Après Haïti... Où êtes vous ?

"La parole vagabonde dans les rues de Port-au-Prince" - Un poème de Rouda

© G. Le Ny

"Etonnants voyageurs… où êtes-vous ?" avait lancé Dany Laferrière à la fin du festival de Port-au-Prince en 2007 : "Pour avoir des nouvelles des uns et des autres éparpillés sur la planète, il suffirait de répondre à une simple question : Où êtes-vous ? On peut répondre en une phrase ou une page. On sait depuis un moment que « Où êtes-vous ? » n’est jamais trop loin de cette question plus intime : « Où en êtes-vous ? » C’est à vous de savoir. Tout cela reste assez vague pour donner la pleine liberté à tout le monde." À l’issue de la superbe édition 2012 d’Étonnants Voyageurs à Port-au-Prince, nous avons relancé l’appel : plusieurs écrivains nous donnent aujourd’hui de leurs nouvelles et reviennent sur leur expérience haïtienne.

Un poème de Rouda

J’ai ramené dans un sac un tas d’images en forme de graffiti
Je les ai brandies contre mon spleen dans les couloirs d’Orly
Je les ai posées sur les clichés d’une cité engloutie
Je les ai laissées hors du tiroir et j’ai écris pour Haïti

On nous a dit qu’il faisait nuit sur la perle des Antilles
La république noire où les esclaves sont devenus libres
Mais la lumière est dans les cœurs quand les espoirs sont minces
La parole vagabonde dans les rues de Port au Prince

Au quartier « Bas peu de choses » au café « Dix Traction »
Les bandes à pieds tapent le rythme des conversations
Il paraît que la misère est moins pénible sous le soleil
Mais ceux que j’ai vus n’ont jamais cru que ses rayons faisaient des merveilles

Si la terre tremble c’est sous les danses du carnaval
Et on évite les balles perdues dans les poèmes de Gérard de Nerval
Lorsque les gens récitent du Césaire du Brassens
Les poètes sont vivants dans les rues de Port au Prince

Entre les tentes de l’Onu derrière les gravas les décharges
A l’horizon on voit tanguer un océan fait de courage
On peut y lire au creux des vagues dans l’écume bouillonnante
Qu’on fait du bruit pour être en vie et pas seulement contre le silence

Deux ans déjà et l’impression qu’on oublie rien dans les regards
Sur la reconstruction il semble qu’on ne soit pas trop bavards
La bière et les salives s’échappent dans les larynx
Les Hommes se tiennent debout dans les rues de Port au Prince”