Où se trouve réellement la jungle ?

Écrit par VOLTAIRE Prisselda (Term, Lycée La persévérance des Abymes)

Où se trouve réellement la jungle ?

À quelle tribu appartenait celle-ci ? Jason arracha ses semelles à la terre gluante et se dirigea vers elle.

Elle ne cilla pas lorsqu’il parvint à sa hauteur, et ne laissa paraître aucun trouble quand il posa la paume de sa main sur son épaule. Jason ne comprenait pas. Une petite fille, si… il ne pouvait la décrire. Elle avait un regard passionné mais pourtant si triste tel un reflet de mélancolie dans l’âme. Il y avait à contempler cette enfant, un monde à découvrir ; mais pas n’importe lequel, un des plus beaux, des plus touchants, mais aussi des plus nostalgiques.
Un monde que la petite fille lui offrit de découvrir en lui tendant la main.
Tout d’abord, Jason ne vit rien. Il était encore dans le monde sensible et ne pouvait que contempler les tentes et les bâches d’un air désolé. C’était pour lui un exemple de déchéance humaine que de voir tant d’individus, tant d’êtres humains comme lui en ce lieu si insalubre et si terrifiant.
Puis les sons s’estompèrent. Ce n’était plus le tintamarre des véhicules passant sur le périphérique, ni les sirènes assourdissant l’espace urbain. Les sons étaient différents. En quoi ? Jason ne pouvait l’expliquer. Il sentait son être entier se mouvoir au dedans de lui et devenir réceptif à une autre lumière, une autre énergie.
En parlant de lumière, elle aussi venait de se transformer. Elle était tamisée par une atmosphère douce et paisible. Jason était perdu, il ne comprenait plus. Il souhaitait de toute sa force suivre le changement afin d’être transformé lui-aussi.
Peu à peu, il ne vit plus les immondices qui s’étalaient devant lui, mais au contraire un paysage qu’il n’avait jamais vu. De toute son expérience, rien d’aussi beau ne lui avait été révélé. Il en venait lui même à se demander s’il était en possession de toutes ses facultés, si c’était bien lui et pas un autre qui voyait toutes ces choses.
Il porta alors un regard autour de lui. Sa stupéfaction fut extrême en constatant qu’il tenait encore la main de la fillette à la peau sombre, qui maintenant lui apparaissait vêtue telle une princesse. Elle lui souriait. Ses dents scintillaient comme de l’or.
Elle entraina Jason à sa suite dans un village où toutes les habitations se ressemblaient. Elles étaient rondes, en terre cuite avec un toit de paille. C’était si beau, si naturel, si calme. Dans l’air se ressentait une joie de vivre inqualifiable. Des enfants s’amusaient sur une place sous les regards attendris de leur mère causant à l’ombre d’un très grand arbre. C’est un Baobab d’Afrique se dit Jason tout en suivant la fillette.
Ils pénétrèrent alors dans une clairière bordée de conifères. Des petits lapins de garenne gambadaient à travers les buissons. Les pinsons et les hirondelles se livraient à un concert réjouissant.
Ce qui remplissait Jason d’étonnement, c’est qu’il n’était pas sûr qu’il y ait ce type de forêt en Afrique. Il avait l’impression d’avoir été transporté dans un environnement différent, plus européen. Ils traversèrent la clairière, émerveillés par les beautés du paysage qu’ils voyaient, puis ils suivirent des sentiers de montagnes où l’air pur revigorait Jason. Il avait tant voulu se trouver là, qu’il s’offrait tout entier à la nature, à cette civilisation certes sauvage, mais grandiose et bien organisée.
Mû par un soudain désir de faire corps avec la palette de couleurs suave qui émerveillait ses yeux, il s’enfonça à travers les grands épicéas aux troncs irréguliers tenant toujours la main de sa petite princesse. Il imprégnait son âme de la musique de l’orchestre des êtres vivants peuplant leur milieu.
Ils traversèrent bois, mais aussi marées, dunes, coteaux et quand il leva les yeux, il sut qu’il était arrivé. Il entendait chaque son en passant du pépiement de l’oiseau sur les branches aux rugissements lointains des fauves. Des lianes se balançaient sous la brise et semblaient l’inviter à pénétrer au cœur de l’écosystème qui s’étalait devant lui.
Au moment où il s’élançait vers la jungle, il sentit la main de la petite fille lâcher la sienne. Il la fixa d’un air interrogateur.
Elle avait peur, il en était sûr. Ses yeux noirs s’étaient agrandis d’effroi. Il essaya de l’entourer de ses bras afin qu’elle ne craigne plus, mais elle poussa étouffa un cri avant de se dégager et s’enfuit en rebroussant chemin.
Peu à peu, Jason s’éveilla et ouvrit les yeux. Il n’avait pourtant pas eu l’impression de les avoir fermés. L’agitation urbaine arriva à ses oreilles tels les rugissements de plus en plus rapprochés d’un jaguar. Il était maintenant debout à la sortie du camp de réfugiés. Devant lui s’étendait la ville. Encore un pas et il la pénétrerait.
Il jeta un regard en arrière et vit au loin la petite fille à la peau sombre qui courrait au milieu des tentes.
Une princesse…
Jason sourit. La vraie jungle avec ses vrombissements sauvages et ses sirènes stridentes, se tenait là à un pas de lui. C’était là que commençait son monde. Il l’avait compris.

« Chacun à sa jungle, mais il est le seul capable de la déterminer »