Qui es-tu ?

Écrit par VIDALENC Camille (3 eme, Collège Victor Hugo de Volvic)

Qui es-tu ?

A quelle tribu appartenait celle- ci ? Jason arracha ses semelles à la terre gluante et se dirigea vers elle.

En route, il s’aperçut de la propreté de ses vêtements et ceci l’interpella. Il franchit la zone délimitée par de vieilles baskets dans laquelle la mystérieuse petite fille se trouvait. A ce moment là, tous les habitants aux alentours sortirent de leurs tentes de fortune. Tous lui hurlaient dessus, leurs regards et leurs gestes traduisaient la méfiance et l’agressivité qu’ils avaient à l’égard de Jason. Ils étaient probablement de la même ethnie car ils avaient tous une marque sur le visage et vivaient ensemble. La petite ne semblait pas présenter de marque. Ils marquaient simplement leur territoire tel des chiens.
Jason n’avait aucun repère, il était seul donc selon la loi des animaux, faible. Il fallait qu’il s’abrite et mange. Les choses essentielles à un être humain. Mais pouvait-on catégoriser les conditions de vie de ce lieu comme humaines ? Il s’aventura alors dans la fameuse jungle pour se trouver une tente ou tout du moins un espace calme pour dormir. Chaque pas l’épuisait un peu plus et l’éloigner un peu plus de sa perception initiale de la jungle. Jamais dans sa vie, il se serait imaginé faire des milliers de kilomètres pour arriver sur une terre aussi dépourvue de toute humanité. Il était partit de l’Irak, seul. Sa famille, pour qu’il parte, avait fait des mois d’économies. Il était passé par la Turquie, avait, pas sans mal, longé la mer méditerranée pour arriver en Italie .En effet, il perdit ses connaissances dans un naufrage, se fit arrêter et s’évada. Il parvint ensuite à se caler sous un camion pour passer la frontière de la France. Mais son périple n’était pas terminé, son but : arriver en Angleterre, démarrer une nouvelle vie, suivre des études de médecine et faire venir ses parents après avoir obtenu ses papiers. En partant il aspirait à une meilleure vie mais il se retrouvait coincé en France, dans cette jungle. D’ailleurs se demanda Jason : « Les habitants d’une jungle sont les animaux mais nous comment nous appelle-t-on ? ». Il décida de dormir enfin sur un tas de boue.
Le réveille fut brutale puisqu’il se leva d’un cauchemar, mais quand il ouvrit les yeux, il cherchait la réalité. La réalité ? Il était encore plongé dans un mauvais rêve. Le manque de toilettes le poussa à se faire dessus. Jason s’était trop longtemps retenu et se demanda s’il était encore civilisé. Il attrapa, à côté de lui, un miroir cassé laissé là. En se regardant, il fit un rebond, se demanda « Est-ce vraiment moi cet homme ? ». En effet, il était trop maigre, trop sale pour se reconnaître. Une des choses qu’il remarqua en relevant la tête était la petite fille. Elle paraissait plus civilisée, elle avait comme on dit des manières. Elle ne semblait pas hautaine mais elle se tenait bien telle une petite princesse et son regard contrairement à celui des autres enfants qu’il avait rencontrés n’était pas vide, ni rempli de larmes ou de désespoir. La petite fille de la veille se tenait pas très loin de lui, seule et le regardait. Que cherchait-elle ? Elle l’analysa puis partit.
Jason se leva et emprunta ce qu’il pensait être un chemin. Il traversait de nouveaux quartiers qu’il n’avait pas vus auparavant. Il y avait des zones délimitées par les différents peuples et familles pour qu’ils ne se mélangent pas. Il y avait plusieurs femmes, des enfants, des bébés mais il y avait beaucoup plus d’hommes. Principalement des jeunes qui avaient, sûrement comme lui espoir d’une meilleure vie en quittant leur pays. Tu parles d’une meilleure vie ! Lorsqu’il se retourna, il vit la petite fille qui le suivait. Ce chemin menait à un camion. Soudain Jason vit des gens propres qui paraissaient européens. Il paniqua, commença à rebrousser chemin en courant et suffoquant jusqu’à ce qu’il voie sur les visages des gens des sourires amicaux et dans leurs mains de la nourriture. A ce moment là, Jason comprit qu’ils n’étaient pas là pour le renvoyer dans son pays d’origine. Il s’approcha et prit la nourriture proposée.
Tout à coup. Ce fut le chaos, des bombes lacrymogènes explosèrent de partout, les gens sortirent de leurs tentes, en panique. Tout le monde courait dans tous les sens sans compter les pierres lancées. La petite fille bondit vers Jason et lui prit la main. Ils coururent le plus vite qu’ils purent mais à cause de la taille de ses jambes, la petite les ralentissait. Jason la porta, la prit contre lui et courut encore plus vite pour s’échapper. Ce n’était plus la conscience qui parlait mais l’instinct de survit. Le bruit, les impacts, les pleurs, les cris, la foule, les morts, les blessés. Une bataille avait sûrement dérapé entre les différents nationalistes. La petite pleurait et pleurait, voir les larmes couler sur ses petites joues rendaient Jason lui aussi, triste.
Au fur et à mesure que le temps avançait elle se calmait. Elle devait avoir aux alentours de six ans. Jason lui parla dans plusieurs langues. Il commença par l’anglais « hello » et continua par la langue persane : « salaam » , voyant qu’elle le comprenait peu il utilisa le vocabulaire d’autres langues, non pas qu’ il les avait apprit à l’école mais celui qu’il avait retenu de son horrible voyage . Il lui parla en afghan « oraz », elle ne comprenait toujours pas. Quand il lui dit alors « Subah wanagsan », elle sourit bêtement. Le problème est que Jason ne savait pas d’où venaient ces mots, il les avait juste entendus par ci, par là. Il ne savait pas non plus d’où elle venait. Il n’avait pas prévu d’emmener avec lui, en Angleterre, une enfant. Ce serait trop risqué. Il commença à chercher les parents de la petite. Mais la police était intervenue et se trouvait partout dans le « bidonville ».Personne ne pouvait désormais bouger. Des camions arrivèrent à leur tour pour prendre les morts. Des personnes gisaient au sol en plein milieu de la jungle. Tout à coup la police partit et dès lors on entendait dans toutes les bouches paniquées et en toutes les langues « démantèlement !? Ce n’est pas possible ! ». La peur d’être remmené dans son pays, figeait Jason. Il changea alors de direction et partit vers la seule issue où la police n’était pas présente.
C’était inimaginable. La petite se laissait envahir par les hautes herbes, du coup Jason la porta. Même si elle était au départ un poids de plus pour lui, il commençait à s’attacher à elle. Et elle, lui faisait confiance. Lorsque l’on n’a rien, on s’attache vite aux seules choses que l’on possède, aux seuls êtres qui vous entourent. Les hautes herbes aboutissaient à une plage. Arrivé Jason se sentit soulagé. L’insécurité qui régnait dans la jungle était pesante. Il avait réfléchi, il garderait la petite avec lui, il fallait qu’il l’assume. Il décida déjà de trouver de la nourriture car la petite avait faim. Il lui fit boire de l’eau salée, de l’eau trouvée dans la mer. Elle la recracha. Il longea la mer et arriva devant une ferme, se posa dans l’herbe, et décida de parler avec la petite. Jason lui demanda en anglais comment elle s’appelait ? Mais elle ne semblait pas comprendre et restait muette. Etait-elle muette ? Mais d’où venait-elle alors ? Pourquoi ne réclamait-t-elle pas ses parents ? Un vieillard s’avança vers eux et s’écria « dehors les migrants ! On ne vous veut pas ! » Jason prit la petite et encore une fois fuit. Une fois hors de danger Jason dit à la petite « pourquoi suis-je né ? C’aurait été tellement simple autrement ! ».
Mais à chaque fois que son moral baissait, il pensait à elle. Elle était devenue sa raison de vivre car il avait comprit que sans argent, tout seul, enfin à deux, l’Angleterre était trop difficile à atteindre.
Les longues heures où il marcha, portant la petite fille sur son épaule les menèrent dans le centre ville. Une manifestation était menée par les calaisiens. Contre les migrants. Jason entendait des « dehors », « vous êtes des animaux ».Les deux se trouvèrent embarqués dans le mouvement. Jason et la petite s’en allèrent dans un des gigantesques magasins, ils trouvèrent de la nourriture que Jason avait prévu de voler pour sa protégée. Dans le magasin la petite lâcha un « bonjour » à un vendeur. Ceci interpella Jason qui comprit alors qu’elle savait parler le Français. Mais alors qui était-elle ? Jason pensait que c’était une migrante comme lui mais il ne savait pas vraiment. Il ne comprenait pas, Il ne comprenait rien. Soudain il tourna la tête et vit une affiche où on voyait la tête de la petite. Elle était en réalité française, s’appelait Anna et ses parents la recherchaient. Il reprit la main de la petite et se dirigea vers la sortie. Tel un animal avec son enfant, il ne réfléchit pas. Il lui fallait désormais cette fillette près de lui. Il commença à marcher, marcher vite et son cœur battait. Tout à coup, un commerçant la reconnut et s’écria « et vous, Arrêtez vous ! » L’adulte courut vers la petite et la prit par la main, elle était tirée d’un côté par Jason d’un côté par l’autre homme…
La guerre dans son pays, lui avait tout pris, l’argent, sa famille, son village, son bonheur et sa dignité. Dans sa tête, il hurlait de tristesse et son ventre hurlait de faim mais pourquoi rester en vie quand on ne sait pas pourquoi nous vivons ? Quel est le but d’une vie sans raison ? Survivre ? Le souffle de la fillette dormant, dans son cou, lui manquait déjà.