Salade de fruits

Thomas PERRIN, en 6ème au college Charpak, Brindas (69), académie de Lyon, classé 2ème de l’académie de Lyon

SALADE DE FRUITS

Victor était chasseur de rêves.
C’était un métier qui demandait beaucoup d’agilité, pour bondir de toit en toit, beaucoup de dextérité, pour manier le filet à rêves, beaucoup de courage, pour sortir seul la nuit et beaucoup d’imagination, pour effectuer un tri entre beaux rêves et rêves anodins, tout en évitant les cauchemars dangereux et les hallucinations inutiles.
Agilité, dextérité, courage et imagination.
Victor était agile, dextre, courageux et avait toujours fait preuve d’imagination. C’est d’ailleurs cette imagination qui lui avait permis, lorsque ses parents étaient morts, de ne pas se retrouver enfermé à l’orphelinat mais d’être embauché par monsieur Paul.
Mystérieux et inquiétant monsieur Paul.
Victor ignorait ce qu’il fabriquait avec les rêves qu’il lui achetait, pas très cher d’ailleurs, mais cela n’avait pas vraiment d’importance. La seule chose qui comptait pour Victor, c’était de voir les songes se glisser à l’extérieur des maisons par les interstices entre les tuiles des toits, se déployer en fines volutes colorées, onduler un instant comme s’ils cherchaient leur route puis filer vers les étoiles.
Sauf s’il se montrait assez rapide.
S’il se montrait assez rapide et abattait son filet avec suffisamment de précision, le rêve finissait dans sa besace.
Une nuit de printemps, alors qu’il n’avait capturé qu’un petit rêve bleu et cherchait quelque chose de plus consistant à attraper, Victor aperçut une silhouette adossée à une cheminée.
Elle regardait le ciel et ne parut pas surprise lorsqu’il s’assit à ses côtés.
« Tu t’appelles comment ? »
« Je m’appelle Eejil, lui répondit-elle, et je viens te parler de tes parents. »
« Je… Tu… Que sais-tu ? »
« Skeleqkter règne ici, sur Agrume, depuis seize ans. Il a effectué un croisement entre deux espèces maléfiques pour empêcher de faire des rêves heureux. Mais cette créature n’est pas fiable, c’est ce qui te donne le temps d’attraper les rêves et de les vendre à monsieur Paul. Je ne t’apprends rien, n’est-ce pas ? »
« Non, en effet. »
« Voilà maintenant ce que tu ne sais pas. Monsieur Paul donne les rêves aux gens qui en ont le plus besoin. Tes parents sont morts car ils avaient volé le plan d’une arme qu’allait créer Skeleqkter pour asservir cette planète. Cette arme va entrer en action demain matin. Tu as dix heures pour trouver un rêve jaune, un rouge, un bleu et un vert. Il faut qu’ils s’allient pour former un énorme rêve multicolore qui sera de taille à détruire l’arme et renverser Skeleqkter. Toi seul peux effectuer cette tâche. Tu es le seul espoir de la liberté de cette planète. Bonne chance. »
Eejil disparut.
Victor était abasourdi. Pourquoi lui ? Et pourquoi cette créature pouvait-elle être détruite par des rêves ?...
« Bon, se dit-il, je le saurai en temps voulu. Je n’ai que dix heures. Je vais commencer par demander au rêve bleu s’il veut bien m’aider. »
Il le sortit de son sac.
« Bonjour rêve bleu. Comment t’appelles-tu ? »
« Je m’appelle Rêvebleu » lui répondit-il.
« Acceptes-tu de t’allier avec d’autres rêves pour renverser Skeleqkter ? »
« Avec plaisir, le métier de rêve est monotone : cela va me distraire. »
Victor, bondissant de toits en toits, partit à la recherche des rêves.
Il était brun, avait les yeux bleus, il était petit et mince. Il se trouvait dans le quartier Depamplemousse quand tout à coup, il vit un rêve rouge sortir d’une cheminée pour chercher quelqu’un qui voudrait rêver de lui. Victor s’élança. Tantôt courant, tantôt bondissant ou escaladant, il parvint à la hauteur du rêve. Il abattit son filet avec une si grande précision et une si grande vitesse que le rêve ne put s’échapper.
« Bonjour rêve rouge. Comment t’appelles-tu ? »
« Je m’appelle Rêverouge » lui répondit-il.
« Acceptes-tu de t’allier avec ce rêve pour renverser Skeleqter ? »
Il sortit le rêve bleu de son sac.
« Avec plaisir ! Le métier de rêve est monotone : cela va me distraire. »
Il se trouvait dans le quartier Dorange quand il vit un somnambule marcher sur le toit en rêvant d’un rêve vert ! Il abattit son filet et attrapa le rêve vert. (Malheureusement il assomma aussi le somnambule)
« Bonjour rêve vert. Comment t’appelles-tu ? »
« Je m’appelle Rêvevert » lui répondit-il.
« Acceptes-tu de t’allier avec ces rêves pour renverser Skeleqkter ? »
Il sortit les rêves de son sac.
« Je parie, songea Victor, qu’il va accepter avec plaisir car le métier de rêve est monotone et que cela va le distraire. »
« Avec plaisir, dit Rêvevert, le métier de rêve est monotone : cela va me distraire. »
« Alors allons-y ! Plus que le rêve jaune ! »
Il se trouvait dans le quartier Demandarine quand il vit passer un rêve… vert kaki, suivi d’un rose, puis d’un blanc.
Tout à coup un Flou (on appelait ainsi les soldats de Skeleqkter car ils portaient une combinaison qui rend flou celui qui s’en vêtit) lui fonça dessus ! Skeleqkter avait dû être au courant car bientôt, une dizaine d’autres Flous l’encerclèrent ! Victor, décidé à vendre chèrement sa peau, fonça sur le TF1 (Très Flou 1 : commandant de la 1ère brigade de Flous). Le garçon envoya un puissant coup de pied au visage du TF1 et dans le même mouvement, se tourna et donna un grand coup de coude dans son plexus solaire (Victor avait pris des cours de karaté).
Avant même que le commandant ait touché le sol, il lui prit de sa ceinture son déflouisseur et son paralysator (les armes du TF1 : le déflouisseur annule les combinaisons floues et le paralysator paralyse toutes les personnes à vingt mètres à la ronde de celui qui l’active). Il utilisa les deux d’un seul coup et profita de l’immobilité de ses adversaires pour s’enfuir.
Il se trouvait dans le quartier Decitron quand une autre bande de Flous se lança à sa poursuite. Victor comprit que Skeleqkter ne le lâcherait pas. Il utilisa le paralysator et s’enfuit de nouveau. Tout à coup, un rêve jaune lui passa devant. Victor bondit et l’attrapa sans difficulté.
« Bonjour rêve jaune. Tu t’appelles Rêvejaune, je parie. »
« Non, je m’appelle Jean-Marc. »
« Ah… heu… et… pourquoi ? »
« Ben… je n’en sais rien. »
« Acceptes-tu de t’allier avec ces rêves pour renverser Skeleqkter ? »
Il sortit les rêves de son sac.
« Ouais, si tu veux. »
« Alors il est temps de vous allier ! » dit Victor.
Les quatre rêves s’allièrent pour ne former qu’un seul et même rêve … non seulement multicolore mais surtout énorme. Il continuait de grossir comme par magie et se stabilisa à plus de deux mètres cinquante !
« Je peux t’appeler Rêvemulticolore ? » demanda Victor.
« Oui, c’est assez joli. »
« Et … sais-tu où est la créature ? »
« Oui, au laboratoire du palais. »
« Alors allons-y ! »
Le laboratoire se trouvait dans le quartier Dorangesanguine. Le bâtiment était d’un noir veiné de rouge. Il était gardé par une escouade entière de Flous. A côté d’eux, se trouvaient plusieurs cauchemars.
« Je paralyse les Flous et vous vous occupez des cauchemars, ok ? »
Sans répondre, Rêvemulticolore fonça sur les cauchemars et les percuta. La noirceur des mauvais rêves faiblit avant de s’éteindre. Les cauchemars avaient complètement disparu !
De son côté, Victor avait activé le déflouisseur et le paralysator. Il pénétra dans le bâtiment suivi par Rêvemulticolore.
Il arriva dans une grande salle entièrement grise. Au centre de cette salle, une gigantesque forme noire haute d’au moins cinq mètres ondulait en poussant des cris. A côté de la créature se tenait… Skeleqkter. Il était petit et assez musclé.
« Bonjour Victor, je t’attendais » dit-il d’une voix sarcastique.
Victor resta muet.
« J’ai attiré tous les cauchemars d’Agrume dans un piège. Ensuite j’ai forcé la plupart à fusionner entre eux. Cette créature est une alliance de cauchemars. Maintenant, avant le combat entre nos créatures, je vais lui donner à manger, tu verras ainsi ce qui t’attend ensuite… Gardes, allez chercher un de mes Flous ! »
Les gardes revinrent quelques instants plus tard avec un Flou menotté. Ils le posèrent près de la créature, puis le poussèrent dessus. Dès qu’il entra en contact avec la bête, il disparut en criant. Ses hurlements d’agonie retentirent plusieurs instants puis s’arrêtèrent.
« Vous êtes un monstre ! » s’écria Victor.
« Merci, le compliment me touche » répondit Skeleqkter.
Victor fonça sur Skeleqkter. Après une belle prise de karaté, il l’agrippa et le jeta… sur le monstre !
« Noooooon ! Cauchemars, je suis votre paître, euh… votre maître, lâchez-moi ! » hurla Skelekqter.

« Coupez ! lança la réalisatrice. John, tu t’es encore trompé ! Fais un effort ! »
« Désolé Clémentine… »