Ils disaient que l’arbre avait un pouvoir magique, le pouvoir de transporter les personnes où elles le désiraient. Anna supplia son nouvel ami de l’emmener voir cet arbre si particulier.

- S’il te plait, Alajar, emmène-moi près de l’arbre de Brahma, je ne peux pas rester là un jour de plus ! Tout me manque : ma grand-mère, mon lit, mes livres... Je t’en supplie ! Je n’en peux plus, j’ai trop chaud, je suis fatiguée.

Alajar accepta alors de conduire Anna et Gabrielle à l’arbre sacré.

- Mais à une condition, je t’oblige à goûter la cuisine indienne sinon je ne t’y emmène pas ! Pas question que tu quittes l’Inde avec des impressions aussi négatives ! Tu verras, la cuisine indienne est délicieuse.
Anna accepta car après tout cela ne pouvait pas lui faire de mal et en plus elle avait très faim après avoir marché toute la matinée en plein soleil dans la mousson et l’air lourd. Le jeune garçon lui fit goûter différents plats indiens en veillant bien à ne pas lui présenter de nourriture trop épicée. A sa surprise Anna aima ce qu’elle goûta, elle trouvait le naan au fromage délicieux et pour une fois elle apprécia de manger des légumes, au moins ils avaient du goût avec le mélange d’épices et de basilic.

Après avoir un peu mangé de tout les deux amies et Alajar se mirent en route mais une heure plus tard ils n’avaient toujours pas trouvé l’arbre de Brahma. Quand enfin ils virent un arbre, très imposant, perché tout en haut de la colline, ils s’approchèrent silencieusement, impressionnés. Cet arbre ne pouvait qu’être celui qu’ils cherchaient.
C’était un palétuvier immense, avec des racines aériennes qui s’enchevêtraient et un tronc démesuré ; Anna aurait au moins eu besoin d’une demi minute pour en faire le tour. Et les branches, elles se perdaient tout là haut dans le ciel, quand on se trouvait à ses pieds. Non seulement, il y avait des lianes partout, mais, en plus à cette saison, il était tout en fleurs (mais peut-être était-ce toujours la saison des fleurs dans ce pays tropical !). On se sentait ivre de leur parfum et même leur couleur ivoire avec un cœur orangé vous faisait tourner la tête. Rajouté à cela, des nuées d’oiseaux, mais aussi de singes qui se disputaient pour savoir qui ferait le plus grand tapage. Anna et Alajar avaient du mal à croire à un tel spectacle et il fallait qu’ils se regardent l’un et l’autre à plusieurs reprises pour penser qu’ils n’étaient pas en train de rêver.

Mais tout à coup, sans que rien ne laisse prévoir ce changement, il se fit un grand calme, les animaux étaient devenus silencieux et même attentifs, et une sorte de vent très doux se leva. On n’entendait plus à présent que les feuilles de l’arbre géant qui frissonnaient, un peu comme Anna et Alajar au fond d’eux-mêmes... Et peu à peu on put reconnaître un murmure qui disait : « Brahma, Brahma, Brahma ».

Alors Anna comprit que le moment était venu de déclarer les vœux qui étaient le motif de sa venue jusqu’ici :

  • S’il te plaît Brahma, le plus grand Dieu de tout l’univers, accorde-moi la chance de revenir de là où je viens, car même si l’Inde est un très beau pays, et même si j’aime déjà beaucoup Alajar, mon pays à moi me manque.

Alors, quelques instants plus tard, ils entendirent le vent s’amplifier, comme si Brahma avait entendu sa demande. Anna n’eut que le temps de dire au revoir à Alajar, elle le remercia pour son aide. Il allait lui manquer...

Elle murmura alors :

- Paris, Paris, Paris !

En disant ces mots Anna se retourna pour cacher les larmes qui coulaient de ses yeux. Elle serra Gabrielle le plus fort possible contre son cœur et pensa à tous les moments qu’elle avait passés en Inde avec Alajar.

Elle ferma les yeux, attendit quelques secondes puis les rouvrit, à sa surprise elle se trouvait toujours devant l’arbre de Brahma. C’est là qu’elle commença à réfléchir, peut-être qu’elle ne souhaitait pas retourner à Paris mais rester là, en Inde avec Alajar. Après avoir vécu dans ce pays pendant une journée elle voulut s’aventurer dans d’autres pays, goûter à des nourritures étrangères en compagnie de son nouvel ami, Alajar, avant de repartir à Paris.

Elle murmura alors :

- Afrique, Asie, Océanie !

L’Afrique, pour commencer, ce serait pas mal pour sa tortue ! Anna aurait-elle pris goût à l’aventure ?!