Marianne

Ce fut au moment où la coque basculait que Simon comprit qu’il n’irait pas pêcher ce jour-là, pas plus que les jours suivants. Ses yeux rencontrèrent le visage blanc, presque diaphane, d’une jeune femme. Ses cheveux auburn flottaient autour de son visage, alors que sa longue robe blanche collait sa peau. Aperçue ainsi cette jeune femme ressemblait presque à un ange que la rigidité cadavérique avait figé comme une pénitente en prière. Simon ne sut bouger, pétrifié par la peur. La jeune femme était cachée sous sa barque. Comment était-elle arrivée là ? Que devait-il faire ? Ses pensées furent coupées quand son chien reprit son éternel couinement, suivit d’un cri.

  • Marianne !? entendit-il derrière lui.

Son cœur se mit à palpiter dans son torse ; il reprenait peu à peu ses esprits ; l’ambiance avait de suite changé et le temps commençait peu à peu à se recouvrir. La voix reprit de plus belle, et le jeune homme reconnut une voix masculine aux tonalités encore enfantines. Il se tourna lentement vers la source du bruit, la main tremblante, savoir qu’une femme, morte qui plus est, était à quelques pas de lui le terrifiait.

  • Marianne ! Tu es où bon sang ! C’est plus drôle !

Simon tourna la tête vers la femme, ça devait-être elle, Marianne de son nom. Il finit par la recouvrir de fougères d’un geste paniqué, avant qu’un visage d’enfant ne se dessine face à lui. Les yeux du petit garçon rencontrèrent ceux de Simon, qui eux exprimaient de l’effroi.

  • Vous n’avez pas vu Marianne ? Demanda le petit garçon aux cheveux auburn.

Simon secoua la tête, n’ayant pas la force de parler, sa trachée desséchée bloquant chaque son de sa voix. Seule une petite voix dans sa tête tentait de communiquer avec le petit.

  • Vous pourrez dire à ma sœur que son petit frère Jean, la cherche, elle est partie se promener et elle a disparu… souffla-t-il avant de voir le chien derrière Simon et de s’approcher.
  • N’approche pas ! S’écria Simon d’une voix rauque.

Le petit garçon sursauta et regarda l’homme face à lui, les yeux grands ouverts, il se recula et resta muet quelques secondes.

  • Vous allez bien ?

Simon hocha la tête, un soupir sortit de ses lèvres avant qu’il ne passe sa main sur sa barbe naissante, réfléchissant. Ses idées s’étant remises en place, il attendrait que le petit garçon s’en aille pour joindre la police.

  • Où sont tes parents ? Demanda Simon en le regardant attentivement.

L’enfant haussa les épaules, avant de regarder attentivement Simon, ses yeux plongeant dans les siens. Simon sentit une étrange caresse dans sa nuque, une caresse plutôt désagréable. Il tourna la tête, dès l’arrivée du jeune garçon l’atmosphère avait changé et était devenu étrange, bizarre, et surtout difficile à supporter. La respiration lourde Simon résonnait dans l’air, le vent frappait son dos, alors que les feuilles cachant le corps sans vie de Marianne bougeaient doucement.

  • Papa et maman sont loin… Bien trop loin désormais, lâcha le jeune d’un ton neutre.

Simon ferma les yeux et pinça l’arête de son nez, avant d’entrouvrir les yeux et de regarder le petit garçon attentivement.

  • Tu connais ton adresse je peux te ramener si tu veux… lâcha Simon d’un ton bienveillant.
  • Non.

Simon soupira, cette histoire n’arrangeait rien, il en venait presque à oublier la jeune femme morte.

  • Marianne aime le bateau, sourit-il. Vous pouvez la chercher avec moi ?
    Demanda le petit garçon en s’approchant de Simon. Ce dernier recula et lâcha toujours d’une voix froid.
  • N’approche pas !
  • Mais je cherche Marianne et vous êtes le seul à savoir où est Marianne murmura-t-il. La remarque du petit garçon le fit tiquer avant qu’il ne lève la tête vers lui, surpris et encore plus embrouillé. Il nia une troisième fois.
  • Je ne sais pas où est Marianne lâcha le jeune homme sous tension.
    Son chien se mit à aboyer, avant que l’enfant ne le pointe du doigt.
  • Lui semble au courant…

Simon regarda son chien et lâcha avec fermeté, en regardant le petit garçon pointait du doigt son chien.

  • Retourne d’où tu viens, je ne sais pas où est Marianne… Mais elle n’est pas ici, et moi je vais retourner chez moi, donc tu ferais mieux de faire de même…

Le petit garçon le regarda avant de secouer négativement la tête, ne voulant pas obéir aux paroles de Simon. Ce dernier grogna et attrapa avec fermeté le bras du gamin perdant alors patience. Il l’entraina plus loin et soupira.

  • Va-t’en, je ne peux pas t’aider
  • Pourquoi mentir Jean ? lâcha le petit garçon en regardant Simon.

Un mouvement de recul prit Simon, avant de secouer la tête et de dire :

  • Je ne mens pas ! S’exclama-t-il. Et mon nom est Simon ! Hurla le jeune homme. Un éclair déchira le ciel et des hallebardes tombèrent sur les deux individus.

Simon secoua la tête et regarda ses mains trempées qui se couvraient peu à peu de gouttes rougeâtres.

  • Vous avez tué ma sœur Jean, fuir n’était pas suffisant ! hurla l’enfant la voix désormais plus grave.
  • Non ! Je n’ai jamais tué personne ! Je n’ai jamais fait de mal à personne ! S’écria Simon les larmes aux yeux alors qu’il levait la tête vers le ciel.

Il baissa la tête et face à lui se dessinait une cour de justice, des visages d’inconnus le regardaient attentivement, alors qu’il sentait des regards remplis de jugements, des regards le déterminant comme coupable.

  • Avez-vous tué Marianne Chapelier dans la journée du quatre Octobre deux mille huit ? demanda l’homme en noir.
  • Non ! Je ne la connaissais pas ! hurla Simon revoyant ses mains recouvertes de sang.

Le temps s’était écoulé : une troupe d’hommes et de femmes débarquèrent, plus précisément les jurés de cette affaire s’avancèrent, l’un d’eux resta debout et lâcha :

  • Après délibération le jury de Charleville-Mézières, déclare Monsieur Jean-Simon Chapelier comme coupable…

Comme l’avait si bien pressenti Simon, il n’irait pas pêcher ce jour-là, pas plus que les jours suivants.