Opium

Nouvelle écrite par Théo Golvet, en 2nde au Lycée Champ Blanc, Le Longeron (49)

Opium

Pourtant ce matin-là, Anna sentit qu’elle passa vraiment de l’autre côté du livre pour se retrouver sur le marché de Shalingappa. Elle arriva en pleine bataille. Tout autour d’elle, des centaines d’hommes se battaient à l’aide d’épées tranchantes. Les cadavres s’entassaient par terre, dans des mares de sang. Certains étaient montés sur des chevaux robustes qui s’effondraient parfois sous les coups violents de l’ennemi. D’autres soldats étaient, quant à eux, à pied mais ils combattaient avec encore plus de violence encore. Un homme à cheval s’approcha d’Anna, il semblait de petite taille
« Je suis le général Napolesh. Enfile ton uniforme, gueuse ! »
Anna s’exécuta. Après cela, elle s’élança sur le champ de bataille et embrocha un soldat ennemi qui lui braillait dans les oreilles. Elle détestait ça. L’armée ennemi se mit alors à reculer, prise de peur. Anna crut comprendre qu’elle avait tué le général ennemi. Ses camarades militaires l’applaudirent et crièrent tous en cœur « Vive Anna ! ». Puis ce fut comme si le temps s’arrêta. Plus personne ne bougeait sauf Anna. Elle comprit que c’était fini et descendit du manège.
Il se mit à pleuvoir, Anna s’abrita donc sous un porche et ouvrit son parapluie lorsqu’elle vit une tortue d’environ 1m70 s’approcher d’elle en marchant.

- Hé, Anna ! C’est moi Gabrielle. Tu viens te promener ?
Anna suivit la tortue qui commença à lui parler

- Tu sais quoi. Je me suis rendue compte combien ma vie était misérable. C’est vrai quoi, je passe toutes mes journées à manger des endives ou à dormir dans ma carapace.

Anna n’écoutait pas, elle préférait regarder autour d’elle. En plus, elle n’aimait pas particulièrement la tortue. C’était juste une très vieille amie de ses parents. « C’est vrai que les tortues vivent longtemps » pensa-t-elle.

- Mon grand-père, Benjamin Franklin, est mort d’une indigestion d’endives, n’est-ce pas triste ? Et puis mon oncle, Franklin D. Roosevelt, est devenu fou après ses trop nombreux cauchemars avec des endives. Des tortues les mangeaient dans du sucre. Tu te rends compte ? Quelle hérésie !
Anna avait vaguement entendu le mot « sucre » et tourna la tête. Elle la baissa quand ses yeux rencontrèrent ceux de la tortue. Ces yeux si gluants, si profonds...

- Je suis même allée voir un psychologue. Tu sais ce qu’il m’a conseillé ? Il m’a dit d’affronter ma dépendance. Comment suis-je censé affronter une endive ? Quelle arnaque. En fait, je crois que je vais essayer d’arrêter de penser à tout ça et simplement profiter de la vie. Carpe Diem qu’il disait !
Puis Anna ne perçut plus le bruit de fond qui l’énervait depuis tout à l’heure. Elle regarda à côté d’elle et vit qu’il ne restait plus qu’une carapace et une grosse tache de sang par terre. La tortue avait dû être écrasée. « Tant mieux » pensa Anna.

Elle continua de marcher jusqu’à passer sous une échelle. Elle remarqua que celle-ci montait jusque par-dessus les nuages. Anna se demanda qui avait mis l’échelle de Jacob ici mais elle décida quand même de monter. Après quelques jours, elle put enfin mettre pied sur les nuages qui, contrairement à ce qu’on pense, sont durs comme du diamant. Anna aperçut, au loin, une personne devant une table. Elle s’approcha pour regarder. Cette personne jouait aux échecs. Lorsqu’elle aperçut Anna à quelques mètres d’elle, le mystérieux joueur d’échecs cria très fort :

- Hé ! Comment ça va ? Je m’appelle Shiva !

La tête de Shiva tourna pour laisser place à une autre :

- Laisse-moi parler ! Je suis Brahma, roi des dieux.

- Ah vous êtes la fameuse trinité ? Où est passé Vishnou ? demanda Anna

- Hum. Il dort.

En effet, Anna entendait des ronflements qui venaient de l’autre bout du corps. Elle s’interrogea :

- Vous jouez aux échecs à trois, parfois ? Vous faites comment ?

- Ah, c’est très simple, nous employons un plateau hexagonal qui comporte 87 cases et nous ajoutons des pions de couleur bloire ou nanche. Mais ce n’est pas tout ! Le fou se déplace non pas en diagonale, mais en décrivant un Z suivi d’un J. Mais bon, je n’aime pas jouer avec ces deux-là. Ils trichent tout le temps avec leurs deux bras supplémentaires.

La conversation ennuyait profondément Anna. Elle s’attendait à un peu plus de dignité de la part de la fameuse Trimūrti. Elle prit donc la direction de la sortie indiquée par Ganesh qui était dans une situation tout à fait ridicule.
Lorsqu’elle fut descendue, elle remarqua un marchand qui semblait lui demander de s’approcher. La raison de cet appel échappait à Anna et le regard vicieux du marchand l’incitait peu à avancer. Elle décida quand même de s’approcher de l’escroc qui lui posa tout de suite une question :

- Penses-tu être digne ?

- Euh... Oui, sûrement, je pense.

- Non, tu ne sembles pas l’être. Alors aimes-tu les langoustes ?

- Mmh, je ne sais pas, j’en n’ai jamais gouté.

- Vois-tu dans la vie, il faut concilier efficacement langouste et dignité. Si tu ne manges pas assez de langoustes, tu ne seras pas digne, compris ? C’est 3000 roupies le kilo.

Anna avait donc raison quand elle avait pensé que le marchand était un vicieux doublé d’un escroc. Elle s’éloigna donc rapidement avant qu’il ne la dépouille.

Alors qu’elle marchait tranquillement dans la rue, deux hommes très forts lui sautèrent dessus et la ligotèrent. Ils la trainèrent ensuite dans différentes allées poussiéreuses. Anna ne bronchait pas. Elle préférait regarder le magnifique chat noir qui les suivait. Puis ils arrivèrent au palais et elle fut jetée dans un cachot poussiéreux qui avait au moins le mérite de posséder une fenêtre.

Anna attendit quelques heures et la porte s’ouvrit enfin. On l’emmena jusqu’à une immense salle au milieu de laquelle coulait un fleuve de lave. Tout au fond, elle apercevait une hideuse statue surement censée représenter une sorte de démon. Devant cette statue se trouvait un homme. Anna ne savait pas qui était le plus laid de la statue ou de l’homme. Celui-ci était en train d’allumer une bougie avec une autre. Il leva la tête à l’approche d’Anna et ordonna quelque chose qu’Anna ne comprit pas. Les gardes la firent s’allonger sur une table de pierre. L’affreux personnage prit un couteau et déclama une phrase aussi longue qu’un solstice d’été avant de faire plonger sa lame vers l’estomac d’Anna. Celle-ci prit le poignet de l’homme juste avant le drame et le tordit. Elle se releva et recula rapidement pour s’éloigner de son adversaire. Il s’approcha d’Anna à une vitesse extraordinaire et lui asséna un coup de poing violent. Anna bloqua mais l’homme enchaina rapidement les coups. Il semblait maîtriser un mélange de taekwondo et d’aïkido. Anna avait passé un long moment dans un monastère shaolin durant son enfance et savait comment contrer ces assauts. Elle n’eut donc aucun mal à porter un coup rapide au ventre de l’homme. Celui-ci s’avoua vaincu. Il s’inclina avec respect pour saluer Anna qui en fit de même. Elle sortit du palais tranquillement.

Anna rentra dans un grand bâtiment à l’allure d’entrepôt. A l’intérieur, les gens présents ne la regardaient même pas et elle put donc traverser calmement de longs corridors aux murs noirs. Elle vit un grand rideau et elle passa de l’autre côté pour voir d’où provenait cette étrange musique. Un homme l’agrippa et se mit à la faire danser d’une façon totalement ridicule au rythme de la mélodie. Les quelques dizaines de personnes présentes portaient tous des vêtements luxueux et colorées, en particulier un couple présent au milieu de tout le monde. Tout le monde était jeune et beau, en particulier le couple présent au milieu de tout le monde. Tout le monde semblait heureux et amoureux, en particulier le couple présent au milieu de tout le monde. Bref, tout le monde semblait moins bien que le couple présent au milieu de tout le monde, en particulier Anna. Un homme avec une casquette, des lunettes de soleil et un mégaphone cria quelque chose et tout le monde s’arrêta de danser. Deux molosses prirent Anna par les épaules et elle fut jetée hors du studio qui portait le numéro 13. Déjà qu’Anna n’aimait pas beaucoup le cinéma bollywoodien, elle avait été servie.

Anna marcha durant quelques minutes jusqu’à apercevoir sa destination finale. « Le Fer à Cheval », un bar à opium. Elle entra en montrant sa carte de fidélité. Le patron, un ami personnel, l’installa à sa place réservée et on lui apporta le matériel nécessaire. Après avoir fumé durant une dizaine de minutes, Anna ressentit enfin la fatigue et les hallucinations venir. Anna pouvait enfin revenir dans son rêve favori. Un rêve totalement surréaliste où elle lisait des livres dans une bibliothèque à Paris...