Souvenirs d’enfance

Écrit par CHARLES Emma (6ème, Collège Mathy de Luxeuil les Bains), sujet 1. Publié en l’état.

J’aimerais que tu m’aides à grandir. Je sais que tu es quelqu’un qui me comprend. Je peux te confier tous mes secrets, mes amours, mes tristesses, tout. Je peux aussi te dire que mes amis trouvent que je me renferme. D’ailleurs, je n’ai plus d’amis, à part toi. C’est horrible. Ma vie est un enfer à cause de mon enfance. D’ailleurs, il faut peut-être que je t’en parle.

Tout a commencé le jour où je devais faire ma rentrée en primaire. Maman m’avait fait des anglaises et repassé mon uniforme. Papa m’avait acheté les fournitures nécessaires pour bien commencer l’année et Grand-mère, de beaux souliers vernis. J’étais magnifique. Quand je suis arrivée, j’étais sûre de me faire des amis. Ça ne s’est pas du tout passé comme prévu. Je suis entrée dans la cour, le sourire aux lèvres. Mais quand les élèves se sont mis à me regarder bizarrement, je me suis dit :
« Que se passe-t-il ? Que regardent-ils ? »
J’ai vu que tous leurs regards étaient braqués sur la broderie que maman m’avait cousue sur mon uniforme. Il faut juste que j’aie une étoile pour être différente ? Soudain, la cloche a sonné et les élèves se sont mis en rang. Je me suis retrouvée toute seule, au fond de la cour. Même la maîtresse m’a jeté un regard qui n’exprimait rien de bon. Quand nous avons dû choisir nos places, j’ai décidé de me mettre tout au fond, près de la porte.

Je ne sais pas si je te l’ai déjà dit, j’étais une très bonne élève mais Mme Moulin, l’institutrice, m’enlevait toujours deux points et demi à ma dictée, juste pour un accent oublié ou pour une petite tache d’encre. J’ai toujours trouvé ça injuste mais je n’osais rien dire. J’avais trop peur. J’étais aussi effrayée à l’idée que mes camarades sachent où j’habite. Qui sait ce qu’ils pouvaient faire : incendier notre maison, écrire des insultes sur notre porte d’entrée, aller dénoncer mes parents à la police pour quelque chose qu’ils n’auraient même pas fait …
Je te dis tout ça pour que tu comprennes à quel point les élèves de ma classe me détestent. Le pire, c’est que je ne sais même pas pourquoi !

Au collège, ça a continué. Mais vers le milieu de mon année de 6ème, je me suis fait une amie : Nina. Elle aussi a une broderie sur sa veste d’uniforme. Curieusement, nous avons la même. Nous sommes vite devenues inséparables. Ensemble, c’était mieux. On était plus fortes. Mais une tragédie a bouleversé nos vies. Un matin, Nina n’est pas venue au collège. Quand nous sommes entrés en histoire/géo, la première matière du matin, le professeur nous a dit :
« Les élèves, j’ai une triste nouvelle à vous annoncer. Votre camarade Nina na viendra plus ici. Sa famille a dû quitter précipitamment le pays pour des raisons de religion.

  • Quelles raisons ? a demandé un élève.
  • Nina est juive. Ça veut dire que sa famille a une religion que très peu de gens aiment. Ils ne sont pas vraiment les bienvenus. »

Moi, ça m’a fait un choc. Je n’écoutais plus ce que le professeur racontait. J’étais comme bloquée. Ma meilleure amie, la seule que j’avais, était partie. J’étais à nouveau seule. Mais si Nina était juive, est-ce-que moi aussi je l’étais ? Je me suis promis d’aller poser la question à papa et maman le soir même. J’avais vécu la pire journée de ma vie. Quand je suis rentrée à la maison, j’étais décidée à leur poser la question. Mais devant la porte d’entrée étaient empilés des sacs. J’étais abasourdie. Je leur ai demandé :
« Pourquoi y a-t-il tous ces sacs ?

  • On part, m’a répondu papa.
  • Mais où donc ?
  • Je ne sais pas. On verra à la frontière. »
    Puis il est rentré dans la maison et moi, je suis restée dehors, toute droite et prête à pleurer. Et c’est là que j’ai tout compris. Moi aussi j’étais juive, moi aussi, je devais partir, comme Nina. Voilà pourquoi elle est venue vers moi, elle savait qui j’étais car elle avait vu l’étoile cousue sur ma veste d’uniforme. Nina savait que c’était un symbole juif, moi non. Maintenant, je vais faire comme elle, je vais fuir. À cause de tous ces gens qui ne nous aiment pas. Ça tombe bien, nous non plus. Deux heures plus tard, on était déjà loin de la maison. J’étais sûre que personne n’allait nous regretter. Cela faisait dix heures que nous roulions. Enfin papa s’est arrêté. Il était une heure du matin. Maman avait allumé une lampe torche et j’ai découvert une vieille ferme, toute délabrée avec un gros trou dans le plafond. Nous avons vécu là plusieurs mois tranquilles. Je n’allais plus au collège, maman trouvait que c’était trop dangereux. Et puis un matin, on a toqué à notre porte. Papa a ouvert. C’était un soldat. Il a dit :
    « Vous êtes en état d’arrestation. »
    Moi, j’étais en haut, cachée dans ma chambre avec toi, mon seul ami, et j’avais tout entendu. Est-ce-que je reverrai un jour mes parents ? Qu’en penses-tu mon ami ? Réponds-moi, mais réponds-moi ! Je t’écris mais tu ne me renvoies rien ! Maintenant, je ne sais plus où aller. Mes parents ont été arrêtés et vont être fusillés. Je n’ai plus de famille. Que dois-je faire ? Dis-le-moi !
    Je sais bien que tu n’es qu’un journal intime… mais me confier à quelqu’un, même à un objet, m’aidera sûrement. Enfin j’espère. J’aimerais qu’une personne partage cette tristesse avec moi. D’ailleurs, il faut peut-être que je me présente. Au cas où, si quelqu’un lit un jour ce que j’écris. Je m’appelle Hannah, j’ai à peine douze ans. Je suis juive et seule. Pendant toute mon enfance, j’ai été poursuivie par les moqueries, les mauvais regards et les paroles dans mon dos. Je me demande si je vais survivre. Juste pour une étoile brodée, ma vie a changé. Mais pourquoi cette injustice ?

Hannah posa son journal quand on frappa violemment à la porte…

Ce texte est un hommage à Anne Frank.