Patrick J. Gyger, Brighton, le 30 juin 2010

"Au sixième étage, les mouettes règnent. L’un d’entre elles m’observe d’un air dubitatif alors que je rédige ces lignes. La fenêtre n’est que légèrement entrouverte (Middle Street est célèbre pour être la rue la plus venteuse de la ville), et la curiosité de l’oiseau ne dure qu’un instant. Il se laisse paresseusement glisser vers la plage et les restes de fish and chips. À mon avis, cela doit faire des mois que le volatile n’a pas goûté à du poisson frais.
L’heure n’est plus vraiment matinale, mais la jetée est encore calme, train fantôme et montagne russe sont silencieux. Pas besoin d’être l’une des bohémiennes de la promenade pour deviner qu’une méchante gueule de bois cloue au lit la majorité des visiteurs de la veille. Je dispose donc de quelques heures de répit avant qu’une nouvelle vague de fêtards ne vienne prendre d’assaut les clubs et ne transforment les alentours en un bruyant paysage digne de Bosch. Juste le temps pour moi, j’espère, de préparer une sélection d’images pour une exposition sur Lovecraft, de finaliser un texte sur les systèmes robotiques émergents, de relire un catalogue à envoyer à l’impression, de répondre à du courrier. Tout est urgent, voire en retard, mais juste un peu - ou alors tellement en retard qu’il n’est même plus besoin de s’en préoccuper. Et impossible de repousser à demain, vu que je passe la journée dans le train, l’avion, le train encore, direction Ailleurs, en Suisse. Mais après tout, quelques minutes à boire un café au bord de l’eau n’y changeront pas grand chose, et je me laisse guider par les mouettes, en direction de la plage."

Patrick J. Gyger