Olivier Ikor, Lisbonne, 25 juin 2010

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25 juin 2010, Lisbonne. Le silence qui pèse sur mon quartier en cette chaude après-midi d’été, à la mi-temps de Brésil-Portugal, c’est encore du football. Pour créer un courant d’air, j’ai ouvert mes fenêtres côté rue et côté jardins. Jardins au pluriel, car descendent en espalier jusqu’en bas de la colline, au pied de chaque immeuble, des rectangles où poussent tantôt des choux-fleurs et des oignons, tantôt une petite jungle qu’écrasent des rosiers sauvages, tantôt un terrain vague où gît un frigo rouillé, tantôt une composition zen de graviers où sont plantés un cactus, un oranger et une chaise-longue. Quelque part, un coq s’égosille, partout rôdent des chats. Côté jardins, vit aussi une joyeuse bande d’étudiants brésiliens. Côté rue, en revanche, mes voisins, mes amis, vont soutenir à grand bruit l’équipe portugaise. Je n’aurais pas besoin d’ouvrir la télé pour connaître le score. Quand ça criera côté jardins, le Brésil aura marqué. Quand ça trompettera côté rue… Il en est ainsi lors des matchs Sporting-Benfica. Côté jardins, ça beugle chaque fois que Benfica marque un but ; côté rue, ça tape sur des casseroles quand c’est le contraire. Par force, je suis devenu un supporter du Sporting, fréquentant plus souvent la rue que les jardins.
Le foot ne m’a jamais intéressé : il n’y avait pas la télé à la maison, jadis. Puis, plus tard, j’eus comme prof de gym Jean-Marie Brohm, qui me fit comprendre bien des choses sur le sujet. Ensuite, le foot devint « branché », disait-on à l’époque. On me traîna à une rencontre PSG-Marseille. Malgré moi, je me mis à beugler, hors de moi, quand Paris marqua, comme si j’étais à Nuremberg en 1938. Il paraît que c’était de « la communion ». Depuis, ce n’est plus de l’indifférence que j’ai pour le foot, mais du dégoût. Pire encore aujourd’hui. Mais bon… depuis le temps que je vis à Lisbonne, j’ai appris à transiger. En tous cas, l’après-midi fut calme. A peine quelques coups de klaxon, puisque le Portugal s’était qualifié. 0/0.
Qu’il est doux, le silence du match nul,
Dans mon quartier, au crépuscule.

Olivier Ikor