Edinburgh World Writers’ Conference - Brazzaville

Léonora Miano : "Toute littérature est politique."

En février dernier, l’Édinburgh World Writers’ Conference faisait étape à Brazzaville dans le cadre d’Étonnants Voyageurs. L’occasion de véritables États-Généraux des littératures africaines, au cours desquels l’écrivain Léonora Miano était invitée à ouvrir le débat autour de la question : « La littérature doit-elle d’être politique ? ».


« La littérature se doit-elle d’être politique ? Vous avez déjà entendu cette question. Parfois, on la formule autrement : l’écrivain doit-il être engagé ? Confrontée à cette interrogation, je réponds que le premier engagement consiste à avoir embrassé l’écriture comme mode de vie, comme moyen d’entrer en relation avec les autres. Il ne me semble pas devoir aller plus loin. Je consacre l’essentiel de mon temps à cette activité et n’occupe aucun emploi salarié.

Cette réponse laisse mes interlocuteurs sur leur faim. C’est au propos de la littérature que l’on se réfère pour déceler, dans les textes, une matière permettant de les classer. Les catégories littéraires que sont la poésie, le théâtre ou la fiction narrative, produiraient principalement deux types d’objets : les textes dits intimistes – ceci devant s’entendre dans une acception élargie, et les textes dits politiques. Les premiers s’occuperaient de la vie émotionnelle des êtres, les seconds s’attacheraient davantage à l’examen des questions de société. C’est, bien entendu, une vision schématique de la question. Les sujets sont bien plus nombreux, et les cloisons pas tout à fait étanches, entre ces deux espèces. Nous n’ignorons pas non plus l’importance de la donnée stylistique, esthétique, dans ces débats sur ce que seraient : la littérature elle-même et ses modes opératoires.

Ce que contiennent les textes ne suffit pas à répondre à la question de savoir si la littérature se doit d’être politique ou non. Disons-le : elle l’est. Non pas en fonction de ce qu’elle choisit de narrer ou de la manière dont elle le fait, mais d’abord en raison de son histoire.

Acceptons le schéma pour faire progresser l’analyse. Donc, certains textes littéraires seraient politiques, d’autres ne le seraient pas. Si l’on ne s’attache qu’au propos des livres pour répondre, il est possible de valider cette approche. Néanmoins, on affirmera, et on aura raison, que les textes centrés sur le sentiment amoureux, la passion, le désir, peuvent se révéler politiques, dans nos sociétés où règnent la prédation et la violence sous toutes ses formes. On soulignera que prendre le parti de la sensualité lorsque le monde s’effondre, lorsque le bruit et la fureur des conflits armés nous accablent, peut être une déclaration politique. C’est ce que fait la poésie de Mahmoud Darwich. C’est ce que disent les chants d’esclaves, qui sont des documents oraux. Ce que contiennent les textes ne suffit pas à répondre à la question de savoir si la littérature se doit d’être politique ou non. Disons-le : elle l’est. Non pas en fonction de ce qu’elle choisit de narrer ou de la manière dont elle le fait, mais d’abord en raison de son histoire.

Dans le passé des sociétés humaines, quelles qu’elles aient été, la possibilité de produire des textes et d’en avoir connaissance, ne furent pas les biens les mieux partagés. Depuis l’Egypte antique jusqu’à des temps plus proches de nous, lire et écrire furent un privilège. Les masses ne savaient des textes que ce qu’on voulait bien leur en dire ou leur en montrer. Les populations européennes ont vu plus qu’elles ne les ont lues, les scènes de la Bible se déployer sur les vitraux des églises. L’accès du plus grand nombre à l’écrit prendra du temps. De fait, l’écriture apparaît comme une activité liée au pouvoir, ce qu’elle restera longtemps. Elle s’appuie sur une langue, ce qui achève de la construire comme politique. A ce sujet, Pascale Casanova dit :
A travers son lien constitutif avec la langue – toujours nationale puisque nécessairement « nationalisée », c’est-à-dire appropriée par les instances politiques comme symbole d’identité – le patrimoine littéraire est lié aux instances nationales. La langue étant à la fois affaire d’Etat (langue nationale, donc objet de politique) et « matériau » littéraire, la concentration des ressources littéraires se produit nécessairement, au moins dans la phase de fondation, dans la clôture nationale : langue et littérature ont été utilisées l’une et l’autre comme fondements de la « raison politique », l’une contribuant à ennoblir l’autre.

Et chacun le sait, le choix de la langue qui deviendra nationale procède, lui-même, de l’exercice de la domination. Je ne parle pas ici des pays colonisés auxquels on songera de toute évidence. En France, les langues régionales ont été minorées, lentement effacées pour beaucoup. Avant qu’il en soit ainsi, le pays connaissait, dans ses régions, une situation de bilinguisme dans laquelle l’emploi des dialectes, à l’oral comme à l’écrit, demeurait majoritaire. Si le petit peuple qui n’était pas lettré maîtrisait les parlers régionaux, les bourgeois maniaient à la fois ceux-là et la langue officielle. Ils auront avantage à souscrire à la politique d’unification imposée par la Révolution. D’après Pierre Bourdieu :
… la promotion de la langue officielle au statut de langue nationale leur donne le monopole de fait de la politique et, plus généralement, de la communication avec le pouvoir central et ses représentants qui définira, sous toutes les républiques, les notables locaux (…) Le conflit entre le français de l’intelligentsia révolutionnaire et les idiomes ou les patois est un conflit pour le pouvoir symbolique qui a pour enjeu la formation et « la ré-formation » des structures mentales.

Il y a plus, dans une langue, qu’un simple moyen de communication. La langue est le véhicule de la pensée, oui. Elle est aussi dépositaire d’une vision du monde. En tant que telle, elle structure le mental. Ce que charrient les langues influe sur l’être au monde de leurs locuteurs. Pierre Bourdieu décrit une situation proche de ce que vécurent les Subsahariens colonisés par la France notamment, qui leur appliqua une politique d’assimilation. La dimension raciale, la ségrégation de fait, la spoliation, la mise en place du Code de l’indigénat, rendent particulière l’expérience coloniale. Si les écrivains subsahariens utilisent les langues anciennement coloniales qui sont leur héritage historique, il reste légitime de s’interroger sur la destination de leurs écrits et sur le corpus qu’ils contribuent à enrichir/créer.

Elle l’est parce que les relations entre l’ancienne puissance coloniale et ses possessions de jadis, ne sont pas encore d’égalité. Elle l’est parce que ces écrivains ont dû s’abreuver à des sources littéraires qui ne les incluaient pas comme sujets.

Les textes produits par des écrivains peu lus dans leurs pays d’origine et publiés en France sont-ils des pièces apportées au patrimoine littéraire français ? Fondent-ils un corpus subsaharien ? Entrent-ils d’office – et comment peut-on l’évaluer, dans la littérature mondiale ? Rappelons que ces ouvrages sont peu traduits… La question n’est pas de savoir si la littérature qu’ils nous livrent se doit ou non d’être politique. Elle l’est parce que les relations entre l’ancienne puissance coloniale et ses possessions de jadis, ne sont pas encore d’égalité. Elle l’est parce que ces écrivains ont dû s’abreuver à des sources littéraires qui ne les incluaient pas comme sujets. Ils se sont projetés dans l’expérience humaine, dans ce que les hommes ont en partage, du simple fait de leur humanité. Pourtant, il leur a manqué quelque chose.

Si le cœur humain est le même partout, la manière dont les sentiments s’expriment reflète la culture, la vision du monde que porte la langue devenue souterraine, celle que l’on n’écrit pas. Ces auteurs sont donc confrontés à deux possibilités : soit ils se soumettent, soit ils ne le font pas. Se soumettre reviendra à écrire pour ne rien dire, puisqu’on aura accepté de n’être pas, soi-même, sujet de littérature. Refuser de se soumettre placera l’écrivain devant l’obligation d’adopter une attitude prométhéenne, afin de se dire. Plus qu’aucun autre, cet auteur devra se centrer sur lui-même, réapprendre à voir le monde à partir de son propre lieu. Qu’il soit intérieur ou géographique, ce territoire reste périphérique et dominé. Patrick Chamoiseau raconte, dans Ecrire en pays dominé, comment il s’est passionné pour les Lettres occidentales, avant de se rendre compte que :
… ces forces s’étaient imposées à moi avec l’autorité impérieuse de leur monde qui effaçait le mien. Elles m’avaient annihilé en m’amplifiant. Et c’est de ces mondes allogènes que mes écrits fonctionnaient dans un déport total. J’exprimais ce que je n’étais pas. Je ne percevais du monde qu’une construction occidentale, déshabitée… Ces livres en moi ne s’étaient pas réveillés ; ils m’avaient écrasé.

La question n’est donc pas de congédier l’apport allogène, dont on reconnaît qu’il peut « amplifier » l’être. Elle est de savoir ce qui peut se perdre du fait de cet apport allogène et ce qu’il est possible de mettre en œuvre pour le préserver.

Il nous le dit cela dans la plus belle langue française qui se puisse écrire. La question n’est donc pas de congédier l’apport allogène, dont on reconnaît qu’il peut « amplifier » l’être. Elle est de savoir ce qui peut se perdre du fait de cet apport allogène et ce qu’il est possible de mettre en œuvre pour le préserver. L’écrivain prométhéen doit, non seulement dérober le feu, mais en faire les usages qui lui conviennent, ceux qui lui permettent de n’être pas condamné au mutisme. Qu’il écrive des contes ou des romans à l’eau de rose, s’il a pris conscience de sa condition, ses écrits seront politiques. Comme le sont, d’ailleurs, ceux des écrivains français de notre ère, dont beaucoup sont passés maîtres dans l’art de dépeindre un monde dans lequel il semble que la France se limite à l’Hexagone, qu’elle n’ait jamais rencontré d’autres mondes ni enfanté, avec eux, l’élargissement de ses identités. Et c’est parce que ce refus de l’élargissement semble si manifeste, que l’amplification dont parle Chamoiseau peut être douloureusement vécue. Se vider de soi-même ne doit pas être le prix à payer pour accueillir l’autre en soi. C’est parce qu’il a compris cela, que Felwine Sarr écrit, une fois rentré au Sénégal après des années passées en France :
Je regarde le monde à partir d’ici. Cette nouvelle perspective change fondamentalement les choses. Désormais, c’est à partir de mes yeux et derrière ceux des miens que je perçois le monde.

Le texte est politique, car habité par deux éléments qui me semblent capitaux. D’une part, l’acceptation de toutes les sources auxquelles on s’est abreuvé. D’autre part, le choix d’habiter une certaine réalité, la décision d’en prendre sa part.

C’est, effectivement en accrochant son regard derrière celui des siens, que l’auteur décentré par la domination pourra espérer énoncer une parole légitime. Ceci ne vient pas annuler son individualité. Simplement, elle se déploie dorénavant à partir d’un centre qui n’est plus imposé, mais choisi, sciemment investi. C’est une prise conscience de soi, qui impactera en profondeur l’écriture. Les méditations de Sarr ne sont pas une simple promenade philosophique et spirituelle. Le texte est politique, car habité par deux éléments qui me semblent capitaux. D’une part, l’acceptation de toutes les sources auxquelles on s’est abreuvé. D’autre part, le choix d’habiter une certaine réalité, la décision d’en prendre sa part. On ne sera pas surpris d’apprendre que Felwine Sarr dirige, entre autres activités, le CRAC de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (Sénégal). Cette unité de formation et de recherches comprend une section dédiée aux langues et cultures africaines. Les concepteurs de cet institut ont compris qu’on ne pouvait prétendre former des hommes accomplis, si on le faisait de manière « déshabitée » comme dit Chamoiseau, sans souci aucun de leur environnement.

Ces mêmes questions se posent aux écrivains issus des minorités françaises. Le pays tarde à s’ouvrir sur ses marges, pour faire pénétrer, dans ses cercles littéraires, la nouvelle physionomie de ses classes populaires. Or, la littérature, au-delà des textes, ce sont également les conditions dans lesquels ils sont produits. Pour l’auteur appartenant à une minorité, elles font partie intégrante du parcours littéraire. Un tel auteur, quels que soient son milieu social d’origine, son esthétique et les thèmes qu’il choisit de développer, s’inscrit de manière transgressive dans un espace littéraire qui n’avait pas prévu de place pour lui. S’il ne travaille pas nécessairement à transformer la langue , il crée ses propres formes, amène des images différentes, convoque les autres langues qui l’ont bercé. L’auteur appartenant à une catégorie minorée apporte des récits nouveaux. Il raconte ceux qui ne devaient pas être dits, écrit :
Le cul entre la vie et la mort, mon histoire s’exprime avec ses mots à elle, dans un français qui baise avec le Maghreb, l’Afrique, l’Asie et les States, du coup ses mioches ont l’accent métis. Son langage propre est souvent crade, il se nourrit des mots de tous les jours, de la chair d’anonymes noyés dans la foule. Mon histoire cause comme elle est : froide comme le béton, rugueuse comme le goudron, fragile comme une fleur ballottée dans le souffle des pots d’échappement, fragile parce que écorchée vive. (Insa Sane, Gueule de bois, Sarbacane, 2009)

Toute littérature est politique. Elle est une prise de parole individuelle, singulière. Or, le Je est politique, passible de censure sous certaines latitudes. Elle est l’audace de créer. Or, le geste artistique est en soi un manifeste politique. La littérature, écrite ou orale, est le testament des peuples. »

Léonora Miano


All literature is political.

« Should literature be purposely political ? This question is often asked, though at times expressed differently : should writers be engagés. In grappling with this question, I come to a simple answer : the primary commitment one makes, to be engagé, is to embrace writing as a way of life, as a means of relating to other people. This I believe to be enough. Writing is my main activity in life and I do not hold any other job.

This answer leaves the questioner longing for more. We refer to literature when we seek to identify the subject of a piece of writing, in our effort to classify it. The literary forms of poetry, drama and narrative fiction produce two types of works, the so-called ‘intimiste’ texts – to be understood in the broadest sense – and the allegedly political texts. The former would examine the emotional life of beings while the later would tend to focus on society’s problems. This is of course simplistic. The subject matter is far more diverse, and the delineation between these categories hardly so cut and dry. Nor can we can overlook matters of style and aesthetics in the debate over what makes literature, and what its operative modes are.

Let us go along with this distinction to push our analysis further. This would mean that some literary texts are political while others are not. If we only consider the purpose of books in seeking to answer the question, then we can go along with this proposition. However, one can claim - and rightly so - that writing about romantic love, passion and desire, is in fact political in our contemporary societies where predation and violence are rife. One may claim that turning to sensuality when the world is collapsing, when the sound and the fury of armed conflict threaten to overwhelm us, can be viewed as a political statement. This is what Mahmoud Darwich accomplishes in his poetry. This is what the songs of slaves accomplish – these are oral documents. It is not in the content of written works that we can find the answer the question : should literature be political. Let us posit that it is. Not because of the story it elects to tell or the way in which it does it, but first and foremost because of the very history of the written word.

Throughout history, in all human societies, the ability to produce written works or to have knowledge of them has not been a shared common good. From ancient Egypt until recent times, reading and writing have been reserved for the privileged few. What the masses knew of the written texts was restricted to what they were told and allowed to see. In Europe people saw, more than they read, the Bible, as witnesses to the biblical scenes depicted in stained glass. Many years were to pass before ordinary people could access written texts. Writing was connected with power and remained so for a very long time. Writing, rooted as it is in a given language, is per force fully political. About this Pascale Casanova writes :
Through its constitutive connection with language –which is always national, because it is of necessity ‘nationalized’, having been appropriated by the political centres of power as a symbol of national identity – literary heritage is bound to national institutions. Because language is appropriated by the centres of political power (the national language is a matter of politics) and literary ‘matter’, literary resources are concentrated, at least in the founding stage, within the boundaries of the national sphere : language and literature have been used as the basis for the ‘political purpose’, one helping to elevate the other.

We all know that choosing a national language results from the exercise of domination. I do not refer here to the colonized countries, although this inevitably comes to mind. In France regional languages were not allowed to flourish and were doomed to die out slowly. Yet once upon a time many regions of France were bilingual, with a greater prevalence of local dialects, both spoken and written. While ordinary uneducated people spoke the local dialects, the bourgeois class mastered both the local idiom and the official language. This turned out to their advantage, when they were able to adhere to the policy of unification imposed by the French Revolution. As Pierre Bourdieu writes :

…promoting the official language to the status of national language gave them, de facto, a monopoly over political life, and more broadly speaking, over communication with the central government and its representatives ; and these have always, under the successive républiques, been in a position to determine who would occupy positions of power at the local level. (…) The conflict between the French spoken by the revolutionary intelligentsia and local idioms and dialects is a conflict for the symbolic power with the aim of controlling the formation, and ‘re-formation’ of mental structures.
Language is more than a mere means of communication. Language undeniably a vehicle for thought. It is also the repository of a certain world view. As such it gives structure to our mental universe.

That which is carried within a language influences the way in which the speakers of that language relate to the world. Pierre Bourdieu describes a situation similar to that experienced by the peoples of Sub-Saharan Africa, in particular those colonized by France, as a result of the policies of assimilation. The racial dimension, the de facto segregation, the establishment of a Code for Native Peoples, all set the colonial experiment apart. While writers from this region use the languages of the former colonial powers, as these are part of their historical legacy, one can legitimately raise the question of readership as well as the issue of what body of literature is enriched through their writing. Do the works written by authors with a scant readership in their native country and are published in France contribute to the French literary heritage ? Are they the basis for a sub-Saharan African body of literature ? Are they automatically part of world literature, and how is this to be determined ? Let us not forget that these works are not widely translated…The issue is not whether or not the literature they offer us has a duty to be political. It is, because the relations between the former colonial powers and their former colonies do not as of yet rest on the cornerstone of equality. It is political because these writers had to seek inspiration from sources that did not include them as subjects. They dove into the human experience, into what humans share, simply because they belong to humanity. And yet they are missing something.

True, the human heart is the same all over the world. Yet the way in which feelings are expressed reflects the culture and the world view of the language that runs as an undercurrent, the language that is not used for writing. These writers have a choice between two paths : either they submit, or they don’t. To submit would amount to writing without a purpose, as it implies that one accepts not being a subject for literature. Refusing to submit on the other hand commits the writer to a Promethean task if he or she is to have a voice. More than others these writers will have to turn inwards and rely on the inner self to learn anew how to see the world from within. This territory, be it internal or geographic, remains peripheral and under domination. Patrick Chamoiseau recounts, in Writing in a Dominated Country, his passion for Western literature, before he came to the realization that,

…these forces came to me with the imperious authority of their world, which erased mine. They annihilated me while amplifying me. Out of these alien worlds my writing operated, but with a completely shifted perspective. I expressed what I was not. My only perception of the world was a western, uninhabited construction. ..The books inside of me had not awakened, they had crushed me.

These words are written in flawless, exquisite French. The point is not to dismiss the alien contribution, as we recognize that it can ‘amplify’ the being. The real question is what is lost through this allogeneic input, and what can be done in order to preserve it. The Promethean writer must not only steal the fire, but make use of it in manners that suits his purpose, to ensure that he is not deprived of his voice. Whatever the written form – from storytelling to romance novels – if the writer is aware of his condition, the writing is political. This is true for many French writers of our times, many of whom are masters in the art of describing a world in which France seems unable to project beyond its continental borders, seems not to have collided with other worlds or, for that matter, to recognize the larger identities spawned from these encounters. This unwillingness to expand is patent, and this is what makes the amplification that Chamoiseau speaks of so painful. Losing the essence of one’s self should not be the price to pay to embrace otherness. Felwine Sarr, because he understood this, wrote upon his return to his homeland Senegal after having spent many years in France :

I look at the world from here. This new perspective fundamentally changes things. From now on, I perceive the world through my eyes, and from behind the eyes of my people.

Indeed, by looking out through the eyes of one’s kin the writer whose core has been lost through domination can hope to speak with a legitimate voice. This does not wipe out one’s individuality, but allows it to expand from a core that is no longer imposed, but chosen and consciously vested. It is a new awareness of self that has a profound impact on writing. Sarr’s meditations are not a simple philosophical or spiritual stroll. His text is political because it infused by two things that I believe to be critically important. On the one hand there is an acceptance of all the sources that have nourished us. On the other hand there is a choice to live within a certain reality, and a decision to take one’s share in it. It will come as no surprise that Felwine Sarr, among his other activities, is the head of CRAC, at the Gaston Berger University in Saint-Louis in Senegal. This institution is dedicated to training and research and has a department of African cultures and languages. The founders of this university understood that in order to form accomplished men and women, one could not go down the ‘uninhabited’ path’, to use Chamoiseau’s expression, and disregard their environment.

These same issues arise for writers belonging to the minority groups within France. The country is slow to open up to its more recent social strata, to bring into the literary groups the new face of the working classes. But beyond the written word, the conditions in which literature is produced are part and parcel of what makes literature. For writers from any minority, this is integral to their literary development. Regardless of social background, aesthetics or chosen theme, these writers have to transgress to enter a literary space in which they have no place. While they may not work to change language by design, they do create their own forms, introduce new images, and conjure the languages whose song they heard from the cradle. Writers belonging to minority groups bring us new stories. They tell tales that were not meant to be written :

Stuck between life and death, my story speaks in these words of mine that are French, but the French that has screwed around with the Maghreb, Africa, Asia and the States. That’s why the kids all have a metis accent. That’s why these words of mine often smack of the street, feed on everyday idiom, on the flesh of no-name people from the anonymous crowd. The words I use to tell my story are just like it : cold like concrete, rough like asphalt, fragile like a flower blown about by exhaust fumes, fragile because it is so raw and vulnerable.

All literature is political. It is a voice like no other. The voice that speaks in the first person, the ‘I’, is political, liable to be censured in certain latitudes. To write is to dare to create. And the artistic impulse is itself a political manifesto. Literature of the oral and the written tradition is our legacy, we peoples of the earth. »

Léonora Miano

Keynote speech pronounced in Brazzaville (February 2013)