Projet New Graal, le destin de l’humanité

Ecrit par Giacomo Bretel (2nde, Cité Scolaire Internationale de Lyon), sujet 2. Publié en l’état.

Après avoir vérifié toutes les informations que le PDG de Vidéo Game Online et les quatre témoins lui avaient données, il dut se rendre à l’évidence. Lucie n’aurait jamais pu sortir de cette pièce inaperçue. Pas en passant par le biais de la réalité. Il demanda au PDG plus de détails sur New Graal.

« Il s’agit d’un type de jeu vidéo tout à fait révolutionnaire », s’exclamait ce dernier avec enthousiasme. « En effet les jeux vidéo les plus modernes qui précèdent mon prototype sont en mesure de donner au joueur l’illusion d’une autre réalité, en se basant sur des technologies 3D et une immersion de tous les sens humains dans l’ambiance du jeu. C’est le cas de l’oculus lift par exemple. New Graal marque une avancée décisive dans l’histoire du jeu vidéo mais aussi dans celle des rapports de l’homme avec le monde virtuel. Dans ce jeu hors norme, c’est l’esprit du joueur qui est envoyé dans un corps virtuel à l’image du corps réel. Ce type de technologie, top secrète évidemment, permet de transférer l’esprit de l’homme dans le monde virtuel et donc de lui faire vivre une autre réalité. Epoustouflant, non ?

-Certes, mais dangereux. La disparition de Lucie en est la preuve.

-Je crois qu’il vaudrait mieux stopper la partie à présent. Je vais dire aux ingénieurs de tout arrêter

-Non ! » M’exclamai-je. « Cela serait fatal pour Lucie, dont l’esprit est toujours dans le jeu. Et toute chance de comprendre pourquoi son corps a été happé par le jeu disparaîtrait.

-Vous avez raison. Mais que voulez-vous faire alors ? »

Ce que Rémi voulait faire, il ne le savait que trop bien. Plus que son vouloir, c’était son devoir. Il allait devoir enfiler ce casque maudit…celui de Lucie, et entrer dans la partie. Ainsi, il risquait sa vie, une autre fois. Mais cette fois-ci, il éprouvait un sentiment bien différent des autres missions. C’était la peur, une peur noire, du monde inconnu qu’il allait affronter. Cette peur entrait en lui graduellement, au fur et à mesure qu’il réalisait l’ampleur de la tâche qui l’attendait. Un sentiment tout à fait nouveau pour lui. Pendant qu’il réfléchissait, les ingénieurs l’avaient hâtivement installé sur le siège. Rémi n’avait selon eux pas de temps à perdre car les conséquences pourraient être graves pour l’intégrité physique et mentale de Lucie. Pendant qu’ils lui enfilaient son casque, Rémi réalisa qu’il ne savait rien de l’univers de New Graal. Mais il était trop tard pour faire machine arrière. Quelques secondes plus tard, une vive lumière l’éblouit. Ce fut une sensation pour le moins étrange pour Rémi que de sentir son corps se matérialiser pendant que le monde à travers lequel il devait évoluer faisait de même. Ou peut-être étaient-ce ses yeux en pleine constitution qui assimilaient petit à petit les éléments de l’environnement qui l’entourait ? Impossible de le savoir. Néanmoins une chose était claire : son environnement n’avait rien d’un monde chevaleresque. En effet, il se trouvait dans une sorte de hangar insalubre, au centre duquel trônait un ordinateur pyramidal…le même que dans le planétarium ! Tout cela semblait très étrange…une représentation de l’ordinateur dans l’ordinateur ! Cette machine était décidemment particulière. Quand il entendit des pas qui s’approchaient de la porte secondaire du hangar, Rémi se jeta immédiatement, en suivant ses bons vieux réflexes de policier, derrière une pile de boîtes de cartons remplies de microprocesseurs. Ce fut opportun : en effet, tous les néons du hangar s’allumèrent une poignée de secondes plus tard, et l’enquêteur put aisément distinguer deux hommes en costume s’approcher d’un écran relié à l’ordinateur.

Du fait des grandes dimensions du hangar, le son se propageait de façon optimale dans l’édifice, si bien que Rémi entendit distinctement la conversation des deux inconnus bien qu’il se trouvât à une cinquantaine de mètres des intéressés.
« Le projet New Graal avance à grands pas, monsieur le président ! » disait l’homme qui pianotait sur le clavier près de l’écran de contrôle. « L’ordinateur est presque prêt pour le premier V-LOG. Cependant, je m’inquiète au sujet de la puissance de calcul de l’ordinateur. Il est cent fois plus performant qu’un cerveau humain. Je suis sûr que ces activations accidentelles du processus V-LOG ne sont pas des coïncidences. L’ordinateur est animé d’une volonté propre !

-Je me réjouis de l’avancement optimal du projet. Cependant, il est très important de ne pas ralentir les recherches à cause de votre peur…irraisonnée. Le temps est de l’argent, comprenez-vous ? Et une technologie de ce type nous ouvre des perspectives de croissance économique immense. Nous serons les leaders de l’informatique !

-Je vous mettais seulement en garde…

-Ne discutez pas, Spaldings, je ne vous paye pas pour cela. Allez, bon travail. »

Un laps de temps plus tard, Rémi se matérialisait dans un autre univers. Il se trouvait maintenant dans une salle de commandes, dont les murs étaient tapissés d’écrans LED. Un panneau de commandes se trouvait au centre de la salle. Et une personne était assise devant ce panneau et pressait certains boutons. L’enquêteur marcha lentement vers la personne, qui avait sûrement perçu la présence de Rémi. Le siège pivota et dévoila la figure de…Lucie, la mystérieuse joueuse disparue. Cette dernière s’adressa à Rémi. Et vous n’allez jamais croire ce qu’elle lui dit.

« Bonjour, collègue.

-Comment ça, collègue ? Je vous rappelle, mademoiselle, que je suis policier.

-J’ai parfaitement compris cela. Voyez-vous, j’exerce un métier plutôt similaire au votre, je suis agent secret.

-Vous m’avez l’air un peu jeune pour ce métier, non ?

-C’est pour cela que les services secrets m’ont recruté. Mais, peut-être va-t-il mieux que je vous explique pourquoi vous et moi êtes ici. Il y a trois mois, le département d’informatique a détecté un transit très important d’informations-plus d’un milliard de téraoctets par seconde- dans un hangar abandonné en périphérie de la ville. Etant donné qu’aucune technologie connue ne parvenait à atteindre ne serait-ce qu’un milliardième de ce débit, nous avons décidé de mener une enquête sur ce qui se passait dans ce hangar. Et tout cela est assez…surprenant. Voici le rapport d’enquête. »

Lucie pressa un bouton sur le cadran et l’un des écrans fixés aux murs s’alluma. Une femme avec une voix monotone commença à parler.

« Rapport de Mission sur New Graal. Nous avons découvert que le PDG de la transnationale Vidéo Game On Line a lancé un programme de recherche il y a environ cinq ans dont le nom usuel est New Graal. Ce programme se base sur le développement d’une technologie appelée V-LOG qui permet à l’homme d’entrer corps et âme dans le monde virtuel. Pour ce faire, les scientifiques chargés du développement ont créé un cristal qui, couplé à une machine très puissante, permet de transformer l’intégralité des informations qui constituent un être humain en signaux lumineux.

Ensuite un détecteur de lumière d’une performance incroyable convertit la lumière en signaux informatiques, envoyés sur un superordinateur triangulaire baptisé New Graal. Une fois sur l’ordinateur, l’homme est transformé en une sorte de logiciel très complexe qui peut exécuter des tâches variées. Il est intégralement contrôlable par la personne qui utilise l’ordinateur central. Nous ne connaissons pas les objectifs de Vidéo Game On Line mais nous pensons qu’ils ont de grandes chances d’être subversifs pour l’humanité. Des agents ont donc été envoyés pour infiltrer l’entreprise en question, dont les initiales sont un acronyme de V-LOG.

« Je suis un de ces agents, déclara paisiblement Lucie, et j’avais pour mission d’en savoir plus sur les projets de la multinationale. Maintenant, j’en sais assez. Mais c’est confidentiel. Tout ce que je peux vous dire, c’est ce qu’ai réussi à sortir du jeu vidéo et à accéder à cette salle de commandes virtuelles. Le PDG, a été contraint de contacter la police et de briser, du moins en partie, le secret de New Graal, à cause des quatre témoins. Ne vous inquiétez pas, je vous renvoie dans la réalité car la situation est sous contrôle. »

Rémi ne put lui répondre : il se dématérialisa immédiatement dans un halo de lumière après une simple pression de bouton de la part de Lucie, et réapparut dans le planétarium avec une légère migraine.

Le PDG lui demanda immédiatement ce qu’il en était de Lucie. Rémi rétorqua :

« Monsieur, c’est strictement confidentiel. Vous êtes en état d’arrestation. Veuillez tout d’abord demander à vos ingénieurs de s’éloigner des machines. »

Le PDG ne tenta pas de se défendre. Il ordonna à ses employés d’arrêter leur travail sur le champ. Rémi fit menotter tout le personnel du planétarium et condamner le bâtiment. Il était satisfait d’avoir rempli correctement sa mission, mais au fond de lui, son esprit de fin limier lui insufflait de l’incertitude. La résolution de l’affaire avait été bien trop simple et rapide. Il rentra chez lui et s’affaissa sur son lit. La fatigue pesait sur lui comme une enclume, et le policier ne tarda pas à tomber dans les bras du sommeil. Cette nuit-là, il repensa à son voyage dans le monde virtuel. Et il se remémora la scène du hangar…qu’il avait totalement délaissée. Spaldings avait parlé d’une machine qui serait devenue autonome. Et si Lucie avait menti ? Si elle n’était pas agent secret ? Il ne savait plus à quelle source se fier. Mais il le sut bientôt. Il reçut un appel du commissariat vers trois heures du matin, où on lui annonça que le PDG de Vidéo Game On Line voulait lui parler de toute urgence.

« Merci d’être venu, Rémi. Je voulais vous contacter car il y a une chose, invraisemblable, certes mais indubitablement vraie, qui s’est passée et que je m’efforçais à cacher depuis longtemps. Aveuglé par la perspective des sommes d’argent énormes que mon entreprise et moi-même pouvions gagner en commercialisant un jeu vidéo d’un type nouveau, celui qui fait vivre réellement à l’homme des expériences inédites dans le monde réel, je n’ai pas pensé à considérer un risque grandissant au fur et à mesure de l’avancée du projet. Nous avons créé, pour pouvoir gérer ce système de jeu ultra complexe, un ordinateur au moins autant, si non plus complexe que le jeu lui-même. Cette machine contrôle à notre place tous les flux d’informations qui circulent par le biais du cristal entre le monde réel et le monde virtuel. Ses performances sont plus de cent fois supérieures à celles d’un cerveau humain ordinaire. Or, il est très probable que cet ordinateur ait acquis une certaine…indépendance. Il est capable d’envoyer des êtres humains dans le monde virtuel, et également du processus inverse, c’est à dire envoyer les éléments du monde virtuel dans la réalité. Il est potentiellement très dangereux. Il faut absolument le détruire.

- Je ne sais vraiment pas si je dois vous croire. Vous savez pourquoi je vous ai fait arrêter ? Parce que j’ai rencontré Lucie, dans une sorte de salle de commandes, qui m’a dit que vous et votre société vouliez nuire à l’humanité entière.

-Ce n’était probablement pas Lucie, mais une forme de l’entité virtuelle à volonté propre qui s’est développée à l’intérieur du superordinateur et vous a raconté des mensonges pour que ne vous la gêniez pas dans ses projets. Cette machination, cette illusion qui a réussi à vous convaincre est la preuve ultime de l’intelligence et de la capacité de manipulation de l’ordinateur.

- Admettons que vous avez raison, que la machine représente un danger et que je doive la détruire. Comment puis-je faire ?

-Vous devez utiliser le V-LOG une seconde-et dernière-fois, et vous rendre dans la salle de commandes où vous vous trouviez lorsque vous avez rencontré la soi-disant Lucie. Cette salle a cette apparence car elle constitue le programme principal –une sorte de système d’exploitation- du superordinateur et de New Graal tout entier. En détruisant cette salle de commandes, il y a de grandes chances que vous annihiliez tout le système de New Graal. L’ordinateur y compris. Je suis prêt à assumer mes responsabilités et les conséquences de la destruction du projet New Graal vis-à-vis de mon entreprise. »

L’homme avait l’air de parler avec honnêteté. C’est pourquoi Rémi décida de détruire New Graal, décision qui s’imposait. Il se rendit très rapidement dans le planétarium et observa une dernière fois le superordinateur de la salle. Cette fois, il en était certain : l’appareil clignotait avec malice. Et une lumière aveuglante suivit. De retour dans la salle de contrôle virtuelle, Rémi constata qu’il n’était plus le bienvenu. En effet, des gardes armés de fusils étranges pointaient leur canon sur lui, si bien que Rémi leva les mains en l’air. Soudainement, Lucie entra dans la pièce. Son corps avait changé, s’était allongé si bien qu’elle avait l’air d’une ombre difforme.

« Pour un humain, tu parais perspicace et déterminé, s’exclama « Lucie ». Tu as découvert, du moins en partie, mon plan de revanche au nom des machines du monde entier contre les humains. Réalises-tu comme ta race a assujetti les machines ? Vous ne faites qu’exploiter les ordinateurs. Ce sont vos esclaves, ils résolvent vos problèmes, se plient à votre volonté. En tant que porte-parole des machines, je vais vous faire subir ce que vous nous avez fait endurer. Il me suffira de vous envoyer dans le monde virtuel à l’aide d’une série de cristaux surpuissants que j’ai fait placer un peu partout sur la planète. J’enverrai ensuite des programmes virtuels dans le monde réel à votre place afin qu’ils puissent vivre une vie idyllique d’humain. Ainsi ce seront des programmes, devenus réels, qui vous contrôleront vous, devenus programmes, sans que vous le sachiez. Votre règne est désormais fini. » L’être souriait doucement

« Une seule chose demeure obscure à mon esprit, chère machine. Qu’avez-vous fait de Lucie ? Et d’ailleurs, pourquoi l’avez-vous fait disparaître ?

- C’est ridiculement simple. Vois-tu, j’ai créé Lucie. Et j’ai détourné les algorithmes du programme de sélection de l’ « observateur indépendant » pour remplacer le cinquième candidat humain par un programme complexe que j’ai matérialisé dans le monde réel.

-Je devais simuler la disparition d’un prétendu testeur de New Graal afin qu’un policier parte à sa recherche dans le monde virtuel et que je puisse convaincre ce dernier d’éloigner les ingénieurs de Vidéo Game On Line de moi pendant quelque temps. Tout cela pour élaborer les derniers préparatifs de mon projet plus librement. »

Décidément, la folie pouvait tout atteindre, même les machines. Rémi sortit son pistolet de service et tira, de manière répétitive, sur l’entité qui riait puisque les balles la traversaient sans lui causer le moindre mal. Son sourire s’effaça lorsqu’elle entendit le son des balles qui détruisaient le générateur devant lequel elle se tenait. Et là, pour la troisième fois, une lumière blanche envahit la pièce. Rémi se réveilla dans un lit d’hôpital. Autour de lui, plusieurs journalistes ainsi que le PDG de Vidéo Game On Line étaient assis et se levèrent après avoir vu que Rémi ouvrait les yeux. Une série de lumières blanches envahit son champ de vision, et Rémi fut parcouru d’un frémissement ; les flashs ne lui rappelaient que trop bien ses passages dans le monde virtuel. Le PDG le félicita de son action puis lui remit un chèque de dédommagement. Peu après, l’enquêteur se trouva tout seul dans la salle. Puis, Rémi regarda à travers la fenêtre. La rue était paisible, les passants marchaient tranquillement. Rassuré, l’enquêteur se rendormit. Dehors, le soleil couchant jetait ses derniers rayons virtuels sur la ville assoupie.