La promesse de la Vx2

Ecrit par Antoine Trellu (3ème, Collège Parc de Villeroy), sujet 1. Publié en l’état.

To be or not to be ? Cette fois, la bonne formule serait plutôt : Sois une autre. Et fais face. Une seconde plus tard une vive lumière l’éblouit. Alicia se trouva soudain plongée au cœur d’une forêt primaire, une forêt de très grands arbres où s’entremêlaient des fougères géantes qui la rendait bien sombre. Les nombreux capteurs dont était recouverte sa combinaison avaient servi à la transporter au cœur de ce monde sauvage. Elle avait voyagé à la vitesse de la lumière, à travers les différents procèdes que les humains avaient mis au point ; on appelait cela la téléportation. Cette technique toute nouvelle était très utilisée par le cinéma afin d’imaginer, de créer et de projeter des acteurs dans un univers virtuel. Etonnement, un tee-shirt et un short avaient fait place à sa combinaison. Cela lui allait plutôt bien, elle qui était fine, grande avec ses cheveux bruns qui lui couvraient les épaules. Malgré les obstacles, sa démarche restait souple et élégante.

Elle en oublia les caméras, trop occupée à enjamber les troncs d’arbres et à se frayer un chemin à travers cette forêt épaisse. Elle se trouva face à un énorme varan, un animal de plus de cinq mètres de long, le genre d’animal que l’on préfère regarder assis devant son écran de télévision mais sûrement pas en étant à l’intérieur de celui-ci. Le varan se faisait très menaçant, agitant sa longue langue qui fouettait l’air dans un sifflement strident. Alicia dut son salut à la présence d’un séquoia dont le tronc creux et percé de chaque côté lui permit de piéger le varan qui la suivait et qui resta coincé au niveau de son abdomen.
Ce casting commençait bien mal, le producteur avait-il choisi volontairement cette rencontre avec cet animal ou s’agissait-il d’une erreur dans la synchronisation des évènements ? Alicia se demandait bien ce qu’elle devait faire lorsque, soudain, elle aperçut la carcasse d’un vaisseau à moitié enfoui sous des lianes, il s’agissait sans doute du vaisseau de l’équipage qu’elle recherchait, celui-là même qui une fois arrivé sur Edena 2 avait disparu. Arrivant au niveau du vaisseau, elle put apercevoir, à travers un hublot, la silhouette de plusieurs hommes qui semblaient inertes. Prenant son courage à deux mains, elle tenta en vain d’ouvrir la porte de la capsule. Puis elle décida de faire levier avec un bâton qu’elle trouva à quelques pas. Quand elle put enfin ouvrir le vaisseau, elle découvrit trois hommes bâillonnés et solidement attachés avec des cordes. Alicia les délivra.

« Merci, vous tombez à pic, sans vous on était foutus, réussit à articuler l’un des hommes.

- Nous faisons partie de la mission Edena chargée de faire une étude avant la colonisation de cette planète, ajouta un autre.

- Oui, je sais qui vous êtes. Je m’appelle Alicia et je suis l’enquêtrice galactique chargée de vous retrouver, improvisa-t-elle en se rappelant le scénario de Lucas Meron. Comment vous appelez-vous et que vous est-il donc arrivé ?

- Je m’appelle Vincent et voici Alexandre et Jérôme. Nous sommes trois astronautes chargés de trouver de nouvelles ressources médicinales dans l’univers. Notre voyage depuis la Terre s’est bien passé mais une fois arrivé ici, le capitaine Allen nous a ligotés et est parti seul, répondit le troisième homme.

- Des ressources médicinales ! s’étonna Alicia.

- Il y a cinq ans, répliqua Alexandre, une première expédition sur Edena a permis de rapporter sur la Terre des échantillons d’une plante que nous avons nommé Vx2. Nos laboratoires se sont empressés de l’analyser et ils ont découvert des vertus surprenantes. Ses extraits permettent de doubler l’espérance de vie de tous les êtres vivants.

- Waouh, incroyable, s’écria Alicia, vous venez pour comprendre comment pousse cette plante et pour pouvoir ainsi en cultiver sur terre.

- Non, révéla Jérôme, nous venons pour évaluer la quantité disponible, normalement il y en a assez ici pour subvenir aux besoins de la Terre. D’autres vaisseaux équipés de bulldozers attendent notre feu vert pour débarquer à leur tour pour tout couper.

- Mais ce n’est dommage pas de tout couper ? s’interrogea Alicia.

- Non, rétorqua Alexandre, de toute façon cette planète n’est peuplée que d’animaux ou d’êtres étranges avec une intelligence limitée. Venez avec nous, nous allons l’explorer. »

Ils ramassèrent tout ce qui pouvait leur être utile pour se défendre seuls dans cet univers hostile, puis ils partirent tous les quatre à l’aventure pour retrouver Allen et comprendre enfin pourquoi ce changement si brusque d’attitude. Alors qu’ils avançaient dans les fougères géantes, une pluie diluvienne s’abattit soudainement sur eux alors que le ciel était rouge, comme c’est toujours le cas sur la planète Edena 2 lorsque l’étoile Erakis est à son zénith. Toujours aucune trace d’Allen, l’équipage continuait son exploration quand tout à coup le sol se déroba sous leurs pieds et ils se trouvèrent entraînés dans un torrent de boue qui les conduisit dans une rivière au milieu de rapides. Par chance, un arbre s’abattit subitement au travers de la rivière, leur permettant de sortir vivants mais épuisés de cette épreuve.

Après avoir repris des forces sur la berge, ils repartirent et découvrirent, cachée sous des lianes, l’entrée d’une grotte.

« Regardez, il y a une grotte ! Nous pourrions nous y installer, s’écria Vincent.

- Bonne idée, dit Alicia, je suis épuisée ! »

Avançant doucement dans la grotte d’un pas craintif, ils s’aperçurent que la paroi interne de celle-ci était lisse et transparente comme du cristal. Cette paroi était si pure, qu’ils n’avaient pas besoin de lampe pour se diriger. Ils étaient éblouis par tant de beauté, leur seule envie était d’en rapporter des morceaux sur Terre. Tout d’un coup, contre toute attente, ils se trouvèrent nez à nez avec Allen qui venait du fond de la grotte.

« Toi ? Que fais-tu là ? interpela Jérôme.

- Ah ! J’ai compris ! Tu savais qu’il y avait des pierres ici et tu nous as trahis pour tout garder pour toi, s’indigna Vincent.

- Euh… Non, enfin oui, je suis désolé, s’excusa Allen, je ne voulais pas vous faire de tort.

- N’en parlant plus, conclut Alexandre, encore heureux qu’Alicia soit venue à notre secours.

- Vous ne m’avez pas présenté… insista le capitaine.

- Capitaine Allen, répondit Alexandre, je vous présente Alicia qui est l’enquêtrice galactique qui a été chargée de nous retrouver.

- Enchanté, cette mission manquait de présence féminine et vous êtes charmante, insista Allen.

- Bon, allez, maintenant il faut penser à ce que nous sommes venus faire ici. Retournons au vaisseau, ordonna Vincent, pour informer la Terre de nos recherches et donner notre feu vert pour la déforestation.

- Vous ne croyez pas que cela soit trop excessif ? Vous allez détruire cette planète ! objecta Alicia.

- Pas de sensiblerie, rétorqua Allen. »

Durant les jours qui suivirent, Allen continua à faire visiter la planète à Alicia. Elle était troublée par cet homme au physique presque parfait, il était grand, musclé avec un tempérament constant plein de gentillesse et de prévenance. Etait-elle toujours dans un film ou la réalité avait-elle rattrapée la fiction ? Qu’avait bien pu prévoir ensuite le producteur dans le scénario ? Alicia sentait bien qu’une réelle complicité commençait à s’installer entre elle et Allen. Les trois autres membres, eux, toujours fidèles au scénario, faisaient des prélèvements de plantes. Puis, un matin, des vaisseaux chargés de machineries en tout genre débarquèrent et commencèrent à tout ravager. Sous les ordres de Jérôme les plantes furent chargées dans les vaisseaux. Le paysage n’était plus que ruines, bosselé par les engins. Edena 2 ressemblait maintenant à la Lune, avec des trous aussi grands que des cratères. Alicia s’adressant à Jérôme lui reprocha d’avoir détruit une si belle forêt primitive :

« Vous n’avez pas honte, de tout ce désastre ?
- De toute façon, la mission Vx2 est terminée et nous rentrons sur Terre, se justifia Jérôme.
- Moi, je reste ici, avoua le capitaine, je voudrais faire d’autres expériences sur cette planète. Vous n’avez qu’à rentrer, je reviendrai plus tard. Voulez-vous rester avec moi Alicia ?
- Oui, avec plaisir, dit-elle, je serai ravie de poursuivre les recherches avec vous. »

L’ensemble des envahisseurs disparurent d’Edena 2 avec leur cargaison pleine de promesses. Les nuits étant froides, surtout depuis que l’on ne pouvait plus se réfugier sous les arbres, Allen décida d’emmener Alicia dans la grotte où ils s’étaient rencontrés. Au fond de la grotte elle découvrit, alors qu’Allen était partie chercher du bois pour faire du feu, un poste de contrôle avec des centaines de boutons. Dès son retour elle ne manqua pas de le questionner :

« Sais- tu d’où viennent ces ordinateurs et à quoi servent- ils ?
- C’est moi, qui les ai installés pour communiquer avec le reste du monde. Ainsi, je peux analyser mes expériences sur le projet Vx2 et envoyer les résultats sur la Terre, affirma-t-il. »

De retour sur la Terre, les laboratoires pharmaceutiques s’empressèrent d’extraire les molécules actives des Vx2. La production était à son maximum apportant un profil énorme aux actionnaires. Ce médicament allait être distribué sur toute la Terre dans quelques semaines.

Pendant ce temps, sur Edena 2, Alicia et Allen menaient une vie tranquille et se débrouillaient pour survivre avec les provisions d’Allen. Un matin sur l’un des ordinateurs un message apparut du service de communication intergalactique : « Suite à une intoxication, la race des Terriens vient de s’éteindre. » Alicia regarda l’écran de l’ordinateur, effarée, ne comprenant pas comment une telle catastrophe avait pu se produire en si peu de temps. C’est alors qu’Allen lui raconta toute la vérité :

« Je ne suis pas un Terrien, mais un Alien, je viens de la planète Edena 1. Il y a cinq ans, une expédition est venue sur notre planète pour prélever des échantillons de toute notre faune et de notre flore. J’ai accompagné le retour de la mission sur la Terre et j’ai pu voir tout le mal qui a été fait par les Terriens à votre planète comme notamment l’extinction de nombreuses espèces animales, la pollution et la destruction des ressources naturelles. J’ai alors compris que nous étions en danger sur notre planète car nous possédons des plantes qui ont des pouvoirs très recherchés. C’est pourquoi j’ai fabriqué une planète similaire à Edena 1 mais avec des plantes toxiques qui paraissaient pourtant identiques.

- Et ton ordinateur, c’était donc ça, s’exclama-t-elle, un poste de contrôle pour diriger Edena 2 ? Le varan, la pluie et le torrent de boue, c’était toi ?

- Oui, tu as compris, mais quand je t’ai vue, je n’ai pas pu terminer mon plan, lui avoua-t-il.

- Donc l’arbre sur la rivière, c’était toi ? demanda-t-elle.

- Oui je ne voulais pas te perdre, déclara-t-il en la prenant dans ses bras.

- Et moi maintenant, j’ai perdu toute ma famille, que vais-je devenir ? murmura-t-elle.

- Veux-tu venir avec moi sur Edena 1 ?

- Je ne peux pas, je suis une actrice et je dois quitter ton histoire pour revenir sur Terre, révéla-t-elle.

- J’ai la possibilité de te faire sortir de ton rôle, lui proposa-t-il, il n’y a pas que les Terriens qui soient évolués, nous le sommes bien plus.

- D’accord, je n’ai de toute façon pas vraiment le choix, accepta-t-elle. »

Depuis ce jour, Alicia mène une vie très heureuse sur Edena 1 avec Allen, où elle a créé la première société de voyages virtuels qu’elle nomma « Edena Dream ». Les Edeniens peuvent ainsi voyager où ils veulent sans avoir à se déplacer en utilisant les méthodes de la téléportation qu’Allen a développé lors de la création de la planète jumelle.