Le monstre

Écrit par LEVACHER Guillaume (1ère, Lycée Jean-Baptiste Le Taillandier de Fougères)

Elle esquissa un pas à reculons, puis fit une brusque volte-face et s’éloigna en s’efforçant de ne pas courir.

L’horreur la poussa vers sa chambre où elle s’enferma à double tour. Celle-ci la maintenait relativement à l’abri de ce monstre sale et hideux. Que lui voulait-il au fait ? Que faisait-il là ? Telles étaient les innombrables questions qui la tourmentaient. Cependant elle savait qu’elle était en sécurité car l’homme ne pouvait pénétrer dans la pièce.
C’est à ce moment-là que la poignée de la porte de la chambre s’abaissa lentement dans un crissement à glacer le sang et Lola entendit le cri grave et rauque de cet homme abominable. Son cœur se mit à battre de plus belle, la sueur enveloppa son visage puis son corps tout entier, tel un voile. Tétanisés, ses muscles ne parvinrent pas à obéir aux milliers d’ordres contradictoires donnés pas son cerveau. Pourtant, il lui semblait que la maison était fermée à clé, comment était-il entré ? Elle n’en avait pas la moindre idée.
Lola ne savait pas quoi faire. Elle n’avait pas le droit de quitter sa maison et de toute façon, cela lui était désormais quasiment impossible : l’homme l’empêchait de sortir par le couloir et sa fenêtre ne pouvait pas être ouverte. Elle aurait voulu pouvoir appeler quelqu’un qu’elle connaissait mais malheureusement, ici, elle n’avait pas de téléphone. Néanmoins, il fallait absolument qu’elle parte de cet endroit clos et exigu qui n’avait pourtant aucune sortie visible. Elle examina longtemps sa chambre sans y trouver le moindre secours qui aurait pu l’aider dans son évasion. La seule idée qui lui vint alors était de se faufiler par la porte quand l’homme voudrait entrer. Cela pouvait se tenter. De toute façon, ceci constituait son unique chance d’échapper aux griffes de la bête immonde. Cependant, Lola savait pertinemment qu’il allait falloir faire vite quand l’homme entrerait.
Cinq minutes passèrent avant que le monstre ne retente sa chance. Mais Lola n’avait pas prévu le fait que l’homme possède la clé et la tourne dans la serrure avant elle. Celui-ci avait réussi à entrer dans sa maison fermée à clé et maintenant, il s’introduisait dans sa chambre. Qui était-il pour se permettre ce genre de chose ? Et que voulait-il ? La clé fit un tour… puis deux… La porte s’ouvrit alors à la volée et l’inconnu aux cheveux boueux s’engouffra dans la pièce. Lola parvint tout juste à se glisser par le mince interstice de la porte juste avant que celle-ci ne se referme. Elle dévala les escaliers et atteignit la porte d’entrée avant de sortir précipitamment de chez elle.
Dehors tout était différent comme si rien ne s’était jamais passé, comme si une nouvelle vie s’annonçait pour elle. La pluie avait cessé de tomber et le soleil se reflétait dans les innombrables flaques d’eau du trottoir, illuminant ainsi la rue entière. Lola huma quelques instants l’air humide au parfum de liberté. Comme cela sentait bon ! C’est l’esprit léger que Lola s’enfonça dans les recoins de la ville. Après quelques heures de marche, Lola se sentit suffisamment en sécurité et suffisamment éloignée de sa maison pour s’arrêter et s’asseoir sur le banc d’un parc. Devant elle, un étang s’étendait et des canards barbotaient à sa surface. Seul le clapotis des vagues venait troubler le silence. Les arbres faisaient tomber leur parure rousse qui volait très légèrement dans les airs avant de se poser en douceur sur le sol ou sur l’étang. Tout cela était d’une beauté merveilleuse avec le soleil qui brillait dans le ciel et qui donnait un aspect divin à toute chose mouillée par la pluie. Détendue par cette atmosphère paisible, Lola ne pensa plus à l’homme, au monstre, à cette brute avec une tête d’ogre, des yeux de loup et un sourire machiavélique, qui s’était introduit chez elle.
Les sirènes hurlantes d’une ambulance la tirèrent de ses rêveries. Lola se leva et sortit du parc. Elle marcha quelques mètres le long d’un boulevard. Soudain, une main de géant se plaqua sur sa bouche et une autre sur son ventre. C’était lui ! Le monstre l’avait retrouvée ! Lola se débattit mais l’ogre avait une force surhumaine. Trois autres colosses surgirent et aidèrent la brute à mettre Lola dans la voiture. On l’attacha solidement et elle sentit qu’on la piquait avec une seringue. Mais elle n’eut pas le temps de s’en assurer car déjà ses paupières se fermaient.
Quand Lola se réveilla, elle était de retour dans sa chambre, comme d’habitude vide. Lola tourna la tête et vit que l’homme était encore là. Pourquoi l’avait-il ramenée chez elle ? C’était étrange ! Lola constata que l’homme portait un collier noir autour du coup et un pardessus blanc. Que lui voulait-il ? Qui était-il ? Lola ne le connaissait pas. Elle paniqua, il fallait qu’elle trouve un moyen de s’échapper. Il y avait forcément une issue possible. Soudain l’idée de la mort vint à son esprit. Oui ! C’était cela l’issue ! La mort ! Rassemblant tout son courage Lola s’élança vers un mur et ferma les yeux avant de le heurter. Malheureusement, le choc fut amorti et son cœur battait encore.
L’ogre se leva alors et obligea Lola à se lever avec l’aide de deux complices. Il l’allongea sur son lit et l’y attacha. Oh non, quel monstre horrible ! Qu’allait-il lui faire cette fois ci ? Elle songea à l’humiliation qui l’attendait. Pourtant elle était si jeune, si belle aussi. Mais peut-être le destin avait-il gâché sa vie dès le départ. L’homme s’approcha doucement, prit son collier et le posa sur sa poitrine.

Il était dix-huit heures et le docteur Richard finissait sa journée, exténué. « Alors, pas trop difficile cette première journée ? lui demanda un de ses nouveaux collègues.
–Ne m’en parles pas c’était épouvantable ! J’ai passé ma journée à courir après une jeune fille qui s’est échappée de l’hôpital, lui répondit le docteur en psychiatrie.
–C’est vrai que c’est un cas très difficile, acquiesça son collègue, mais ne t’inquiètes pas tu t‘y habitueras. On aurait dû te prévenir qu’elle réagissait comme cela dès qu’elle voyait une personne inconnue. N’est-ce pas malheureux, une si belle jeune fille. Mais il n’y a aucune chance d’amélioration : elle considère sa chambre comme une maison et elle fonce dans les murs dès qu’elle se rend compte que quelqu’un y est et qu’elle ne peut y échapper. Pauvre enfant !

  • Oh oui, quel dommage ! Mais désolé je dois filer j’ai un rendez-vous ce soir et je ne voudrais pas arriver en retard. A demain ! conclut-il. Et le docteur fila vers sa voiture en espérant que ce soir là, il trouverait l’âme sœur.
    Au même moment, Lola était allongée dans son lit et dormait paisiblement. En la voyant ainsi, personne n’aurait pu songer que la folie avait pris possession d’elle, et que, sous ses traits de déesse se cachait un véritable monstre.