Le loup d’or

Écrit par SATO Kanoa (4ème, Institut Fenelon de Grasse)

Le Loup d’Or

Elle esquissa un pas à reculons, puis fit une brusque volte-face et s’éloigna en s’efforçant de ne pas courir.

L’homme la regardait toujours. Ses yeux brûlaient d’une flamme ardente. Lola savait que si elle se retournait elle serait figée sur place par le regard de cet homme, mais elle ne put y résister. Il avait de longs cheveux, tombant en mèches épaisses et humides. Il se tenait à la fenêtre, sans que Lola ne sut comment. Elle remarqua une chaîne d’or ornant le cou, qui devait soutenir un pendentif, ou quelque talisman. Lola toucha légèrement celui qu’elle portait au poignet. Un médaillon d’or qui avait appartenu à son père disparu, seule trace de lui. Il représentait une majestueuse tête de loup. Cet homme l’effrayait mais l’intriguait à la fois. Comment un homme pouvait-il se tenir sur le rebord d’une fenêtre au cinquième étage ? Ne pas réfléchir, fuir. Elle emprunta rapidement l’issue de secours, monta les échelons jusqu’au toit. Elle examina les alentours, sentant une présence. Plusieurs formes accroupies lui barraient le passage. Ils avaient ce même air sauvage que Lola avait vu dans les yeux de l’homme. Ils étaient tous vêtus de manteaux de fourrures blancs, noirs, mais surtout gris. Elle ne parvenait pas à distinguer leurs traits clairement dû à la pluie qui tombait en gouttes drues et glacées. Mais elle crut apercevoir dans les mains de ces sept singulières personnes des lames longues et effilées. Une ombre jaillit atterrissant en face de Lola, à quelques mètres seulement. L’ombre tendit sa main et Lola vit l’éclat de deux lames brillant entre les gouttes de pluie. La forme releva la tête et Lola reconnut le visage de l’homme qui l’observait à travers la fenêtre. Toutes ces silhouettes se tenaient immobiles, telles des statues de pierre. Pas un ne bougeait. L’atmosphère était pesante et lourde. Lola avait peur. Très peur. Elle aurait voulu s’envoler loin. Loin de ces personnes qui la traquaient. Mais pourquoi ? Tout ce qu’elle savait c’est qu’elle était en péril. Elle voulait s’enfuir mais résista. Elle fixa un à un ces êtres étranges, jaugeant ses chances de survies. Elle savait qu’elle n’avait aucune chance, mais montrer sa peur c’était déclarer forfait, se soumettre à une destinée. Non, elle ne montrerait pas sa peur et ne s’avouerait pas vaincue. Elle se retourna brusquement et sauta dans le vide. De justesse, ses doigts agrippèrent le rebord du bâtiment voisin. Elle se hissa aussi rapidement que ses mains mouillées et glissantes le lui permettaient. Elle se mit à courir sans se retourner. Fuir, disparaître. Elle mit la main dans la poche de son veston, sentit le morceau de journal, ainsi que les ciseaux, ce qui la rassura. En quelques minutes, elle avait traversé six toits en dérivant un peu vers la droite, où elle savait qu’elle trouverait refuge ; la route de la forêt qui menait ensuite aux montagnes. Elle se tourna. Personne. La voie était libre. Elle s’engouffra dans le dernier immeuble et descendit les escaliers à toute vitesse. Elle ouvrit la porte, ne prit même pas le temps de souffler et continua sa course effrénée en accélérant l’allure. Du haut du gratte-ciel d’en face, deux yeux scrutaient l’allée où Lola venait de disparaître. Un hurlement s’éleva au-dessus de la ville.

Lola s’approcha de la ruine qui lui servait de refuge. Le jour se levait sur la forêt. Des gouttes d’eau dégoulinaient des feuilles de frênes et glissaient sur les aiguilles de pin. Lola regardait la nature encore humide après deux jours de pluie. Cela faisait aussi deux jours qu’elle avait fui son appartement. Elle avait échappé de justesse à ses poursuivants, et avait rejoint les bois qui bordaient la cité. Depuis hier, elle se cachait dans cette ruine. Elle s’approcha du petit foyer allumé dans un recoin, saisit un morceau de viande grillée, un lapin que Lola avait chassé. Elle dévora avidement et bu un peu d’eau de pluie. Un bruit derrière elle. Elle se retourna et brandit une des lames des ciseaux. Ce n’était plus des ciseaux, mais un couteau de chasse. Mais en brandissant son couteau elle fit tomber sans s’en rendre compte le précieux morceau de journal. Une ombre se dessina dans l’embrasure de la porte. C’était lui. Lola retint une exclamation de surprise et d’effroi. Elle fronça les sourcils et plaça son arme devant elle vivement. Peur et incompréhension l’envahirent. Pourquoi la traquait-il ? Que voulait-il ? Qui était-il ? Lui, le visage impassible, l’observait. Ce regard la paralysait. Elle se sentit devenir une statue de marbre.
« Non ! hurla-t-elle, » et elle se précipita sur lui, lame en avant. Il esquissa aisément son attaque et disparut. Lola tomba à genoux, haletante. Il l’avait évité comme si elle n’était qu’un misérable insecte, qu’une proie avec laquelle il jouait. La lame tomba au sol et Lola sut qu’elle n’aurait jamais dû la lâcher. Une main jaillit et saisi la moitié de ciseaux. L’homme se tenait debout devant elle, le couteau dans une main, le journal dans l’autre. Lola recula. L’homme s’avança. Elle aperçut derrière lui sept silhouettes. Puis il leva une main meurtrière, et le couteau vola. Il se ficha dans un arbre, derrière la ruine. Que faisait-il ? Ne voulait-il pas la tuer ?
« Bonjour, Lola, dit-il d’une voix grave

  • Qui êtes-vous, répondit Lola
  • Je suis ton père, répliqua-t-il en lui montrant son pendentif » Lola reconnut alors le symbole du loup d’or.
    « J’ai dû te laisser, c’était trop dangereux. Maintenant, je peux te le dire ; nous ne sommes pas des humains normaux. Ceux de la meute non plus, annonça-t-il en désignant les sept hommes et femmes qui les entouraient.
  • La meute ?
  • Oui, ta meute. Tu es la Louve d’or. C’est le nom que tu as reçu à la naissance, ton Loup Sommeil, mais commence à s’éveiller en toi. Tu es la louve alpha
  • Comment se fait-il que je ne l’ai jamais su ? Et pourquoi m’avoir traquée ?
  • Tu l’as toujours su au fond de toi. La meute cherche un nouveau chef. C’est pour cela que nous sommes revenus te chercher.
  • Mais pourquoi ne t’es-tu jamais montré pendant toutes ces années ?
  • Trop dangereux tant que le Loup en toi dormait, il te fallait du temps. Mais je crois que tu es prête. Ma Lola. »
    Lola tomba en larmes dans les bras de son père. Elle avait tant de questions à poser, mais cela attendrait. Un morceau de journal flotta au sol. Deux lignes y étaient encore lisibles.
    ‘Le loup est solidaire. Il est noble, sage, et protège sa meute. Peut-être qu’un loup dort en vous !’