Biographie
Né à La Haye d’un père canadien et d’une mère néerlandaise, élevé en Italie, un temps parisien, Paolo Woods décide en 1998 d’abandonner la galerie qu’il tient à Florence pour passer derrière l’objectif. Privilégiant les projets de longue haleine, il développe un langage visuel qui se veut à distance des facilités du photo-journalisme, dont les images ne "parlent d’elles-mêmes" que parce qu’elles sont attendues, stéréotypées.
"Il y a de l’arrogance à dire que les images parlent d’elles-mêmes. La photographie est un langage, mais un langage pauvre, paresseux, de surface. Elle a besoin de décryptage si elle représente le monde." En 1999, sa rencontre à Téhéran avec le journaliste Serge Michel va ainsi donner naissance à un tandem : ensemble, les deux hommes sillonnent le Moyen-Orient, de l’Afghanistan des talibans à l’Irak plongé dans le chaos de la guerre américaine. Un monde de brut que le duo co-signe en 2003, raconte en mots et en images les circuits internationaux de l’or noir, des pipelines de Georgie aux virées shopping des émirs de Dubaï.
En 2008, La Chinafrique, un travail commun sur la diaspora des entrepreneurs et ouvriers chinois installés sur le continent noir, frappe les imaginaires. Les portraits de jeunes métis sino-africains réalisés par Paolo Woods, donnent en effet un visage au monde en train de naître du creuset de la globalisation. Vendus à 40000 exemplaires, traduit dans 10 langues, le livre est décliné sous forme de web-documentaire dans la série "Portrait d’un nouveau monde" de France 5 ("Bienvenue en Chinafrique"). Deux ans plus tard les deux compères récidivent avec Marche sur mes yeux, un panorama surprenant, souvent drôle, de la société iranienne contemporaine.
Ayant définitivement abandonné l’esthétique du reportage, Paolo Woods travaille désormais la couleur, en portraitiste attentif aux gestes, aux costumes et aux corps. Un peu à la manière de l’anglais Martin Parr, ses portraits d’individus ou de groupes, qui "semblent mis en scène alors qu’ils ne le sont pas", décalés, parfois ironiques, explorent les à-côtés du flux médiatique.
Photographe du verso des images d’Épinal, Paolo Woods, s’est installé en septembre 2010 à Haïti "pays de tous les clichés sur la misère". Au lendemain du séisme, il a photographié la guerre que se livrent les diverses Églises pour la conquête des âmes haïtiennes (Land of prophets). Il a également baladé son objectif dans les studios bariolés ou décrépis de la pléthore de radios qui émettent jour et nuit sur les ondes haïtiennes (Radio Days). En compagnie d’Arnaud Robert, il a réalisé en 2011 un reportage sur les "nantis d’Haïti", minorité discrète, invisible aux médias internationaux occupés à écumer les centres de traitement du choléra ou les bidonvilles de Port-au-Prince. Derrière de hauts murs, au bord de piscines surprotégées, il tire le portrait de cette bourgeoisie, clinquante ou raffinée, que l’écrivain Lyonel Trouillot a qualifié d’"élite la plus répugnante" au monde...
En savoir plus :
Le site de Paolo Woods (en anglais)
La page consacrée à Paolo Woods sur le site de l’agence Institute
Les nantis d’haïti : un reportage photo sur les riches haïtiens, réalisé pour un article d’Arnaud Robert paru dans le magazine du Monde
"Marche sur mes yeux" : un site consacré au livre de Serge Michel & Paolo Woodssur l’Iran contemporain, proposé en accès libre dans son édition en persan.
- Marche sur mes yaux ( Grasset, 2010)
- La Chinafrique (Grasset, 2008)
- American Chaos (Seuil, 2004)
- Un monde de brut (Seuil, 2003)
Reportages sur Haïti :
- Haïti : Treasure Island (2011)
- Radio Days (2011)
- Land of prophets (2010)
Présentation de Marche sur mes yeux
Des jeunes gens au bord d’une piscine vide qui maîtrisent Internet aussi bien que la poésie de Hafez ; un marchand de tapis antisioniste qui crie « mort à l’Amérique » mais s’enrichit grâce à son magasin à Dallas ; des femmes en tchador qui se rendent en pèlerinage dans la ville sainte de Mashad et y remercient l’imam Reza pour un divorce réussi ; un mollah passé dans le camp de l’opposition qui prodigue des leçons d’humanité… Ainsi va l’Iran et son théâtre fascinant, où chacun tient plusieurs rôles sur plusieurs scènes mais dans une seule langue, celle du tarouf, une forme sophistiquée d’hypocrisie et de politesse, dans laquelle « Bienvenue chez moi » se dit « Marche sur mes yeux ».