Une lueur d’espoir

Écrit par KELLER Jeanne (5 ème, Collège Henri Wallon de Varennes-Vauzelles)

A quelle tribu appartenait celle-ci ? Jason arracha ses semelles à la terre gluante et se dirigea vers elle.

Le garçon s’approcha avec prudence de la jeune fille et lui demanda son prénom. Elle ne semblait pas parler français. Elle esquissa un petit sourire en signe de réponse. La petite fille posa une question à Jason, en anglais cette fois ci. Ils firent connaissance en cette langue. La fillette s’appelait Talia et elle avait huit ans. Elle portait avec elle deux bidons en plastique remplis d’eau croupie. Elle expliqua au jeune homme qu’elle était allée chercher cette eau pour sa famille, et surtout pour sa petite sœur, Mina, âgée de un an et demi. Talia fit un petit geste de la main à Jason pour lui faire comprendre qu’il pouvait la suivre jusqu’à chez elle. En entrant dans cette sorte de tente rafistolée ici et là, Jason ressentit comme un violent pincement au cœur. Les larmes lui montèrent aux yeux. Il se sentait comme dans un film d’horreur dont il serait le monstre. Il se rappela le nombre de fois où il avait dit à ses parents : « C’est pas bon ! J’en veux plus ! » et où il avait jeté son repas à la poubelle. A ses pieds, la petite Mina dormait. Elle avait le ventre gonflé, mais pas rempli, elle avait la peau sur les os, comme d’ailleurs toutes les personnes qu’il avait croisées. Talia remplit quelques bols de cette eau jaunie et les distribua à sa famille. Elle en proposa un à Jason qui le refusa poliment, bouleversé. Le silence était total, personne ne se plaignait. Mais le garçon vit bien la détresse et la tristesse dans leurs yeux. Ce désastre ne pouvait plus continuer. Il donna sa bouteille et son casse-croûte à Talia et partit en courant.
Le soir même, au repas, il mangea toute son assiette. Ses parents, n’étant pas habitués à ça, lui demandèrent ce qui lui arrivait. C’est à ce moment-là que Jason craqua. Il raconta tout à ses parents : la rencontre avec la jeune Talia, sa petite sœur allongée à même le sol, la jungle boueuse… Puis, ses parents aussi lui expliquèrent tout : la guerre, les réfugiés, tous ces parents qui tentaient de sauver leurs enfants… Le jeune garçon, pourtant innocent, se sentit immédiatement coupable de toutes ces horreurs. Une vague de rage l’envahit et il sortit de table en courant. Jason s’enferma dans sa chambre et se remémora toutes ces images qu’il avait vues dans cette “jungle “. Il était persuadé qu’il pouvait sortir cette famille de la misère. Il ne savait pas encore comment, mais il y parviendrait.
Les jours suivants, il passa tout son temps libre à discuter avec la petite Talia. La jeune fille était originaire de Syrie et elle était arrivée en France environ six mois plus tôt. Presque toute sa famille avait été tuée dans son pays natal. C’était pour cette raison qu’elle habitait maintenant là, pour protéger ceux qui avaient survécu au drame. En lui racontant cette histoire, la voix de Talia tremblait, et on pouvait presque voir dans ses yeux tous ces hommes, tombant un à un sous les coups de feu. Jason ne savait plus quoi dire. Alors, pendant de longues minutes, plus personne ne parla. On percevait seulement le bruit du vent effleurant les herbes hautes. Jason chuchota dans l’oreille de Talia : « Je trouverai une solution, pour que toi et ta famille puissiez vivre normalement, je t’aiderai. » Cela toucha énormément Talia, même si elle ne savait pas vraiment ce qu’il pourrait faire pour eux. Le jeune homme raccompagna la fillette chez elle puis repartit de son côté. Au dîner, Talia fut le seul sujet de conversation. Les parents confièrent à Jason que ce serait compliqué, mais que s’il tenait vraiment à les aider, il y parviendrait. Pendant plusieurs jours, il ne pensa plus qu’à ça. Puis un jour, ce fut le déclic. Son père ! Il était patron d’une petite entreprise de maçonnerie. Et il repensa au père de Talia. En Syrie, il travaillait dans le bâtiment. Cela devint une évidence pour le garçon. Il devait aller en parler à son père. Dès qu’il fut en face de lui, sans prendre même le temps de lui dire bonjour, il lui demanda de s’assoir et lui proposa son idée. Le père lui répondit qu’il y réfléchirait, mais qu’il avait déjà bien assez d’employés dans son entreprise. Jason fut déçu de la réaction de son père, qu’il avait imaginée différente. Un mercredi après-midi, il passa chez Talia pour partager avec elle son idée. La fillette sourit et répondit qu’elle en parlerait à son père. Le soir même, son père lui annonça une bonne nouvelle. Il avait trouvé une place pour le père de Talia. Jason sauta de joie à l’idée de l’annoncer à celle-ci. Il remercia mille et une fois son père pour ce magnifique cadeau qu’il venait de faire à cette famille dans le besoin. Le lendemain, il courut chez Talia pour lui faire part de cette nouvelle. Quand elle l’apprit, elle pleura de joie. Un travail ! Son père n’avait cessé d’en chercher depuis qu’ils étaient arrivés en France, sans succès. Talia prit Jason dans les bras et lui dit ce mot, en français : « Merci ! »
Le père de la fillette commença à travailler quelques jours plus tard. Maintenant, les parents des deux enfants se connaissaient bien, ils étaient devenus amis. Talia s’était inscrite à l’école et toute sa famille était heureuse. Un soir, les parents de Jason lui annoncèrent une très bonne nouvelle. Une amie de sa mère acceptait de louer un petit appartement à Talia et aux siens, non loin de chez Jason. Il ne répondit même pas et enfila ses chaussures pour aller prévenir la jeune fille. Il annonça cette fois ci la nouvelle à toute la famille qui était assise par terre prête à manger. Tout le monde pleura de joie et ils lui offrirent un bol rempli d’un plat typique de leur pays. Un plat très, très épicé. Le jeune homme avait la bouche en feu, mais il essaya de ne pas le montrer. Il sourit pour mimer qu’il appréciait ce plat. Toute la famille rit en voyant le garçon devenir rouge comme une tomate.
Talia emménagea quelques temps plus tard et tous se retrouvaient, très souvent, chez Jason, pour dîner.