Louise et Baba Yaga

Thomas SELARIES, en 6ème au collège Chantaco, Saint-Jean-de-Luz (64), classé 4ème de l’académie de Bordeaux

Louise et Baba Yaga

Louise poussa un grognement.
Elle avait retardé tant qu’elle avait pu le moment de se mettre au boulot, espérant jusqu’à la dernière minute qu’un miracle la sauverait mais là, le dernier jour, à onze heures du soir, soit neuf petites heures avant le cours fatidique, elle était coincée. D’autant plus coincée que madame Agay était connue pour la sévérité avec laquelle elle traitait les élèves qui ne rendaient pas leur travail dans les délais impartis.
Pour la dixième fois de la soirée et la centième depuis une semaine que madame Agay leur avait donné ce fichu devoir, elle lut le sujet :
« Baba Yaga est une figure centrale des légendes russes. Vous utiliserez le conte étudié en classe et les résultats de vos recherches personnelles pour rédiger un texte de quatre pages dans lequel Baba Yaga jouera un rôle essentiel. »
Le conte étudié en classe ? Louise en gardait un souvenir si vague qu’elle en était venue à se demander si elle n’était pas absente le jour où la prof l’avait présenté. Vos recherches personnelles ? Il ne fallait quand même pas rigoler !
Bon d’accord, elle n’avait rien fichu, rien écouté, rien préparé et, demain, elle allait se faire trépaner par madame Agay. Et tout ça à cause de cette…
« Maudite Baba Yaga ! » cracha-t-elle.
Comme un écho à son juron, un claquement sec retentit dans le couloir, suivi du bruit d’un corps lourd se traînant vers sa chambre.
Louise se figea. Si elle avait réveillé ses parents, que l’un d’eux entrait et la surprenait en train de … de ne pas travailler au lieu de dormir, madame Agay n’aurait plus rien à massacrer demain.
Elle se précipitait vers son lit lorsque sa lampe de chevet tomba. La porte de la chambre de Louise s’ouvrit lentement en grinçant, une ombre apparut. La silhouette ressemblait à une vieille femme courbée coincée dans un tonneau, tenant un long bâton et un balai.

« Qui êtes-vous ? » Demanda Louise avec angoisse
« Je m’appelle Baba Yaga ! »
« Au secours ! »

Baba Yaga mit Louise dans une poupée russe qu’elle mettait dans une nouvelle poupée russe, dans une autre poupée russe puis dans une dernière. Louise se réveilla attachée avec des chaînes en os humains, sur un lit.

« Où suis-je ? » se demanda-t-elle toute seule.
« Tu es chez Baba Yaga » , répondit un crâne attaché à la poignée de la porte.
« Qui êtes-vous ? » demanda Louise prise par la peur.
« Toujours la même question, je suis un cadenas ! » 
Louise regarda autour d’elle, et vit qu’elle était dans une petite pièce dont le sol était jonché de livres et d’ossements humains.

« Si tu veux sortir d’ici, tu devras répondre à trois énigmes » , dit le cadenas.
« Je veux bien », répondit Louise.
« Un : Je suis le fils du frère de ton père, qui suis-je ? »
« Heu... mon cousin », répondit-elle, hésitante.
« VRAI ! Deux : Je te suis partout sauf quand il fait sombre, qui suis-je ? »
« Bah... mon ombre. »
« VRAI ! Trois : Je renvois ton image quand tu es devant moi, qui suis-je ? »
« Un miroir », dit-elle sans hésiter.
« VRAI ! »

Les liens de Louise disparurent et la porte s’ouvrit. Elle se retrouva dans la cuisine de la maison de Baba Yaga. C’était une pièce remplie d’assiettes, couverts, os et ustensiles de cuisine. Pour seuls meubles il y avait une table et une chaise.
D’un coup les fourchettes et les couteaux se balancèrent et se dirigèrent vers Louise. Pour riposter, elle lança une assiette sur les premiers qui venaient vers elle, les arrêtant net. Mais d’autres couteaux arrivèrent sur Louise, qui s’enfuit en courant.
Elle se retrouva dans la chambre de Baba Yaga. Elle vit, sur une table basse, une harpe en forme de sirène. Une mélodie commençait à en sortir. Louise commença à bailler. Un chien lui dit :
« C’est normal, c’est le rôle de la harpe. »
« Un chien qui parle ? » dit Louise.
« Et bien oui ! Si tu veux que j’arrête tout ça, il faudra me donner à manger, comme l’a fait Vassilissa la belle. »
« Si tu veux, j’ai un morceau de pain, » répondit Louise.
« Donne-moi ça, » répondit vivement le chien.
Louise donna le bout de pain au chien, qui aboya trois fois, la harpe se tut.

Louise entra dans la salle de bains. Puis d’un coup la porte se ferma, et les robinets s’ouvrirent. Un chat dit :
« Je déteste l’eau ! Si tu ne veux pas mourir noyée, donne-moi une pelote de laine, comme l’a fait Vassilissa ».
Louise lui répondit :
« Ma chaussette te conviendra ? »
Le chat accepta. Il fit un mouvement avec sa patte et les robinets se fermèrent.

Elle continua son parcours dans un couloir où il y avait un bouleau et une porte massive à la fin du couloir. Elle commença à marcher. Avant de dépasser le bouleau, ce dernier lui dit :
« Si tu ne veux pas que je t’arrache les yeux, lisse mes branches, comme l’a fait Vassilissa ».
Louise s’arracha un cheveu pour lisser les branches de l’arbre. Elle continua à marcher et elle arriva devant l’immense porte, qui lui dit :
« Si tu veux que je te laisse passer, huile-moi les gonds, comme l’a fait Vassilissa. »
« Il me reste un peu d’eau de la salle de bains, ça vous conviendra ? » dit Louise.
« Comme on dit, c’est le geste qui compte » dit la porte.
La porte s’ouvrit.
 
Louise se retrouva au salon, elle vit Baba Yaga en face d’elle.
« Je vois que mon chien, mon chat, mon bouleau et ma porte t’ont laissée passer, comme l’a fait Vassilissa, la soit disant belle. » 
« Comment suis-je arrivé la ? Que me voulez-vous ? » questionna Louise sans peur après ce qu’elle avait traversé.
« Tu es arrivé là grâce à mes poupées russes et ce que je veux de toi c’est te manger ! HaHaHaHa ! »
« Mais pourquoi ? » demanda-t-elle.
« Parce que tu m’as insulté, moi Baba Yaga, tu vas me le payer ! » dit-elle avec rage
« Je ferai tout ce que vous voudrez, s’il vous plaît ne me mangez pas ! » supplia-t-elle
« Nous pouvons faire un marché », dit Baba Yaga
« Tout ce que vous voudrez. »
« Je t’aiderai pour ton exposé, à une seule condition, qu’il y ait une bonne conclusion sur moi. »
« Si vous voulez ! Mais comment je vais faire pour rentrer chez moi ? » demanda-t-elle
« Utilise les poupées russes. »
« D’accord » termina-t-elle.

Après avoir questionné Baba Yaga, Louise rentra chez elle.
Le lendemain...
« ... et voilà pourquoi l’on croit que Baba Yaga est méchante, mais c’est du passé. Je pense qu’elle a changé » termina Louise
« Très bien, 16,5/20 » dit Mme Agay.
Et tout reprit son court normal, sauf...
« D’où viennent ces poupées russes Louise ? » questionna sa maman
« Heu... un cadeau de la part d’une correspondante » dit-elle en croisant les doigts dans son dos.
Louise se promit qu’elle n’insulterait plus Baba Yaga.