Marine la toc toc reine de la savane

écrit par Killian Lecoq, élève de 6ème au collège Jean Moulin à Uckange (académie de Nancy-Metz)

Le sac à dos de Marine n’est pas comme tout le monde ! Elle s’assure tous les soirs qu’elle y a mis des pansements, de l’aspirine, du désinfectant, du fil et une aiguille, des crayons et des stylos en plus des cahiers blancs, des trombones, un stick de colle, des ciseaux, des mouchoirs en papier, des tampons, du sel et du poivre, de l’huile d’olive, une culotte de rechange, des enveloppes, son couteau suisse, un compas, une bouteille d’eau, des barres énergétiques, des allumettes, une pince à épiler, une lime à ongle, du savon, du shampoing, des cubes de bouillon, des sachets de thé, du sucre, des épingles à nourrices, du chocolat une lampe de poche, son téléphone portable, un dictionnaire, son doudou. On ne sait jamais quand il va falloir sauver une vie. Peut-être même… la sienne. Aujourd’hui, elle est allée jusqu’à y enfoncer sa brosse à dents et un tube de dentifrice neuf, son oreiller et tous les sous de sa tirelire. Parce que cette fois-ci ça y est, elle a décidé de quitter la maison. Il est temps que sa vie commence.

« A ce soir ma chérie ! » crie sa mère en entendant la porte claquer.

Marine ne répond pas. Elle part comme si elle, la bonne élève, la fille modèle, allait sagement au collège, comme tous les jours. Aujourd’hui, elle ne court pas, elle suit doucement ses jambes vers la gare. Aujourd’hui est le premier jour du reste de sa vie.

En se dirigeant vers la gare, Marine se demanda où elle pourrait aller. En regardant des affiches elle opta pour la savane.
Une fois arrivée à la gare elle se dirigea vers les agents. L’un d’eux avait un long et grand cou ressemblant à une girafe, l’autre était, une femme, habillée tout de gris avec une corpulence qui la faisait ressembler à un éléphant.
Elle leur acheta un billet pour aller jusqu’à Marseille. Une fois le train parti elle s’installa confortablement dans le même compartiment qu’un jeune homme.
Marine engagea la conversation et se rendit vite compte qu’il avait mauvaise haleine. Alors elle sortit de son sac son tube de dentifrice neuf avec sa brosse à dents et la lui fourra dans la bouche en lui disant qu’il avait une odeur répugnante.
Le jeune homme, vexé, sorti en trombe du compartiment et faillit renverser un enfant accompagné de son frère et de son grand-père qui voulaient s’asseoir à ses côtés.
Le vieil homme, pensa Marine, ressemblait à une vieille cuvette de toilette avec les rides en plus.

Au bout d’un moment elle se rendit compte que l’enfant se grattait très souvent la tête. D’un geste brusque, elle sortit de son sac une bouteille d’eau et shampoing qu’elle vida sur ses cheveux et frotta très fort.
Le grand-père, affolé, se mit à crier en remuant les bras, tel un Orang-outang. Le contrôleur, qui passait dans le couloir, voulut voir ce qui se passait.
En entrant, Marine vit en lui une bête féroce car il était poilu de partout. Vite, son sac ! Heureusement qu’elle avait pris une pince à épiler ! Le contrôleur pris au dépourvu, ne put réagir lorsque Marine lui sauta dessus et lui enleva tous les poils qui dépassaient de ses oreilles. Il se débattit et lui déchira son blouson. Mais pas de panique pour Marine : son sac contenait des épingles à nourrice. Décidemment, que de chance pour elle : le train arriva à destination et elle sortit fière d’avoir pu aider des gens, malodorants, pouilleux, et poilus, à être plus propres.

Mais l’aventure continue, il faut maintenant se rendre à l’aéroport afin de prendre l’avion. Destination, le village de Sedhiou, un village de brousse dans la région de la Casamance. Pour s’y rendre, elle interpella un taxi dont le chauffeur coiffé de dreadlocks, l’inspira et surtout lui rappela Adama son héros de B.D qu’elle comptait rejoindre dans la savane. Elle s’installa sur la banquette arrière et lui dit SAWUBONA (bonjour en africain).
Le chauffeur, étonné du langage de Marine, se contenta de cligner des yeux et se dirigea à sa demande vers l’aéroport.
Pendant tout le trajet le chauffeur confia à Marine qu’il souffrait d’un mal de tête épouvantable car le coiffeur lui avait trop serré ses dreadlocks sur sa tête, à tel point que cela lui avait fait l’effet d’un véritable lifting et qu’en se réveillant ce matin il avait cru voir son petit frère dans le miroir. Mais pas de panique ! Marine était à bord et comme paiement, ce gentil homme Africain se verrait récompenser d’une poignée d’aspirines pour lui sauver le reste de la journée. Une fois sa BA réalisée, Marine quitta le taxi et s’engouffra dans l’aéroport.

Elle emprunta l’escalator afin de se rendre à la porte d’embarcation n°5, direction le village de Sedhiou à 200 km de l’aéroport de Dakar où l’avion atterrira dans une dizaine d’heures. Une fois installée dans son siège, Marine fit connaissance avec ses deux voisins. A sa droite, une vieille dame se prénommant Bamako l’accueillit avec un grand sourire mais avec une absence très remarquée, celle de ses dents. Marine, qui voulait lui proposer sa barre énergétique, opta plutôt pour un cube de bouillon dilué dans le bol d’eau chaude qu’une hôtesse venait de déposer.
A sa gauche, se trouvait un joli petit bambin se prénommant l’Aye-Aye. Celui-ci avait des dents mais pas un seul cheveu, de plus une odeur pas très cool lui indiqua que sa culotte de rechange allait lui être indispensable car une mare de pipi provenant de bébé l’Aye-Aye dégoulinait le long du siège.
Du travail, encore du travail pour Marine qui le changea immédiatement. Une fois sa mission terminée, elle sortit son oreiller, allongea ses pieds et piqua un somme.
Quelques heures plus tard, Marine sortit de son sommeil, suite à une grosse détonation du train d’atterrissage. Ça y est, c’est l’arrivée. Marine avait réussi, elle allait enfin toucher le sol des Africains. Elle se leva, bouscula, tamponna mais surtout dévala les escaliers de l’avion pour finir le nez sur les pieds d’un agent.

Ce dernier, effrayé, lui proposa de l’aider, mais Marine sortit de son sac des pansements, du désinfectant et soigna ses plaies. Enfin elle s’en alla.
A ce moment-là, Marine n’avait qu’une idée en tête, rejoindre au plus vite Adama.
C’est à dos de rhinocéros que Banco, un chef de village lui proposa de faire le chemin. C’était une idée originale, Marine heureuse et pleine d’enthousiasme enjamba une bête au regard féroce mais sympathique, en se disant que si cette dernière avait soudain envie de transformer Marine en dîner, elle lui proposerait tout le sucré et le salé qui lui restait au fond de son sac.
Pendant tout le trajet, Marine croisa des centaines d’amis. Elle fit la course avec Touftouf l’autruche, dépassa Tam-Tam la tortue, bavarda avec Goulou-Goulou l’éléphant, trembla devant Simba le roi lion, elle eut même l’impression d’avoir croisé Tarzan et d’être Jane la reine de la savane. Au bout de deux heures, elle arriva enfin au village de Sedhiou. L’école était là, les maisons en terre séchée aussi.

Bref, tout était comme elle l’avait tant imaginé.
Pour l’accueillir, Adama et tous les villageois étaient là. « Ce soir, lui dit le chef, nous miam miam toi ».

Marine pensa que cette phrase faisait partie du dialecte africain, et elle mit au moins une bonne heure, soit 60 minutes, ou encore 3 600 secondes pour se rendre compte qu’elle venait de parcourir plus de 10 000 Kms, qu’elle avait vécu des moments effrayants, angoissants, éprouvants, bref des moments fous, pour finir en ragoût de Marine.
A ce moment-là, elle n’était plus que l’ombre d’un hot-dog.
Tout à coup, une sonnerie retentit. « Horreur ! s’écria-t-elle. C’est le minuteur de la marmite ! ».

« Mais enfin, réveille-toi Marine, il n’y a pas de marmite ici, il y a un réveil qui sonne, et tu vas être en retard à l’école ! » Marine avait rêvé, tout ça n’avait jamais existé en vrai. Devait-elle pleurer ou hurler de joie ? Elle ne savait pas. Une chose était sûre, elle vida le contenu de son sac dans la poubelle et dit à sa mère combien elle comptait pour elle. C’était un grand moment de joie, elle n’était plus toc-toc comme autrefois.