Les songes enfantins

Écrit par JUTTIER Maëlys (3ème, Collège Jules Michelet de Beauvais), sujet 1. Publié en l’état.

J’aimerais que tu m’aides à grandir.

Tous ces souvenirs ont commencé à ressurgir il y a plusieurs semaines. Toi seule sais à quel point mon enfance est floue, pour moi, et retomber dedans est extrêmement étrange, comme avancer dans un tunnel sombre rempli de portes mais à chaque fois qu’une s’ouvre tout s’assombrit. Seulement je ne les contrôle pas, elles se dévoilent devant moi à grands fracas et je n’ai d’autre choix que de me laisser entrainer dans les souvenirs qu’elles contiennent.

Une nuit par semaine je découvre un autre moi, souvent plus jeune et innocent, sans cette peur de l’inconnu qui m’empêche de vivre, qui m’aspire vers le néant et la folie.

Une fois je me suis revu petit, mes parents sur le côté, leur visage trouble. Nous étions dans une vieille maison dont je ne me souviens pas, on avait l’air heureux, très heureux. Ce souvenir apaisant s’est arrêté très violemment, me réveillant sur le coup. Mes rêves sont tous de la même façon très agréables, et soudain le fil casse comme si l’on m’avait arraché à ma vie tranquille.

Cette nuit un souvenir m’a chamboulé et j’aimerais t’en parler face à face Lucia mais je ne peux pas, j’ai l’impression que si je pars ils m’arrêteront, tu te souviens d’eux, ceux de qui je devais me méfier selon mes parents, ceux qui sont si différents de nous, ils sont apparus dans mon sommeil et j’ai vu le visage flou de ma mère alors qu’elle hurlait, ils avaient dû l’effrayer. Ensuite il n’y a rien eu pendant plusieurs minutes, jusqu’à ce qu’elle réapparaisse pleurant assise par terre, me serrant dans ses bras ; à côté d’elle il y avait un journal parlant des petits commerces et d’un enfant disparu, et elle me répétait sans cesse :
« Fais attention à eux, ils te reprendraient à tout moment s’ils le pouvaient, mais je ne les laisserai pas faire. Tu m’entends mon chéri ils ne te reprendront pas, je ne les laisserai pas faire… »

Elle continuait inlassablement à répéter ces mots, ses sanglots déformant ses paroles. J’éprouvais un sentiment étrange à son égard, de la peur. Cela me laissa perplexe : pourquoi ces sensations alors qu’elle semblait si frêle, si fragile ? J’espère que mes prochains souvenirs m’aideront à y voir plus clair.

Je sais que toi, Lucia, tu as vécu quelque chose de similaire à des souvenirs ressurgissant d’un coup et j’aimerais que tu m’aides à comprendre mes sentiments.

Tu sais, ces réminiscences commencent à me faire mal et sont de plus en plus fréquentes, parfois il m’arrive d’en avoir deux par nuit. Je vois des étrangers partout autour de moi et ils me semblent tous hostiles, ce qui me fait penser que mes parents ont sûrement eu raison de m’avertir à plusieurs reprises du danger qu’ils pourraient être pour moi. Je n’ai pas vu qu’eux, j’ai pu apercevoir un petit garçon me ressemblant avec des adultes qui devaient être ses parents mais il m’était impossible de voir leur visage. Je ne sais pas qui ils étaient mais peut-être que ce garçon était mon frère et qu’il s’est fait enlever. Cela expliquerait cette si forte inquiétude de ma mère pour moi.

J’ai revu le petit garçon cette nuit et une découverte me tracasse, il est né le même jour que moi, je l’ai lu sur ce journal, peut-être était-il mon jumeau. Si c’est le cas, cela veut dire qu’il aurait été emmené. Je ne sais plus quoi penser, s’il te plait aide-moi Lucia.

Au crépuscule, alors que je pensais être plongé dans le sommeil, j’ai ouvert les yeux sur une maison vide semblable à la première, cependant elle n’était pas comme l’autre, elle me rendait triste sans savoir pourquoi. Je me suis avancé dans le couloir et quelque chose m’a fait tomber. Des tonnes de journaux m’ont enseveli, tous avec le visage du garçon. Je me demande si les personnes que nous connaissons ne nous cachent aucun secret et si on ne devrait pas plutôt réussir à faire confiance à ces personnes dont on nous met en garde.
Alors s’il te plait aide-moi à grandir.