Le chantage

Écrit par JONKHERE Maïa (4 ème, Louis Bouland de Couloisy)

LE CHANTAGE

Elle esquissa un pas à reculons, puis fit une brusque volte face et s’éloigna en s’efforçant de ne pas courir.

Elle entra dans la toute petite pièce faisant office de salle de bain, s’assit à même le sol, le dos reposant contre le mur blanc et ferma les yeux. Qui était cet homme ? Après réflexion, il lui sembla l’avoir déjà vu. Lola creusa dans sa mémoire pour se remémorer les derniers jours. Ca y est ! Elle se souvenait : il était avec ces gens qui lui faisaient du chantage la semaine dernière. Sûrement un sous- fifre qui ne pense que par les muscles, une brute stupide qui exécute les ordres sans penser à partir du moment où on lui promet une quelconque monnaie.
Alors ils étaient déjà là. Sur le moment, elle n’avait pas imaginé que leurs menaces pourraient être réelles. Lola se redressa. Elle ne pouvait pas rester là et attendre que ces impurs viennent la chercher, il fallait qu’elle agisse avant tout. La porte était déjà fermée à clé, mais par précaution, elle déplaça la table de métal pour entraver le mince passage qui menait au salon/chambre/cuisine qui lui faisait office de lieu de vie
L’homme, non, le monstre l’observait encore et toujours, la pupille dilatée comme une bête féroce s’apprêtant à dévorer sa proie. Lola tenta d’abaisser les volets à l’aide de la manivelle mais ça ne fonctionnait pas. Ca n’avait jamais fonctionné. Il lui était donc impossible de se soustraire à ce regard malsain ? Jusque ici, elle avait fait en sorte de garder son calme, ou du moins, de cacher sa panique. Malgré tout, la jeune fille sentait les sanglots monter, lui floutant légèrement la vue et lui brûlant la rétine. Pour ne pas montrer le moindre signe de faiblesse devant l’individu, elle se dirigea à nouveau vers la salle de bain, le plus naturellement possible bien que les larmes commençaient à dégouliner sur ses pâles joues.
Encore une fois, elle s’adossa contre le mur pour tenter de retrouver un minimum de tranquillité, de manière à mettre de l’ordre dans son esprit confondu par la panique, et de sécher les pleurs qui venaient s’écraser sur le carrelage blanc, formant de petites flaques d’eau cristalline.

C’est au bout d’une minute environ qu’elle retrouva une respiration à peu près stable, bien qu’elle eût toujours les yeux embués. Elle imagina alors plusieurs scenarios possibles, comment se défendre, ou même s’échapper. Mais au fond, une frustration grandissante s’emparait de son corps, elle ne trouvait pas de solution optimale lui permettant de s’enfuir sans dommage.
Elle jeta un rapide coup d’œil à l’extérieur de la pièce, il était toujours là, immobile tel une statue de pierre. Elle songea. S’il était là, au lieu d’aider ses supérieurs à entrer, ce devait probablement être car ceux-ci n’étaient pas encore arrivés… Alors il lui restait un peu de temps ? Il fallait saisir cette chance avant qu’elle ne passe, c’était maintenant une course contre la montre, elle était le pion d’un jeu qu’elle n’avait pas intérêt à perdre.
Elle sauta par dessus la table pour rejoindre la porte, toujours fermée. Ou avait elle bien pu mettre ces satanées clefs ! Il ne fallait pas que l’autre se rende compte de quoi que ce soit, sous peine d’alerter ses employeurs. L’air de rien, elle fit mine de chercher à manger en profitant pour déplacer les trop nombreuses conserves de petit pois carottes de manière à pouvoir scruter le fond du placard dans l’espoir de trouver l’objet. Rien. Ensuite elle retira les fleurs dépéries depuis déjà quelques semaine de leur pot, et en profita pour jeter un rapide coup d’œil au fond. Encore et toujours rien. Mais après tout, c’était stupide. Qui aurait l’idée de cacher ses propres clefs ? Elles devraient être dans un endroit logique comme le dessus d’une table, pas dans un vase.
Elle scruta l’ensemble de son appartement, et à l’occasion, elle observa furtivement le visage de l’homme. Son nez était légèrement plissé, il avait dû remarquer quelque chose. A nouveau, Lola se sentit gagnée par l’angoisse. Plus le temps de chercher, il fallait agir… mais comment ? Elle observa la porte, grise, en bois synthétique, de la mousse d’isolation anti nuisance sonore sur les bords. Elle s’agenouilla et arracha un peu de cette mousse pour voir si les autres étaient déjà arrivés, personne, pour le moment. En effet, l’ogre avait fini par remarquer quelque chose : il sortait de sa poche des objets, une feuille, un stylo et son téléphone.
Cette fois, plus le temps de penser. Elle attrapa les ciseaux restés sur la table et s’attaqua aux gonds, à la peinture jusqu’à présent immaculée et à tout ce qui pourrait lui permettre de fragiliser l’entrée. Elle entendit des pas, ceux-ci se rapprochaient encore et encore, ils devaient maintenant être dans le corridor, puis devant sa porte. Lola vit le loquet tourner, elle aurait dû se demander comment ils avaient obtenus les clefs, mais elle était tétanisée. Dans un dernier espoir, elle courut se réfugier dans un coin de la pièce. Ils entraient, tous vêtus de grandes vestes blanches, la couleur de leur gang. Il y avait trois hommes et une femme, sans compter le monstre derrière la vitre, qui notait des choses sur le calepin.
En terme de dernière résistance, elle hurla à s’en détruire les cordes vocales, et jeta la paire de ciseaux en visant au mieux la tête d’un des malfrats. Elle ne réussit pas, et deux d’entre eux lui attrapèrent les bras de manière à l’immobiliser au sol. Lola tentait tant bien que mal de se débattre et de crier mais ils lui avaient mis un chiffon dans la bouche, sûrement pour l’empêcher de donner l’alerte. La dame se pencha vers elle et d’une voix douce, elle susurra : « C’est l’heure du traitement, ne t’inquiète pas. Ça pique juste un peu ».