La voix de la Mangrove

(Sophie Bontemps, 1999, 32’)

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Nous sommes au Brésil, sur l’île de Marajo. Située sous l’équateur exactement, c’est la plus grande île maritime fluviale du monde : 50 000 kilomètres carrés de terres recouvertes de forêts, de mangroves et de marais. Marajo est née dans les eaux métissées de l’Atlantique et des grands fleuves Amazone et Para. Les hommes qui connaissent le mieux la mangrove sont ceux qui en vivent. Chaque jour, à l’heure de la marée descendante, André, Francesco, Manuel et des dizaines d’autres partent dans la forêt, parcourent des kilomètres dans la vase salée, se glissent sous les racines des grands arbres et viennent se coucher dans la boue. De cette terre qui les a vu naître, ils arrachent les fruits : les crabes de vase qui viennent se nourrir et se reproduire dans la mangrove .C’est un travail difficile, éprouvant et dangereux. Il faut enfoncer profondément son bras dans la vase, en tâtonnant repérer le crabe et le sortir sans se faire pincer. Rester couché dans la boue et l’humidité, éviter de se faire mordre par les serpents cachés dans les racines. C’est un travail qui ne rapporte presque rien. En effet, un crabe se vend un peu moins de 20 centimes sur le grand marché du port de Belem. Un pêcheur en sort à peu près 200 de la mangrove en trois jours de travail."Les gens nous traitent de porcs...Parce que nous sommes tout le temps dans la boue...Ils disent qu’on pue..." répète André depuis la mangrove brésilienne, là-bas, tout au nord-ouest de cet immense pays. Là ou l’océan et les fleuves se disputent la lisière de la grande forêt, là où se vivent des histoires simples, de presque rien, comme les romans de milliers de vie passées à fouiller la vase.