Ma vie mais en mieux

(…) alors j’ai sorti mon téléphone de ma poche et j’ai enfin osé composer le numéro que je connaissais par cœur, depuis un an exactement.
Le numéro que je composais était celui de ma grand-mère. Vous vous demandez peut-être pourquoi ma grand- mère, pourquoi pas mes parents ? C’est tout simple, ils sont : morts depuis plus d’un an. Je déteste ce mot “mort” je préfère “partis pour toujours”. Moi, je m’appelle Brandon. Je vais vous raconter comment mes parents ont quitté le monde.
A ce moment-là j’avais dix ans, il se passe beaucoup de choses entre dix et onze ans. On quitte l’école pour aller au collège, mais pour moi ce beaucoup allait bouleverser ma vie. Mes parents sont morts d’un accident de voiture. Ils revenaient d’une réunion de leur travail. Moi, j’étais chez nous avec ma fille au pair. Sur la route une voiture qui sortait de nulle part a renversé leur voiture. Quand l’ambulance est arrivée mes parents étaient déjà … morts ! Quand la police nous (ma fille au pair et moi) a expliqué que l’autre conducteur était ivre et que mes parents ne reviendraient plus, j’ai piqué une énorme crise car j’ai compris que je n’allais plus jamais sentir la bonne odeur du parfum de ma mère ou que je n’allais plus être porté dans les bras de mon père. Aux funérailles de mes parents j’étais en train de pleurer dans mon coin, pas capable de voir les cercueils. Tout le monde me regardait en disant : “pauvre petit”. Mais le pire m’attendait. En guise de ma grand- mère. C’est là-bas, il y a un an, que l’enfer a commencé.
Après les funérailles de mes parents c’était décidé que j’allais vivre avec ma grand-mère. Elle a des cheveux gris, elle est grande et maigre, en la regardant on dirait que la chose la plus vivante dans son corps, ce sont ses yeux qui brillent de colère. Avec elle chaque matin commençait avec une grosse claque et elle me criait dessus pour une raison ou une autre. Et quand je disais “Non Grand-Mère je n’ai pas fait ceci”, j’avais le droit à une autre claque et en hurlant elle me disait : “Je t’héberge, je te donne à manger et tu me mens !” Elle disait qu’elle me donnait à manger : si on considère que donner un petit bout de pain avec de la confiture périmée et du fromage moisi c’est donner à manger, alors elle avait raison… La seule chose qui me réjouissait c’était l’école, j’attendais avec impatience ce moment de la journée car ma grand-mère ne pouvait pas m’empêcher de parler et de m’amuser avec mes amis. J’avais de très bons amis et je leur racontais tout. À chaque fois que l’une de leurs mères me proposait d’aller chez eux je déclinais en disant que je devais m’occuper de ma grand-mère, mais la vérité était qu’elle m’obligeait à rentrer immédiatement sinon elle menaçait de me taper avec sa ceinture et elle me l’a déjà fait. Tous les soirs c’est le même menu, une poignée de riz avec rien d’autre. Vous vous demandez peut-être si on était pauvres. Ben non, juste que tout l’argent qu’on recevait était utilisé pour l’alcool de ma grand-mère.
Il y a un peu plus d’un mois avec mes amis j’ai commencé à élaborer un plan pour m’échapper de chez elle.
D’abord j’allais chaque nuit voler la nourriture du frigo et la garder cachée.
Puis j’allais attendre d’avoir assez de nourriture pour quelques semaines et je m’échapperais par le trou derrière le buisson que j’avais découvert il y a quelques mois.
J’irais me réfugier dans la forêt et voir ce qui se passait.
Ce n’était pas le meilleur plan, cependant je ne pouvais plus attendre que quelqu’un me sauve. Mais tout ne s’est pas passé comme prévu…
J’ai réussi à garder de la nourriture cachée. Je me suis échappé par le trou. Ah, pour la première fois depuis un an j’ai senti de la vraie liberté ! Cependant, dans la forêt, je n’avais pas anticipé les insectes. Ils ont contaminé ma nourriture dès le deuxième jour. Quand je me suis réveillé le troisième jour j’ai sursauté. Il y avait des fourmis partout dans la boîte. Je l’ai jetée immédiatement et j’ai commencé réfléchir et à me poser des questions : “Qu’est-ce que je vais manger ?” et “Est-ce que j’aurais dû m’enfuir ?”.
La meilleure solution que j’ai trouvée était de consulter mon meilleur ami sans que ses parents le sachent. Je suis allé voir Théo, c’était aussi le plus proche de la forêt. Quand j’ai vu sa mère sortir faire des courses j’ai toqué à la porte. Théo m’a répondu et m’a demandé si le plan se déroulait bien, donc je lui ai expliqué la situation. Il m’a aidé à élaborer un nouveau plan. Il était simple : j’allais rester caché dans la forêt et il allait me donner de la nourriture secrètement. Mais au bout du deuxième jour, la mère de Théo nous a vus et elle nous a dit de rentrer. Sa mère m’a demandé pourquoi je m’étais enfui et je lui ai dit que ma grand-mère ne me traitait pas bien. Elle m’a dit : “Mon chéri, imagine comme c’est dur pour ta grand- mère, son fils est mort et elle doit s’occuper de quelqu’un d’autre qui lui rappelle son fils ”. Après elle m’a proposé de rester pendant une nuit. Je ne pouvais pas dire non car sinon elle aurait pu appeler la police ou ma grand-mère. Comme j’avais toujours peur qu’elle les appelle je me suis enfui pendant la nuit.
Pendant toute une journée je pensais à ce qu’avait dit la mère de Théo : “… imagine comment c’est dur pour ta grand- mère, son fils est mort et elle doit s’occuper de quelqu’un d’autre qui lui rappelle de son fils ”. Dans le froid j’ai finalement eu le courage de l’appeler.
Je lui ai dit où j’étais : ‘‘ Grand-mère, je suis devant la forêt’’ puis à ma grande surprise je n’ai pas entendu une voix qui criait de rage ou de colère mais une voix brisée et des sanglots. Elle m’a demandé pourquoi je m’étais enfui. Au début je n’arrivais pas à y croire mais sa voix sincère m’a fait réaliser qu’elle m’aimait. Je lui ai donc dit la vérité. Que je me sentais mal et dépressif à cause de son traitement. Ensuite elle est restée silencieuse et j’ai craint de lui avoir trop dit et d’imaginer quelque chose d’impossible.
Mais quand elle est venue elle pleurait de joie de m’avoir retrouvé. Elle m’a promis qu’elle n’allait plus jamais me taper et qu’elle allait arrêter de boire de l’alcool. Et m’a fait promettre de ne plus jamais m’enfuir. Elle est allée chez le médecin pour arrêter de boire de l’alcool. Elle ne m’a plus jamais tapée. Aujourd’hui je vis ma vie mais en mieux.