Après une thèse de doctorat commencée à Paris sur le mouvement nationaliste camerounais, il part en 1986 aux États-Unis pour enseigner dans différentes universités et publie Afriques Indociles. Christianisme, pouvoir et État en société postcoloniale. Établi au Cap, il publie en 2000 De la postcolonie. Essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine.
Alors que s’achevait la célébration du cinquantenaire des indépendances africaines, Achille Mbembe a publié en octobre 2010 Sortir de la grande nuit : Essai sur l’Afrique décolonisée. Cet ouvrage qui allie un style tantôt sobre, tantôt poétique analyse certes les mutations, les heurts et les crises de tout un continent depuis les indépendances, mais pose sur ces mouvements un regard optimiste qui laisse entrevoir une voie possible pour l’Afrique aujourd’hui.
Participant à l’ouvrage évènement "La France noire", publié cette année sous la direction de Pascal Blanchard, Achille Mbembe a également préfacé en 2011 les “Œuvres” complètes de Frantz Fanon, rééditées à l’occasion des cinquante ans de la mort du psychiatre martiniquais. Une "pensée métallique" a laquelle il affirme devoir "l’idée qu’il y a dans toute personne humaine quelque chose d’indomptable, de foncièrement inapprivoisable, que la domination – peu en importent les formes – ne peut ni éliminer, ni contenir, ni réprimer totalement."
Parler de brutalisme pour parler d’un monde déshumanisé : c’est l’étonnant parallèle que fait l’auteur dans un nouvel essai finement documenté, Brutalisme (La Découverte, 2020) dans lequel l’auteur compare les matériaux bruts utilisés dans le style architectural du même nom, et les corps utilisés par les politiques néolibérales.
Bibliographie
- Brutalisme (La Découverte, 2020)
- Décolonisations françaises - La chute d’un empire (La Martinière, 2020)
- Politique des temps – Imaginer les devenirs africains (Philippe Rey, 2019), avec Felwine Sarr
- Écrire l’Afrique-Monde (Philippe Rey, 2017), avec Felwine Sarr
- Politiques de l’inimitié (La Découverte, 2016)
- Critique de la raison nègre (La Découverte, 2013)
- Sortir de la grande nuit : Essai sur l’Afrique décolonisée(Editions La Découverte, 2010)
- L’Afrique de Sarkozy, un déni d’Histoire avec J-P Chrétien, P.Boilley et Ibrahima Thioub (Karthala, 2008)
- De la postcolonie : Essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine (Karthala, 2000)
- On Private Indirect Government (CODESRIA, 2000)
- La naissance du maquis dans le Sud-Cameroun (1920-1960) Histoire des usages de la raison en colonie (Karthala, 1996)
- Le politique par le bas : Contribution à une problématique de la démocratie en Afrique noire avec J.F. Bayart, C. Toulabor (Karthala, 1991)
- Afriques indociles. Christianisme, pouvoir et État en société postcoloniale (Karthala, 1998)
- Les jeunes et l’ordre politique en Afrique noire (L’Harmattan, 1986)
Présentation de Sortir de la Grande Nuit
La décolonisation africaine n’aura-t-elle été qu’un accident bruyant, un craquement à la surface, le signe d’un futur appelé à se fourvoyer ? Dans cet essai critique, Achille Mbembe montre que, au-delà des crises et de la destruction qui ont souvent frappé le continent depuis les indépendances, de nouvelles sociétés sont en train de naître, réalisant leur synthèse sur le mode du réassemblage, de la redistribution des différences entre soi et les autres et de la circulation des hommes et des cultures. Cet univers créole, dont la trame complexe et mobile glisse sans cesse d’une forme à une autre, constitue le soubassement d’une modernité que l’auteur qualifie d’« afropolitaine ».
Il convient certes de décrypter ces mutations africaines, mais aussi de les confronter aux évolutions des sociétés postcoloniales européennes - en particulier celle de la France, qui décolonisa sans s’autodécoloniser -, pour en finir avec la race, la frontière et la violence continuant d’imprégner les imaginaires de part et d’autre de la Méditerranée. C’est la condition pour que le passé en commun devienne enfin un passé en partage.
Écrit dans une langue tantôt sobre, tantôt incandescente et souvent poétique, cet essai constitue un texte essentiel de la pensée postcoloniale en langue française.
Revue de presse :
- "Achille Mbembe invite à défricher les voies d’une possible renaissance, à étendre contre l’emprise, sur le continent, de la mort et de la violence, des réserves de vies." L’Humanité (06/11/2010)
- "Il y a du principe espérance dans ce livre écrit dans une langue flamboyante qui donne autant à voir qu’à penser." La Quinzaine littéraire (29/12/2010)
- "Partant de la « volonté de vie » qu’exprima la décolonisation, l’auteur esquisse "l’énorme travail de réassemblage" des structures de la pensée en cours en Afrique. D’une plume ardente, souvent poétique, englobant dans sa réflexion tous les traits de l’Afrique contemporaine, il interroge au passage la France, "qui décolonisa sans s’autodécoloniser", et son propre pays, le Cameroun. " La Croix
- "Un ouvrage dense et au style par moments ardu, mais à même d’éclairer bien des débats actuels." Alternatives Economiques
- "Mêlant l’histoire et l’intime, la désillusion de la postindépendance et sa propre histoire à l’ombre de la dictature d’Ahmadou Ahidjo (1960-1982) au Cameroun, l’historien et philosophe camerounais offre un deuil aux espérances trahies et redonne du sens à la mort sans sépulture des militants indépendantistes (...) L’essai devient incisif en entrant dans le débat français. Dans une défense convaincante mais critique des études postcoloniales, Mbembe réhabilite l’analyse des discours et des représentations. Seule solution pour l’Afrique : tourner le dos à cette France en pleine crise de nostalgie coloniale et en voie de "provincialisation", et miser sur "l’afropolitanisme", citoyenneté créole en mouvement qui serait le propre de l’Afrique, avec l’Afrique du Sud "arc-en-ciel" pour modèle. Addition d’articles rassemblés pour l’occasion, le livre est quelque peu hétéroclite, dans un style parfois hermétique, mais souvent lumineux." Alternatives Internationales