"Mondes blancs" (Librio, avril 2001)

Une anthologie présentée par Michel Le Bris
Librio, avril 2001, 128 pages, 10 francs
Publié en partenariat avec le festival, pour l’édition 2001 consacrée aux littératures du Nord.


QUATRIEME DE COUVERTURE

Oui n’a jamais rêvé aux mondes du Nord ? Les empires du froid, traversés par les errances fiévreuses des grands explorateurs, les chasses immenses des Esquimaux, l’épopée viking, mais aussi l’extraordinaire aventure des villes hanséatiques, faisant des mers du Nord une autre Méditerranée. Les mondes du Nord : continents littéraires à nuls autres pareils, ce sentiment obstiné que, des sagas islandaises à la matière de Bretagne, des toundras sibériennes au wilderness américain, des pierres runiques aux espaces silencieux de Friedrich, des poèmes d‘Ekelöf aux romans de Hamsun se déployait, par-delà les frontières linguistiques, un « autre espace », tout autant forgé par la géographie que par l’histoire : infinies résonances en nous
de ce seul mot de Nord...
Jorn Riel, le raconteur norvégien, l’Américain Trevor Ferguson, Omruvié, l’écrivain éleveur de rennes originaire du détroit de Behring, Nicolas Vanier, l’explorateur, Ailo Gaup le Lapon : autant de témoignages de la vitalité d’une littérature à découvrir d’urgence.

M. L. B.


SOMMAIRE

  • Michel Le Bris : Préface
  • Jorn Riel : La Mouche et Petit Pedersen
  • Omruvié : Le Couteau sur le bûcher mortuaire
  • Trevor Ferguson : Onyx John (extrait)
  • Bjorn Larsson : Dès l’aube
  • Einar Mar Gudmundsson : Les Voies du Seigneur
  • Nicolas Vanier : Le Chasseur de rêve (extrait)
  • Alio Gaup : Une nuit entre les jours (extrait)
  • Stéphane Nicot : Interview de G.-J. Arnaud

PREFACE
Lumières du Nord

Paysages ras et roux de Laponie après la fonte des neiges, terres rêches, griffées de buissons maigres, dentelles de pierre et d’eau, arêtes vives, rocailles rejetées des grandes ruminations glaciaires, lumières à vous brûler les yeux, ou l’âme : qui n’a jamais rêvé à ces paysages du Nord ?

J’ai devant moi, tandis que j’écris ces quelques lignes, la carte d’un vieil album, restituant ce que put être l’Europe, aux premiers âges, quand la Tamise et la Seine se jetaient dans le Rhin. Songez à cet immense bloc compacté par la pression énorme du « monde blanc » de l’Islande scandinave : c’était seulement il y a douze mille ans ! Et rêvez alors à ce prodigieux éclatement de la terre et des eaux, dans le refoulement continu de la banquise, à cet espace en expansion illimitée, essaimant en îles et archipels - et à ce vide, ou cette mer, qui le hante en son centre. À force de la contempler, je crois bien en avoir fait l’espace même de mes songes.

Initiales d’un codex irlandais, vue aérienne du camp viking de Meborg, sculptures d’ambre de Norvège, pierres runiques du Jutland, extraordinaires géométries de l’espace viking, et cette étrange forteresse de Gurness, dans les Orcades, le cri silencieux d’un monstre matin, sculpté face au ciel pâle : ici s’inscrivent quelques unes des figures essentielles de ce que j’ai fait peu à peu ma « terre natale », mon espace d’être - celles-là même dont je retrouve les formes, les lumières, l’essentielle étrangeté dans les œuvres de peintres comme Abilgaard, Runge, Carus, Caspar David Friedrich, ou Rothko. Cette continuité, entre le jeu des pierres, du ciel et de la mer, et les créations des artistes, des plus anciennes, déjà presque abstraites, aux plus contemporaines : la magie, pour moi, du Nord.
Les empires du froid, traversés par les errances fiévreuses des grands explorateurs, les chasses immenses des Esquimaux, l’épopée viking, mais aussi l’extraordinaire aventures des villes hanséatiques, faisant des mers du Nord une autre Méditerranée, et puis les splendeurs des Eddas, des sagas, nos rêveries, enfants, à la découverte des mondes de Curwood et de London, ou encore, voyageurs, au côté de Nils Hollgerson, et puis la découverte, plus tard, de continents littéraires à nuls autres pareils, ce sentiment obstiné que, des sagas islandaises à la matière de Bretagne, des toundras sibériennes au wilderness américain, des pierres runiques aux espaces silencieux de Friedrich, des poèmes d’Ekelöf aux romans de Hamsun se déployait, par-delà les frontières linguistiques un « autre espace », tout autant forgé par la géographie (et même la géologie !) que par l’histoire. Extraordinairement diverses sont ces littératures du Nord, et attachantes, qu’elles explorent les espaces du dedans ou ceux du « grand dehors » - mais toujours y passe une note singulière, comme l’infinie résonance de ces paysages de vertige.

De Jorn Riel, le Steinbeck du Groenland, aux impayables et poétiques « racontars », à Ivan Omruvié, l’écrivain tchouktche, de Trevor Ferguson en ses empires du froid, ou de l’islandais Einar Mar Gudmudsson au Lapon Ailo Gaup, auxquels répondent, comme en écho, Charles Weinstein le voyageur-traducteur de retour de l’arctique russe, Nicolas Vanier qu’on imagine déjà sur le départ vers quelque grand voyage, et G.-J. Arnaud dont la série La Compagnie des glaces est déjà entrée dans la légende : autant de facettes que nous vous proposons, de ces lumières du Nord, à nulles autres pareilles...

Michel Le Bris