La mort aux échecs

Clément BIDEAUX, en 4ème au collège Jacques Prévost, Pesmes (70), classé 3ème ex-aequo de l’académie de Besançon

LA MORT AUX ECHECS

Louise poussa un grognement.
Elle avait retardé tant qu’elle avait pu le moment de se mettre au boulot, espérant jusqu’à la dernière minute qu’un miracle la sauverait mais là, le dernier jour, à onze heures du soir, soit neuf petites heures avant le cours fatidique, elle était coincée. D’autant plus coincée que madame Agay était connue pour la sévérité avec laquelle elle traitait les élèves qui ne rendaient pas leur travail dans les délais impartis.
Pour la dixième fois de la soirée et la centième depuis une semaine que madame Agay leur avait donné ce fichu devoir, elle lut le sujet :
« Baba Yaga est une figure centrale des légendes russes. Vous utiliserez le conte étudié en classe et les résultats de vos recherches personnelles pour rédiger un texte de quatre pages dans lequel Baba Yaga jouera un rôle essentiel. »
Le conte étudié en classe ? Louise en gardait un souvenir si vague qu’elle en était venue à se demander si elle n’était pas absente le jour où la prof l’avait présenté. Vos recherches personnelles ? Il ne fallait quand même pas rigoler !
Bon d’accord, elle n’avait rien fichu, rien écouté, rien préparé et, demain, elle allait se faire trépaner par madame Agay. Et tout ça à cause de cette…
« Maudite Baba Yaga ! » cracha-t-elle.
Comme un écho à son juron, un claquement sec retentit dans le couloir, suivi du bruit d’un corps lourd se traînant vers sa chambre.
Louise se figea. Si elle avait réveillé ses parents, que l’un d’eux entrait et la surprenait en train de … de ne pas travailler au lieu de dormir, madame Agay n’aurait plus rien à massacrer demain.
Elle se précipitait vers son lit lorsque la porte de sa chambre grinça puis finit par s’ouvrir. Quelqu’un était là. Louise distingua une silhouette. La chose avait de longs cheveux, une longue et affreuse jupe déchirée qui cachait une seule et unique jambe constituée uniquement d’os. Elle avait une sorte de balai dans sa main gauche. Elle était là, c’était elle qui se tenait devant la porte de sa chambre, Baba Yaga était là ! Louise terrifiée se cacha sous sa couette. La sorcière l’appela :
« Louise, dit-elle d’une voit sifflante tel un serpent à sonnette, Louise je sais que tu es là ! »
Elle souleva la couette et y trouva la petite Louise évanouie de peur. Baba Yaga lui toucha le front et d’un seul coup, des éclairs fusèrent a travers la chambre. Puis un tourbillon attira Louise et la sorcière dans un lieu bizarre.
« Regarde Louise, tout ce qui est derrière cette barrière est sur ma propriété. Viens avec moi dans ma demeure, je vais te préparer un bon bouillon, lui proposa Baba Yaga gentiment. »
La barrière était en fait constituée d’ossements humains, et la porte fermée par un crâne en guise de cadenas. Sa maison était toute aussi bizarre que la barrière, car elle était perchée sur des pattes de poulets géantes qui bougent en fonctions de la position du soleil, de manière à se que la cuisine soit toujours exposée au soleil. Louise se dirigea vers la maison, dès qu’elle arriva devant la porte, elle s’ouvrit toute seule, et, à sa grande surprise, elle découvrit un intérieur coquet avec un sol brillant au point que l’on pouvait se voir dedans comme dans un miroir. Il y avait des fleurs partout, des orchidées, des jacinthes, des marguerites… toutes posées et soigneusement entretenues dans de magnifiques vases en porcelaine. La nappe en soie était toute aussi splendide que le reste, et une odeur raffinée s’échappait de la cuisine.
« A table, cria Baba Yaga, à table Louise, le diner est prêt ! »
Louise fit attention en mangeant à l’éventuel risque de se faire empoisonner, mais cela n’a servit à rien car la nourriture était tout à fait normale. D’autant plus normale que Louise s’en régala au point de s’en lécher les doigts. Après le repas, louise s’ennuyait à mourir. Alors elle demanda à madame Baba si elle avait un moyen pour se distraire. Elle lui répondit qu’elle aimait faire des parties d’échecs mais qu’elle n’en avait pas souvent l’opportunité.
« Veux tu faire une partie avec moi, selon mes règles ? » proposa Baba
« Volontiers. » répondit la petite Louise rapidement.
Mais une question se posait Louise, selon « ses règles ». Quelles sont « ses règles » ? Louise finit par lui poser la question et Baba Yaga répondit avec un terrifiant sourire que si Baba gagnait, elle finirait au fond de sa marmite et que ses os décoreraient son portail. Mais que si Louise gagnait, elle aurait le droit de choisir une seule potion dans sa collection. La partie commença très mal pour Louise qui venait déjà de perdre ses pions, un cavalier, une tour et un fou. Mais Louise remonta la pente jusqu’à …
« Echec et mat ! » hurla Louise folle de joie.
Baba Yaga, déçue, emmena le vainqueur du match dans la salle des potions et Louise en choisit une. C’était un petit flacon rose avec une anse en cristal sur le coté.
« C’est ma préférée, disait Baba, il exauce la chose à laquelle tu penses en versant une seule goutte sur le sol. Et comme je ne veux pas m’en séparer… »
Elle sortit un couteau de sa poche pour tuer Louise, mais au même moment une voix retentit très fort :
« Debout Louise, tu vas être en retard à l’école ! »
« Oui maman, j’arrive » répondit Louise à peine réveillée.
Louise se leva, et trouva sur son bureau un petit flacon rose avec une anse en cristal. Elle prit le petit flacon, et malgré elle une goutte tomba sur le sol. Là, une rédaction sur Baba Yaga apparut.