APPANAH Natacha

En attendant demain (Gallimard, 2015)

©-Hélie-Gallimard

Récompensée par de nombreux prix littéraires, Natacha Appanah, journaliste et écrivaine, fait partie des figures emblématiques de la littérature mauricienne en France. Son écriture, comme chez d’autres écrivains mauriciens de sa génération, est toute en sobriété, sans recours aux exotismes bon marché et encore moins au pittoresque. Quant aux sujets, ils évoquent certes l’Inde, l’île Maurice, ou la femme, sans pour autant s’inscrire dans une littérature engagée et encore moins dans un discours de revendication identitaire.

Né en 1973 à l’île Maurice, elle découvre très jeune les grands auteurs tel Proust et Joyce, mais la découverte d’Albert Camus marque un tournant dans sa vie : écrire en français et non en créole lui apparaît comme une évidence. À 17 ans, elle remporte le premier prix d’un concours de nouvelles lancé par le quotidien francophone L’Express où elle collaborera de façon prolifique à la page littéraire. Par la suite, elle écrira des articles pour les quotidiens locaux Le Mauricien et Week-End scope.

En 1998, Natacha Appanah part en France pour continuer ses études et sa carrière de journaliste dans la presse écrite : GÉO magazine, Air France mag, Viva magazine et à la radio : Suisse Romande, RFI, France Culture. La distance et le sentiment d’exil l’incitent à écrire son premier roman Le rocher de poudre d’or en 2003 qui retrace le parcours douloureux des Indiens venus travailler sous contrat, dans les plantations de cannes à sucre, pour remplacer les esclaves à l’île Maurice. L’élégance de son écriture reçoit un accueil enthousiaste, ce qui lui vaut le Prix RFO du livre d’Outre-Mer et un "Coup de coeur" remarqué dans le cadre de l’émission de TF1 Vol de Nuit animé par Patrick Poivre d’Arvor.

Natacha Appanah, descendante d’Indiens engagés, a été présentée dès la sortie de son premier roman, comme une « écrivaine engagée » qui écrit des « romans historiques ». Elle rejette très vite, et avec virulence, cette étiquette si souvent attribuée aux écrivains francophones pour se définir comme une écrivaine libre qui insère un grand part d’imaginaire dans ses œuvres sans inclure de revendications identitaires, qui selon elle « enferment et opposent les individus aux autres communautés ».
Elle s’empresse alors de se pencher sur divers thèmes dans des espaces différents. Ainsi, dans Blue Bay Palace, son deuxième roman, elle donne à voir la problématique des castes chez les indiens en contant une histoire d’amour entre deux jeunes Indiens séparés par leurs positions sociales. Dans son troisième livre, La noce d’Anna, elle traite de la relation mère-fille et de l’exil. Son quatrième roman, Le dernier frère quant à lui, relate un événement historique méconnu de l’histoire mauricienne : le débarquement en 1940 d’un navire avec à son bord 1500 Juifs refoulés de Palestine qui resteront emprisonnés jusqu’en août 1945. Dans une langue magnifique et simple, Natacha Appanah rend un discret hommage, empreint de sincérité aux Juifs déportés.
Les personnages de ses romans se distinguent toujours par la force de leur volonté, leur courage et leur implication dans la vie, chacun consumant chaque seconde de son malheur avec une telle intensité qu’il ne renonce jamais.

Refusant toujours les étiquettes et cherchant la liberté, Natacha Appanah déroule aujourd’hui, avec sa plume raffinée et poétique, l’histoire, en France, d’un couple mixte qui n’arrive pas à s’affranchir de l’héritage familial et dont le destin va basculer à la suite d’une rencontre fortuite. En attendant demain propose une réflexion sur les difficultés d’allier les classes sociales et les origines diverses sans perdre son identité dans l’espace clôt qu’est le couple.


Bibliographie

  • En attendant demain (Gallimard, 2015)
  • Le Dernier Frère (Éditions L’Olivier, 2007)
  • La Noce d’Anna (Gallimard, 2005)
  • Blue Bay Palace (Gallimard,2004)
  • Les Rochers de Poudre d’or (Gallimard, 2003)
En attendant demain

En attendant demain

Gallimard - 2015

« Adam est debout, le visage collé à la petite fenêtre, les deux mains accrochées aux barreaux. Tout à l’heure, quand il a grimpé sur sa table pour atteindre l’ouverture, il s’est souvenu que les fenêtres en hauteur s’appellent des jours de souffrance. Adam attend l’aube, comme il attend sa sortie depuis quatre ans, cinq mois et treize jours. Il n’a pas dormi cette nuit, il a pensé à Anita, à Adèle, à toutes ces promesses non tenues, à ces dizaines de petites lâchetés qu’on sème derrière soi... »
Adam et Anita rêvaient de vivre de leur art – la peinture, l’écriture. Ils pensaient accomplir quelque chose d’unique, se forger un destin. Mais le quotidien, lentement, a délité leurs rêves jusqu’à ce qu’ils rencontrent Adèle qui rallume un feu dangereux.
En attendant demain est un roman qui raconte la jeunesse, la flamme puis la banalité, les mensonges et la folie d’un couple.


Revue de presse

Le dernier frère

Le dernier frère

L’Olivier - 2007

Lorsque David lui apparaît en rêve, Raj se retrouve projeté dans son enfance : les champs de canne, un père à la violence prévisible, la tendresse maternelle, les jeux près de la rivière avec ses frères, le soleil brûlant, les pluies diluviennes. Un bonheur précaire balayé par un cyclone, et l’installation de la famille près de la prison où vivent de mystérieux réfugiés.

Le 26 décembre 1940, l’Atlantic a accosté à Port-Louis avec, à bord, quelque 1500 Juifs, refoulés de Palestine et déportés à l’île Maurice, alors colonie britannique. À cette époque Raj ignore tout du monde et des tragédies qui s’y déroulent.

Au soir de sa vie, il est rattrapé par le souvenir de ces événements qui l’ont marqué au fer rouge. Et par la honte d’être un homme.


La noce d'Anna

La noce d’Anna

Gallimard - 2005

« Sur le mur, la robe est accrochée comme un tableau de chasse. Elle est belle, sans doute un peu sage mais, qu’importe, c’est le jour d’Anna. Aujourd’hui, 21 avril, je marie ma fille, je laisserai de côté mes pensées de vieille folle, je serai comme elle aime que je sois : digne, bien coiffée, bien maquillée, souriante, prête à des conversations que je suivrai avec un enthousiasme feint et qui ne me laisseront aucun souvenir, parée pour butiner d’invité en invitée, mère parfaite que je serai aujourd’hui. Je me cacherai pour inhaler mes Fumer Tue.
Je marie ma fille, aujourd’hui. Cette phrase bondit dans ma tête tandis que je la regarde dormir. J’ai quarante-deux ans et je marie ma fille aujourd’hui. J’ai soudain l’impression d’être sortie de mon corps, de flotter au-dessus d’Anna endormie et de moi-même, de regarder tout cela comme on regarde un film, de me dire que cela ne peut pas m’arriver, pas à moi. J’aurais souhaité être sage le jour du mariage de ma fille... »
Pendant la noce d’Anna, sa mère se souvient. De la jeune femme qu’elle a été, si différente de sa fille aujourd’hui, de ses rêves, de ses espoirs, de ses envies ; parce qu’elle en a encore, des envies, cette femme célibataire qui marie sa fille... Pendant la noce, l’enfance d’Anna resurgit avec le souvenir du père, de l’absent, de l’inconnu... Et un autre bonheur pointe son nez dans la nuit.


Blue bay palace

Blue bay palace

Gallimard - 2004

« J’ai alors giflé son visage d’ange. Si j’avais eu une pierre, un bâton, n’importe quoi, je l’aurais massacré jusqu’à ce qu’il ne soit qu’une bouillie de chair, je crois. Mais je n’avais que mes mains pour dire ma colère et mes yeux pour fusiller. Il ne l’a pas vue venir cette gifle et sa tête s’est retournée comme celle d’une marionnette et il a reculé. J’ai senti la brûlure sur ma paume et j’ai abattu ma main encore mais, cette fois, il a esquivé. J’ai bondi sur lui. Aujourd’hui, je me rappelle que mon corps avait soudain pris la souplesse d’un félin, que je criais comme un animal parce qu’une main froide me broyait le cœur jusqu’à ce qu’il explose. Après, je ne sais plus très bien. J’ai comme ça des accès de rage où le sang m’aveugle et ce bruit là, qui tonne dans ma tête.
Le soleil bouge. Je suis avec lui sous le banian géant et nous sommes assis sur des racines. Je n’ai plus chaud, je ne suis plus en colère... L’ombre est douce et la plage déserte.
Il commence à parler tout bas. Tellement bas que sa voix couvre à peine le flux indolent des vagues et je dois m’approcher pour entendre. Il hausse les épaules de temps en temps, secoue la tête. Ses mains sont serrées l’une contre l’autre... Maya, commence-t-il, Maya, mon amour... »

Entre mer et soleil, images immaculées pour touristes et venelles crasseuses pour indigènes, entre raison et folie, Maya, dix-neuf ans, poursuit l’amour. Elle vit à Blue Bay, village pauvre bordé d’un côté par l’océan et de l’autre par un hôtel de grand luxe. Quand son amour lui échappera, elle ira au bout de son cœur, de son corps et de son pays.


Les Rochers de poudre d'or

Les Rochers de poudre d’or

Gallimard - 2003

Avril 1892, Inde, colonie britannique. Des profondeurs du sous-continent, ils sont poussés vers l’océan. Un exilé volontaire et nostalgique sur les traces de son frère, un paysan meurtri par la misère et la domination des propriétaires terriens, une fascinante veuve au sang royal fuyant le bûcher, un candide joueur de cartes espérant trouver l’eldorado de l’autre côté de « l’Eau noire »... Ils rejoignent une centaine d’autres Indiens entassés dans les cales de l’Atlas pour les vertiges mortels d’une traversée de plusieurs semaines vers une île qu’on leur promet merveilleuse et fertile. Tout bas, on leur raconte que sous les rochers de ce pays mystérieux et clément, sommeille l’or. Ils ne savent pas qu’ils vont remplacer les esclaves des champs et passer de la soute à la soue, entre le bleu du ciel et le vert de la canne à sucre.
Juin 1892, île Maurice, colonie britannique. Le drapeau est anglais, mais ce sont les Français, installés ici depuis deux siècles, qui font marcher les affaires. Ce matin-là, ce sont eux qui attendent les Indiens de l’Atlas. Les destinées vont se nouer entre rêves et douleurs, haines et désirs, dans le village de Poudre d’Or aux rochers défiant le ciel et la terre et les songes des hommes.
Le journal de bord du médecin ivre, la rencontre des Noirs libérés de l’esclavage et des Indiens déportés resteront des moments inoubliables de ce roman historique fondé sur des faits avérés, tant l’auteur a le don de faire voir et d’émouvoir.

Dérives

Les cafés littéraires en vidéo
Avec Gisèle Pineau, Fiston Mwanza Mujila, Natacha Appanah - Saint-Malo 2015

Avec Gisèle Pineau, Fiston Mwanza Mujila, Natacha Appanah

Ces Indes plurielles

Avec Sanjay SUBRAHMANYAM et Natacha APPANAH - Saint-Malo 2015

Avec Sanjay SUBRAHMANYAM et Natacha APPANAH. Rencontre animée par Marie-Hélène Fraïssé


Pour un espace-monde en français

Avec Blaise Hofmann, Audrée Wilhelmy, Emmelie Prophète, Natacha Appanah. Débat animé par Sophie Ekoué - Saint-Malo 2015

Avec Blaise Hofmann, Audrée Wilhelmy, Emmelie Prophète, Natacha Appanah et Michel Le Bris. Débat animé par Sophie Ekoué